samedi 26 octobre 2013

Un destin d'exception de Richard YATES par M. ROUDOUDOU

Couverture Un destin d'exception de Richard YATES aux éditions Robert Laffont, 22 euros.


 On n'en finit plus d'éditer Richard Yates, auteur majeur tombé dans l'oubli et découvert en France il y a une dizaine d'années avec "son" chef d'oeuvre qui en est aussi un de la littérature du XXème siècle, La fenêtre panoramique.

Dans Un destin d'exception, livre sans doute le plus personnel, le jeune Robert Prentice part combattre en France durant la 2ème Guerre Mondiale, laissant derrière lui sa mère, femme divorcée sculptrice (*) à ses heures qui l'élevait seule depuis sa séparation. On pense alors sombrer dans un énième livre décrivant la guerre d'un jeune américain de 18 ans partant au front, découvrant l'Europe et revenant Homme, avec force description de combats, d'amitiés, d'héroïsme et de lâchetés. Mais c'est mal connaître Richard Yates. On n'est pas là pour sauver le soldat Ryan, il ne faut pas compter sur lui pour ces effets qu'il laisse aux autres. Au bout de quelques pages il casse volontairement ce rythme linéaire et remonte à l'enfance de Robert Prentice: le personnage central du livre devient cette mère, qui se berce d'illusions, va enseigner la sculpture à New-York aux enfants de riches familles de la Côte Est et devenir célèbre. Elle rencontrera un homme cultivé et vivra dans une demeure somptueuse. A moins que, comme souvent dans les romans de Richard Yates, lorsque le conte de fée semble se réaliser, que l'on pourrait lorgner du côté de Scott Fitzgerald, il ne s’effrite inexorablement ; à moins alors qu'en parallèle le roman revient au présent et décrit de façon tragi-comique les combats de son fils (il casse avec son fusil une fenêtre comme il a vu faire dans des films), qu'elle ne se retrouve dans une ville, une villa paumée du Texas chez sa soeur fuyant les dettes et le réel.

Mais il n'y a jamais de regard critique, de jugement, ou, à l'opposé de valorisation, complaisance dans les défaites des êtres qu'il décrit. Ce ne sont pas des losers magnifiques, mais des personnages confrontant leur rêve au réel et inversement, et dès lors, doivent faire face à leurs failles en s'efforçant de rester dignes. C'est ce décalage, jamais sombre ni noir, qui rend ses romans d'autant plus cruels mais paradoxalement toujours bienveillant. Il reste un rai de lumière chez Richard Yates.

(*) Dans un recueil de nouvelles parues récemment Menteurs amoureux, on retrouve aussi la figure de cette mère sculptrice.

M. ROUDOUDOU

Bandoneon de Jorge Gonzalez

Couverture Bandoneon de Jorge GONZALEZ aux éditions Aire Libre, 24 euros.

Bandoneon est une affaire de dessins et de caricatures fatalement associée à la dictature, celle que connut l’Argentine tout au long du 20ème siècle. C’est au départ de Gênes que Jorge Gonzalez inaugure son histoire en 1919. On y voit une foule ramassée sur un quai comme on en voyait quant un bateau s’en allait vers l’autre continent, l’Amérique. Ces visages, nez levés, vus de dos et de profil sont repris le dessin d’après, cette fois vus d’en haut et de face, le regard de l’illustrateur s’étant déplacé du quai au bateau, embarqué. C’est monumental, le dessin s’apparentant à une esquisse, à la fois précis et inachevé. La traversée, le bateau, l’Italie, l’enfance recomposée dans une couleur de papier jaunie en peu de mots sinon des dialogues confus comme le souvenir et l’exil.
C’est l’histoire d’Horacio qui nous est contée, de son arrivée en Argentine, enfant à Buenos Aires dans l’univers musical, interlope et fatal du Tango.
Horacio apprenti pianiste mais talentueux est détecté par le bandoneiste Vicente, gros homme remplissant les cases de Jorge Gonzalez jusqu’à les déborder, gros homme d'où suinte une expression tragique uniquement lorsqu’il joue de son instrument dans des bouges de la capitale parmi les prostituées et d’autres musiciens, compagnons d’infortune. Horacio l’accompagne un soir, il n’a pas dix ans et la mère du garçon disgracie Vicente, ce voisin à qui elle avait donné sa confiance. Mais il est trop tard, Horacio devient un pianiste magistral que l’on réclame jusqu’à New-York et qui choisi par amour et ambition une toute autre voie, visant la fortune et l’élévation sociale plutôt que le talent et la passion de son art.
A l’arrière de ce destin, Jorge Gimenez a bâti l’histoire de Buenos-Aires jusqu’aux années soixante, ville nocturne, brutale et sexuelle et a donné à sa BD un air de chef-d’oeuvre.

samedi 19 octobre 2013

Rencontre avec Jeanne Faivre d'Arcier


Samedi 26 octobre de 10h30 à 12h00 
et de 14h30 à 17h00



 


 Alors qu'Arcachon fêtera Halloween

nous aurons le plaisir d'accueillir à la librairie

JEANNE FAIVRE D'ARCIER

qui emmènera les plus petits dans les mystérieuses cabanes tchanquées
et les plus grands sur les traces du dernier vampire..!

le divan de Staline de JD Baltassat pat Olivier de Marc

Le divan de Staline de Jean-Daniel Baltassat, Seuil, 20€

1950 Borjomi en Georgie. Staline est dans sa datcha. Tous ses sbires sont là, mais aussi sa maitresse de longue date vodieva ainsi qu’un jeune peintre ambitieux danilov venu présenter un projet à la gloire du Chef. Le petit père des peuples est alors à son apogée après sa victoire sur les nazis. Il vient pour se reposer mais aussi pour s’essayer à la psychanalyse. Dans son bureau, il a fait installer un divan identique à celui de Freud : « Staline dort sur le divan du Charlatan. J’en connais à qui ça plairait de l’apprendre. » 

Le divan de Staline nous fait entrer dans l’intimité du dictateur .L’auteur restitue admirablement la terreur qu’inspire le tyran à son entourage. Le moindre battement de cils est traqué avec angoisse. Tout y est : la paranoïa, les intrigues de cour, les sautes d’humeur…
Dans ce roman singulier qui mélange des personnages réels et de fictions, Jean-Daniel Baltassat livre une réflexion sur la place de l’art dans la société mais aussi sur la mémoire et le pouvoir. Porté par une langue d’une remarquable puissance, ce huis clos à l’ambiance crépusculaire nous montre que derrière les plus grands monstres se cache parfois un misérable petit être humain avec ses fantômes et ses névroses. Toutefois, il ne s’agit en rien d’une réhabilitation. Pour preuve, je vous laisse découvrir la fin du roman aussi glaciale que la neige sibérienne.
Olivier de Marc

Salon Lire en Poche 2014

Parce que parfois les images sont plus parlantes que les mots, voici un petit reportage photo du salon Lire en Poche de Gradignan où nous étions il y a quinze jours.

Cette année les éditions du Livre de Poche fêtaient leur 60 ans et pour marquer le coup rien de moins que Arnaud Cathrine, Fabrice Colin, Barbara Constantine, Frédérique Deghelt, RJ Ellory, Valentine Goby, et Bernard Werber sur le stand de notre librairie!!!!
Et nous n'oublierons pas non plus Jérôme Attal qui représentait pour notre plus grand plaisir les éditions Stéphane Million et qui connut également un franc succès sur ces deux jours!

En résumé?! un salon très intense ( 1.5 mois de préparation en plus de notre quotidien à la librairie, des commandes travaillées avec une minutie d'orfèvrerie, une nombre incalculable de coups de téléphone et d'échanges de mails, des montagnes de colis à porter à droite... puis à gauche car sinon ça ne serait pas drôle, 1.5 journée d'installation sur place, 2.5 jours de sourires, de stress, de conversations qu'on n'a pas le temps de finir, pas moins de 30 mn de course effrénée pour trouver un "marqueur qui glisse", 2 silhouettes qui dans la nuit déchargent des cartons de 23h00 à minuit dans le cours Lamarque, etc.) mais tout ceci pour notre plus grand bonheur...

 



Une illusion passagère de Dermot BOLGER

Une illusion passagère de Dermot BOLGER aux éditions Joëlle Losfeld, 15.90 euros.

Il est au bout du rouleau Martin en cette soirée qu'il s'apprête à passer seul dans sa chambre d'hôtel à Beijing. En récapitulant la journée où il s'est efforcé de sourire à tout va, il constate que sa vie est arrivée à un point de non retour.  Sa carrière diplomatique s'est échouée  comme son pays, l'Irlande, dirigée pour quelques semaines encore par un parti venu mendier une aide financière aux chinois. C'est un chant du cygne qui tombe le jour de la saint Patrick et aux antipodes de l'île verte.

Certes, Martin a la soirée pour lui car il n'a pas été invité à suivre son ministre, il peut donc laisser fuir des pensées qui l'acheminent au dur constat que sa femme et ses filles sont devenues indifférentes à lui voire hostiles et que ses cinquante-cinq ans lui administrent une éprouvante épreuve de lucidité.
Ce soir, il pourrait très bien sortir dans les quartiers touristiques ou obtenir de la part de l'hôtel une quantité de services proposés par l'intraitable et néanmoins souriant accueil des hôtesses. Martin ne sait pas. Un massage ?  Cela le remettrait de cette harassante journée auprès de son ministre.                                                                                                                                                                                                    
Une femme va donc sonner à sa porte et débuter une étrange relation. Les mains de la masseuse déclenchent une sensation  que Martin semble n'avoir jamais rencontré. Jusqu'où va t-il supporter ses allers et retours sur son corps ?

La prose de Dermot Bolger délivre en peu de pages une rencontre fascinante traitée sur le mode d'un suspense érotique ! Le temps d'une séance, une femme chinoise fait basculer la vie de Martin par le simple contact de ses doigts. Longtemps sur la défensive, Martin sent s'accroître le rapprochement civilisateur qu'il a provoqué et où tout peut et à tout moment se modifier et être détruit.

Dermot Bolger maintient cet affrontement sensuel jusqu'au bout avec une maestria incontestable. Depuis Soie d'Alessandro Baricco, l'Orient et l'Occident ne s'étaient aussi ardemment rencontrés via le roman.

samedi 12 octobre 2013

Numérique

EVENEMENT

La Librairie Générale s'ouvre 
au livre numérique !


Si notre coeur et notre âme restent profondément et irrémédiablement attachés au livre papier que nous défendrons toujours avec priorité, nous sommes heureux aujourd'hui de pouvoir élargir notre offre en vous proposant dorénavant un large choix de livres numériques !
Si différentes possibilités se présentaient à nous, nous avons décidé dans un premier temps d'entrer en douceur dans cette nouvelle ère, disons-le, assez révolutionnaire pour nous. Donc pour le moment, point de borne numérique dans notre belle librairie qui sent bon le papier (et même plutôt le carton certains jours !).
En revanche, nous nous sommes ralliés au site internet ePagine qui vous permettra d'accéder à de nombreuses références téléchargeables sur vos différents supports numériques.
Pourquoi passer par ce site et non par l'incontournable Amazon (entre autres) ? Et bien tout simplement parce qu' ePagine a choisi de travailler avec les libraires indépendants et a mis son sérieux et ses compétences au service de lecteurs souhaitant utiliser les nouvelles technologies sans mettre en danger la survie de leurs librairies physiques de proximité.

Alors concrètement comment faire?
- Il vous suffit d'aller sur le site http://www.placedeslibraires.fr/
- Vous entrez le titre du livre dans l'espace "Rechercher un livre", vous cliquez sur OK.
- Vous êtes dirigés sur une liste de réponses correspondant à votre recherche.
- Sur chaque ligne de référence, si le titre est disponible en version numérique, il vous est indiqué: " disponible en numérique: epub ou pdf".
- Vous choisissez alors le format  que vous souhaitez télécharger en cliquant sur "epub" ou sur "pdf" selon ce qu'il vous sera proposé car certains titres ne sont disponibles que dans un seul format.
- On vous demandera alors de choisir une librairie en cliquant sur "choisir une librairie". Une liste des différentes librairies d'Aquitaine va alors s'afficher et là à vous de choisir ! Bon, évidemment, sans vouloir vous influencer, le choix de La Librairie Générale à Arcachon nous semble de très loin le plus judicieux!
- Vous cliquez ensuite sur le "Je télécharge via ePagine" correspondant à la ligne de votre librairie préférée.
- Vous cliquez sur " ajouter au panier" et là vous faites comme sur n'importe quelle commande que vous passez en ligne! Vous validez votre panier, vous vous identifiez, vous payez et vous téléchargez !

Une question ou tout simplement besoin d'aide ? Vous pouvez à tout moment contacter le service d'assistance du site par téléphone au 01 55 58 32 20 ou par courriel à hotline@epagine.fr

Nous espérons que cette nouvelle offre que nous vous proposons saura vous satisfaire et que dorénavant lors de vos prochains téléchargements de livres numériques vous aurez le réflexe "librairie" !

Je ne retrouve personne d'Arnaud CATHRINE

Je ne retrouve personne d'Arnaud Cathrine aux éditions Verticales, 17.90 euros

Je ne retrouve personne est écrit comme un journal tenu par un écrivain qui ressemblerait fortement à l’auteur, celui-ci effectuant un retour aux sources dans des circonstances quelque peu forcées et même contrariées.
Cet écrivain qui se nomme Aurélien Delamarre est à l’orée de ses trente cinq ans, il revient en Normandie dans la maison de famille où n’habite plus personne, d’ailleurs il est venu pour vendre. Ses parents retraités sont sur la côte d’azur,  son frère, cinéaste au quatre coins du monde et lui-même est parisien. La belle normande n’est donc qu’un décor comme Villerville, son village, où l’on célèbre encore Un singe en hiver.
Aurélien Delamarre a vécu là longtemps, il y a connu le lycée, des amis, des ennuis et, en dernier lieu, une séparation sur la plage en face de la maison avec une femme, Junon, qui parfois lui confie son enfant, Michelle, dont il est le parrain. Outre cette affliction sentimentale, Aurélien subit de pénibles retrouvailles, d’abord avec Mado la bourgeoise vieillissante, amie de la famille puis avec Hervé, l’ami du lycée, qui se présente à lui en tant qu'agent immobilier qui s'occupe de vendre sa maison.                                                                                                                                             
Aurélien, la nuit, siphonne des bouteilles de vin et procède à l’inventaire de ses jeunes années et de son amitié évaporée avec un certain Julien dont il a appris par Hervé le suicide.
Le séjour devient alors une enquête sur les causes de cette disparition quitte a suivre dans la rue la mère de Julien et, plus troublant, recevoir l’appel d’une femme, Myriam, veuve de Julien et dont il apprend qu’il avait lu un de ses livres, celui qui parlait de lui.
La venue de Michelle, sa nièce, est un intermède heureux qui lui permet la rencontre d’une jeune et jolie inconnue dans un café de Deauville.  Enfin l’intrusion du frère d’Aurélien, despote migraineux, aboutit comme prévu à un règlement de comptes.
Le roman cumule les préoccupations d’Aurélien alors que le livre qu’il vient d’écrire tombe dans l’oubli au moment de sa parution. Un livre qui n’aurait pas du être édité reproche t-il à son éditeur.
Les passes d’armes comme les moments plus doux forment de nombreux dialogues qui maintiennent dans un style limpide et une écriture accessible,  une exigence morale des plus pointues.

Plonger de Christophe Ono-Dit-Biot par Olivier de Marc

Plonger de Christophe Ono-Dit-Biot, Gallimard, 21€


Prix Interallié en 2007 pour Birmane, Christophe Ono-Dit-Biot nous revient, en cette rentrée littéraire, avec Plonger publié chez Gallimard.
 
« Ils l’ont retrouvée comme ça. Nue et morte. Sur la plage d’un pays arabe. Avec le sel qui faisait des cristaux sur sa peau ». César, quadra bien installé au coeur du pouvoir médiatique va enquêter sur la disparition de Paz la femme qu’il a passionnément aimée. Elle est partie il y a plusieurs mois, pour une destination inconnue, le laissant seul avec leur petit garçon Hector. Pour son fils, en guise de témoignage, il remonte le fil de leur amour fou et tragique. A partir de cette trame romanesque l’auteur développe un certain nombre de réflexions. Sur la place de l’art dans la vie (Paz est une photographe célèbre), l’amour dans l’Europe d’aujourd’hui (« Elle avait raison, Paz. On vivait de plus en plus sans amour. Sauf pour nous-mêmes. Les réseaux sociaux nous serinaient le mot partage nous faisant croire aux mirages d’un monde où tout serait mis en commun, alors que c’était le contraire. On ne partageait pas ses photos : on se les jetait à la gueule »), le désir d’absolu, la part de mort dans l’amour… 

Ecrit dans un style limpide, « Plonger » est un livre ambitieux, qui a du souffle. L’auteur a le mérite de nous proposer un vrai roman, loin de l’auto-fiction dans laquelle patauge beaucoup d’écrivains français avec un bonheur très inégal. On respire et ça fait du bien. Allez y Plongez !
 
Olivier de Marc