jeudi 7 mars 2019

Rome éphémère de Gérard MACE

Rome éphémère de Gérard MACE (photographies de Ferrante FERRANTI) aux éditions Arléa, 9 euros.



Qui du Bernin ou de Borromini a le mieux incarné la Rome baroque ? Lequel a cherché le plus à nuire à l’autre ? Leur rivalité aurait surgi sur le chantier de la basilique Saint-Pierre, le premier reprochant au deuxième l’approche « gothique » de son architecture mais le second auparavant n'avait-il pas fait détruire une chapelle construite par le premier pour y édifier la sienne ? 

Voilà pour donner le ton d’une époque où l’influence de ces deux génies se fit ressentir au grand bénéfice de la cité romaine. Si Gérard Macé insiste sur cette période de la ville, il n’en oublie pas - car son érudition n’est jamais mise à mal sur le sujet - le passé antique et capital de Rome. Combien de lectures, combien de séjours, combien d’années aura t-il fallu pour atteindre une telle facilité d’écriture qui, en quelques cent trente pages (avec les photos), nous instruit avec élégance et précision sur cette ville d’exception ? 

On n’aurait de cesse de courir au plus vite à la rencontre de ces chefs-d’œuvre que sont les églises San Carlino et San't ivo alla sapienza ou les palais Barberini et Spada. Et plus encore, observer les détails, les coulisses du fonctionnement des fontaines ou cette machinerie employée pour créer une illusion plus étonnante qu'au théâtre qui fit apparaître une statue du Christ Enfant devant un miroir de Giovani Antonio Magini : Diverses machines hydrauliques placées autour faisaient en sorte que le visiteur ne voyait ni le miroir ni la statue, mais uniquement l'image de la statue en face du miroir. Oeuvre désormais invisible comme celle que les Pamphili commanditèrent et qu'ils renoncèrent au final à faire exécuter tant le projet proposé par Borromini pour leur villa installée au milieu des vignes leur parut trop audacieux. On n’en finirait pas d'être ébloui par la démesure qui agita cette période fascinante de l'histoire de Rome que les photographies sobres (en noir et blanc) et tout-à-fait éloquentes de Ferrante Ferranti illustrent.


Ce petit livre, qui est au demeurant un grand livre d’art, est un des plus beaux écrits sur Rome comme le commente Pietro Citati qui continue ainsi : 
Une Rome suspendue entre le clair et l’obscur, le ciel et les ruines, les enfers et l’au-delà : une ville de fontaines et de foudre, de fleuve et d’incendie, de fables et d’artifices; cité du théâtre et de l’illusion, élémentaire comme Isis, tragique comme Borromini, abyssale comme Piranèse… Et l’érudition est voilée comme chez Nerval, c’est une érudition qui joue, invente jusqu’au délire, tire des feux d’artifice, pâlit avec les couleurs et les reflets de la nacre, avant de s’éteindre dans la mélancolie.


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