samedi 29 septembre 2012

Dans le ventre des mères de Marin LEDUN

Auteur invité au salon du roman noir "Polar en cabanes" 28,29 et 30 septembre 2012 à Gujan-Mestras.

Dans le ventre des mères de Marin LEDUN aux éditions Ombres noires, 18,90 euros.

Marin Ledun est, selon la formule consacrée, une valeur montante du roman noir français qui livre avec Dans le ventre des mères la première parution d'une nouvelle maison d'éditions nommée Ombres noires. 

Une des particularités de Marin Ledun est d'exploiter l'environnement géographique de la région Rhone-Alpes dont il est originaire. Et en l'occurence, l'ouverture de ce roman est un extraordinaire exemple digne de J.P. Manchette. On y voit un phénoménal accident dans un village de montagne qu'un seul témoin appréhende, un pompier de surveillance qui, hélas pour lui, ne sera que d'un secours éphémère.

Qu'a-t-il bien pu se passer dans ce village ? Telle est la question centrale à laquelle le commandant Augey va tenter de répondre dès lors qu'on lui confie l'enquête après qu'on a découvert plus de quatre vingt personnes mortes sans explication. La progression sera lente, l'ampleur du scandale et des enjeux politicoscientifiques auxquels est confronté Augey deviennent entêtants. De toutes les pistes, suivies à l'aveugle, celle de Laure Dahan est la plus dangereuse. D'ailleurs Marin Ledun fait basculer son récit en projetant le lecteur dans la course insensée de cette femme, personnage affolée et affolant, infectée par un virus inventé par son père. Laure Dahan est un personnage atypique, une mutante à la recherche de sa fille et qui voue une haine meurtrière à l'égard de son père, un savant fou recherché par toutes les polices.

Le commandant Augey et Laure Dahan forment à distance un couple volcanique dont les destinées finissent peu à peu par se rejoindre.
Ce roman virevoltant a cette qualité due bien évidemment à son genre, celle de pouvoir être lu d'une traite. Le tout étant de ne pas oublier de respirer.

Serena de Ron Rash

Serena de Ron Rash, livre de poche 7,60€

Dans l’Amérique des années 1930 juste après la crise financière de 1929, Serena et son mari forment un couple d’exploitants forestiers avide et sans scrupule. Arriviste et dotée d’une ambition sans limite la séduisante Serena va tout balayer sur son passage. « Encore un des paradoxes de la nature, les plus belles créatures sont si souvent les plus dangereuses. Le tigre, par exemple, ou la veuve noire. Moi, je dirais que c’est un des aspects de leur beauté, fit observer Serena. » Dans sa course froide et cruelle la garce de Serena finira néanmoins par apprendre que la vengeance est un plat qui se mange froid…

Aussi venimeuse que les serpents qui infestent ses forêts elle laisse derrière elle un paysage de désolation… Au milieu d’une nature souvent hostile, qui est un vrai personnage du roman, se déroule un combat entre le bien et le mal. Sorte de tragédie biblique, le superbe et épique roman de Ron rash a du souffle. Les personnages sont d’une densité remarquable et nous ne sommes pas prêts d’oublier Serena ! Récit des grands espaces, on pense parfois à Jim Harrisson mais aussi au sublime film de Paul Thomas Anderson : « There will be blood ».

Dans une récente interview donnée à l’occasion de la sortie de son dernier livre (Le monde à l’endroit, Seuil), Ron Rash déclare : « Je veux montrer la face sombre du rêve américain. » Mission formidablement accomplie !

Olivier de Marc

14 de Jean ECHENOZ

14 de Jean ECHENOZ aux éditions de Minuit, 12,50 euros.

Echenoz nous revient, par la force des choses.
Comme la plupart des bons écrivains : Bon qu’à ça !
Assidue ou pas, la lecture de 14 arrange bien parce qu’elle ne dure qu’une centaine de pages.

Echenoz est averti que son sujet a été mille fois rebattu. Ses personnages partent pour la boucherie, il n’est donc pas si enchanté que ça de les avoir créés. On le comprend.
Alors pourquoi avoir écrit un roman, certes documenté (de menus détails authentifient sa recherche), mais tellement court que l’on croirait l’auteur affligé par avance par les chefs-d’œuvre de Guilloux, Dorgeles ou Romains qui gravement le contemplent. Car Echenoz a toujours eu l’écriture légère, elle ne s’appesantit jamais et parfois déroute. Un détail bien placé épargne des pages de description, une déclaration bien sentie, des pages de psychologie etc.
L’esquisse plait à Echenoz peut-être pour la raison qu’elle met à contribution l’intelligence du lecteur. Peut-être aussi faudrait-il  le citer mais l’appât que suscite chacune de ses phrases invite trop à lire les suivantes jusqu’à, comme pour 14,  côtoyer le pire.

Echenoz revient donc au roman après avoir conté trois vies remarquables (Ravel, Zatopek, Tesla). Il annonce ainsi les prémices d’un élan nouveau et prometteur, apte à donner une autre envergure à son œuvre pourtant riche et récompensée.
La littérature française contemporaine n’ayant pas beaucoup d’écrivains comme lui, réjouissons-nous !

samedi 22 septembre 2012

Polar en Cabanes

1er SALON DU ROMAN NOIR DE GUJAN-MESTRAS, 28, 29 et 30 septembre 2012.


 Conçu et organisé par l'ACHAAB (Amis de Chester Himes d'Aquitaine, d'Arcachon et du Bassin).





L’ association dite ACHAAB  fondée en 2011, a pour but de rappeler et commémorer le séjour à Arcachon de l’écrivain afro-américain Chester Himes (1909-1984) et de manière générale de développer les manifestations visant à faire connaître la littérature noire et policière.





La Librairie Générale est partenaire de l'événement.
Vous trouverez sous le chapiteau installé au port de Larros, une librairie éphémère qui proposera outre des romans de Chester Himes, une sélection de romans de jeunesse et adulte des auteurs invités.
Le programme est disponible à la librairie ainsi que sur le blog de l'association :


C'est une première et nous sommes fébriles et impatients !

Névada de Claire WATKINS

Nevada de Claire Watkins aux éditions Calmann Lévy, 19.50 euros

10 nouvelles douces-amères, parfois sombres mais jamais tristes, au contraire, où les héros/héroïnes sont sauvés du tragique quotidien par leur humanité et celle de leur rencontre.
Un jeune homme qui tombe dans une maison close, un orpailleur du début du siècle et son fils à la recherche de LA pépite, deux femmes trop jeunes pour sortir, un couple qui se rencontre et aura un enfant puisque c’est la norme, un vieil homme solitaire qui recueille une (jeune) femme amochée, un automobiliste qui trouve sur le bas côté une ordonnance et décide d’écrire à son bénéficiaire etc..

Une profondeur, maturité qui impressionne derrière la plume de l’auteur et qui, pour un premier livre, impose déjà sa petite musique, soufflant sa brise sur des plaies, sur des personnages écorchés, non pour réveiller en sursaut mais au contraire pour les apaiser.

Lorsque vous saurez de surcroît que l’écrivain n’est âgée que de 28 ans...

Monsieur Roudoudou

Chronique joyeuse et scandaleuse de Maurice Sachs

Chronique joyeuse et scandaleuse de Maurice Sachs, collection Phébus Libretto, 8,10 Euros.

Juif converti au catholicisme, intime de Max Jacob, ami de Coco Chanel mais aussi de Gide et de Cocteau, mondain, escroc, homosexuel, collaborateur, Maurice Sachs meurt en 1945 à 39 ans d’une balle dans la nuque tirée par un SS. Dire que sa biographie sent un peu le souffre est un euphémisme.

Il nous a laissé une poignée de textes qui témoignent des extravagances et de la légèreté de l’entre-deux guerres à Paris juste avant que l’Europe ne sombre dans la barbarie. Chronique joyeuse et scandaleuse en fait partie. Largement autobiographique, ce récit nous permet de rencontrer toute une série de personnages haut en couleur. Maurice Sachs n’étant pas le moins bigarré. Doté du sens de la formule l’auteur dresse parfois des portraits d’une cruauté jubilatoire : « Elle ouvrait bien trop la bouche sur la rangée de dents perlées qui était tout ce qu’elle avait à dire ».

Nous décrivant son exil à New-York, l’auteur nous fait un peu penser à l’arrivée de Bardamu dans Voyage au bout de la nuit. Mais sans le génie. Au fond, on pourrait appliquer à Maurice Sachs la formule d’Oscar Wilde : « J’ai mis tout mon génie dans ma vie ; je n’ai mis que mon talent dans mon œuvre ».

Olivier de Marc

samedi 15 septembre 2012

Kalooki nights d'Howard JACOBSON

Kalooki nights d’Howard JACOBSON aux éditions Calmann Lévy, 22.50 euros.


Kalooki désigne une partie de cartes plus ou moins éloignée du jeu de rami et pourrait servir d’ascenseur comme pour rejoindre une mine. Cela nous enverrait dans les tréfonds de la terre pour en extraire du métal, un minerai, quelque chose de précieux mais aussi dans un dédale, un endroit peu éclairé et peu rassurant, un endroit où des catastrophes sont souvent survenues. La mine dans laquelle Kalooki nous expédie est le monde juif, la judéité,  richesse précieuse de l’humanité.

Howard Jacobson, guide de cet univers dont il semble être également le démiurge, a choisi Manchester en Angleterre et un certain Max Glickman, témoin et acteur, à l’intelligence et l’humour cinglant, pour élucider une affaire dans laquelle tout le monde est empêtré. En effet, un crime a été commis par l’ami d’enfance de Max, l’inénarrable Manny qui a purgé vingt ans de prison mais dont personne n’a compris les raisons qui l’ont poussé à l’acte ignominieux du gazage de ses parents.
Les juifs vivent en famille, grandissent en famille et meurent en famille, voilà comment on pourrait abruptement résumer Kalooki nights. Mais ce serait ne pas comprendre l’écartèlement intérieur des protagonistes de cette histoire qui tentent de s’émanciper du destin juif. Max, par exemple, épousant en vain des femmes non juives.

Les années cinquante, cadre magnifique de l’enfance de Max qui, depuis l’Angleterre, l’épargnèrent d’un point de vue géographique sans pour autant lui éviter d’innombrables questions quant à l’ébranlement que provoqua la Shoah, font échos aux années deux mille et au resurgissement de Manny ainsi que d’un enrobage inextricable du tissu familial fabuleusement drôle. Ainsi nous profitons avec ce livre obsédant d’une visite inopinée dans les méandres d’un peuple qui dit de lui-même n’avoir jamais cessé de se définir.

Si la quatrième de couverture prétend qu’Howard Jacobson est le Philip Roth anglais, alors souhaitons-lui une égale sinon supérieure reconnaissance.


samedi 8 septembre 2012

Le lynx de Silvia Avallone par Olivier de Marc

Le Lynx de Silvia Avallone, Liana Levi Piccolo 4€

Dans ce bref récit tendu comme un arc, Silvia Avallone nous décrit la rencontre improbable entre Piero, un quadragénaire petit malfrat, et Andréa adolescent secret d’ « une beauté foudroyante ». Deux destins brisés vont alors tenter de s’apprivoiser et de mieux se connaître. Leurs chemins se croisent une nuit sur une aire d’autoroute dans une ambiance crépusculaire : « Ils se rencontrèrent pour la première fois dans un restoroute, en pleine nuit. Une de ces nuits, toutes pareilles, qui flottent lourdes comme du pétrole sur la lande silencieuse entre Novara et Vercelli ».
Non dénuée d’ambiguïté, leur relation va faire surgir des fantômes cachés au fond d’eux-mêmes. Roman sur le désespoir et la solitude, Le lynx est une tragédie moderne très percutante et d’une grande densité. La chute extrêmement émouvante donne à l’ouvrage une dimension bouleversante.
Au milieu des milliers de pages publiées en cette rentrée littéraire en voici soixante d’une singulière et envoutante beauté.

Olivier de Marc

Lame de fond de Linda LÊ

Lame de fond de Linda Le aux éditions Christian Bourgois, 17 euros.

Linda Lê, à sa façon, hante la littérature française depuis une vingtaine d'années, surgissant çà et là au gré de quelques rentrées littéraires et indéniablement liée à son éditeur historique Christian Bourgois.

Ainsi Lame de fond n'entâche en rien cette carrière discrète mais opiniâtre où l'oeuvre se trame de livre en livre jusqu'au jour où l'on distinguera l'ensemble pour sa cohérence et la belle qualité de son écriture.

Lame de fond entreprend de parcourir la vie d'un homme, dont on sait d'emblée que celle-ci vient de prendre fin malencontreusement sur un boulevard parisien, renversé par une voiture conduite par sa propre femme. Cet homme s'appelait Van. Il nous informe lui-même de sa mort et des personnes venues assister à son enterrement. A part ça, Van semble aller bien, il se sent un peu seul et se désole d'avoir perdu contact avec les trois femmes de sa vie, sa femme, bien qu'elle lui ait plus ou moins volontairement ôté la vie, sa fille et sa maîtresse qui vont tour à tour enrichir le récit en livrant  chacune leur version de la vie de Van. Ce sont trois fortes personnalités qui par le biais de leur journal intime, de confessions ou de séances psychanalytiques évoquent l'importance et le rôle de Van dans leur vie.

L'intérêt de ce roman procède de la variation stylistique, du point de vue des intervenants, de leur complexité, de leur déracinement. Van, bien sûr focalise toutes les problématiques. Correcteur aigri de maisons d'éditions dont il déplore les jeux faciles et séducteurs auprès d'auteurs jugés sans talent, homme cultivé au-delà de ce que la société produit et donc isolé et nostalgique, il attire néanmoins la curiosité de ceux qui l'approchent par ses attitudes revêches et parfois incompréhensibles.
Femme, fille, maîtresse parviendront à décrypter ses secrets tout en lui laissant le dernier mot qui se révèlera émouvant et surtout réconfortant.

Colloque sur le café et ses bienfaits ce soir et demain!


L'association Arcachon Plaisir Santé anime ce week end (samedi 8 et dimanche 9 septembre) un colloque sur le café dont des spécialistes expliqueront la culture et les bienfaits.

Alors pour tout connaître sur ce breuvage de nos jours incontournable et avoir la chance d'en déguster différentes variétés, voici le programme de ces deux jours:

SAMEDI: projection au cinéma Grand Ecran Eden à 20h00 du film Ethiopie café équitable, présenté et réalisé par le Centre Caféologie de Bordeaux, puis projection du film de Woody Allen Minuit à Paris qui permettra de voir le café comme lieu politique, philosophique et littéraire.

DIMANCHE: à partir de 14h00 à l'Olympia (entrée gratuite), vous pourrez déguster des variétés de café et vous documenter auprès des différents stands (café, cacao, thé, épices et... librairie!) tout en assistant à deux débats qui animeront l'après midi:
- à 14h30: dans une séance présidée par Bernard Lummeaux: Yvonne Daudet, Dr Christiane Tixier, Aimé Nouailhas, Christophe Lambard (caféologue) dévoileront tout sur le café, de la graine et du caféier jusqu'à la tasse mais présenteront aussi le monde du café culturel jusqu'à son rôle social.
- à 15h45: Dr Guy Daudet, Dr May Antoun, Professeur Bernard Bouliac et Martine Caule (psychologue) expliqueront les bienfaits de ce breuvage qui oscille parfois entre plaisir et addiction.



samedi 1 septembre 2012

L'auteur et moi d'Eric CHEVILLARD

L’auteur et moi d’Eric CHEVILLARD aux éditions de Minuit, 19.50 euros (parution le 6 septembre).


Les livres d’Eric Chevillard, outre la somme incalculable de qualités qu’ils recèlent, ont l'avantage de dispenser d'une tâche aux résultats bien souvent aléatoires qui a pour objet de livrer la clé de l’œuvre de l'auteur.
Inutile donc de s'échiner à obtenir un tel résultat, Eric Chevillard comble toutes les attentes et d’une manière définitive comme s'il avait cette fois tout donné.
Alors de deux choses l’une, si vous avez encore une once de perplexité à la fin de cet ouvrage, soit vous reprenez en toute humilité, tout ou partie de L’auteur et moi, soit vous vous raisonnez et cessez une fois pour toute de perdre votre temps avec cet auteur.
En ce qui me concerne, j’ai refermé le livre parvenu à sa dernière page avec la fierté plutôt grande et pourquoi pas immense de me sentir en mesure de comprendre une langue écrite par un tel écrivain, de rire avec lui ou par lui, de m’émouvoir, d’enrager et d’être à même de ressentir intimement quelques déclarations tapageuses que jamais je n’avais lu jusque là.
Bref, un livre d’Eric Chevillard suscite en moi une liste d’envies quasi infinies de remerciements. Et pour en donner la preuve je m'écrie : vive la truite ! (comprenne qui pourra).