samedi 23 juin 2012

François GARCIA

Federico ! Federico ! de François GARCIA aux éditions Verdier, 16 euros

François Garcia est entré en littérature par la porte des éditions Liana Levi avec Jours de Marché, c’était en 2005. Médecin bordelais avec une carrière bien assise, il obtient une reconnaissance immédiate du milieu restreint de la critique littéraire ainsi qu’une notoriété nouvelle dans sa bonne ville de Bordeaux. En effet, nombreux furent ceux qui reconnurent en François Garcia un formidable mémorialiste puisant dans l’histoire singulière d’une famille, les Lorca, qu’il ne cache pas être la sienne. Bordeaux, avec François Garcia, fut, en quelque sorte magnifiée par la chronique de son quartier le plus populaire, les « Capus » et sa cohorte d’immigrés espagnols issue de la guerre d’Espagne. Jours de marché, c’était aussi la guerre et l’occupation allemande et le roman s’achevait à la libération.

On peut imaginer que François Garcia fut conforté dans son désir d’écrire par l’accueil significatif qui lui fut accordé jusqu’aux meilleures émissions littéraires parisiennes. Confiant, il s’enhardit dans cette tâche nouvelle d’écrivain et publie un second roman autobiographique que les éditions Verdier ajoutent à leur collection Faenas, entièrement tournée vers la tauromachie. On découvre alors un jeune homme travaillé par son destin qu’il pensait accomplir au milieu de l’arène, qui plus est en Espagne. Cet itinéraire, bien que contrarié, est mis en lumière avec le titre Bleu ciel et or, cravate noire,  périple d’un étudiant bordelais parti à la conquête de l’Espagne et de ses taureaux.

Désormais installé aux éditions Verdier, François Garcia complète son tableau romanesque bordelais en signant Federico ! Federico ! dont l’ambition se résume à la tonalité de trois voix et de trois destins bien distincts et qui occupent de nouveau un terrain historique. Federico en est, d’une certaine manière, la figure centrale, heureuse et innocente, qui scande jusqu’au bout du livre un "je" juché du haut de ses plus jeunes années au coeur du clan des Lorca, les mêmes qui créèrent l’épicerie de Jours de marché. Ainsi, la voix de Federico alimente les riches heures du quartier des Capuçins de la fin des années cinquante et rend hommage aux autres voix vivaces de la population bordelaise. De ce quartier si particulier sera extirpé Maxime, second personnage essentiel du roman et qui sera envoyé en Algérie où le « problème » ne cesse de grandir.

Enfin,d’Algérie, Karim, troisième et dernier personnage emblématique de cette époque, vient se réfugier dans le cœur de la capitale girondine et grossit, malgré lui, les rangs des indépendantistes algériens ainsi que leurs agissements .Le chevauchement narratif instauré par François Garcia, élargit  la vision d’une période et d’une société complexe et infiniment variée. Il fallait cet agencement éclairant pour obtenir de si riches ressorts romanesques qui offrent au final une fresque humaniste et chaleureuse tandis que le drame et la joie demeurent inextricablement liés.

Marta MORAZZONI

La note secrète de Marta MORAZZONI aux éditions Actes Sud, 22.50 euros.


A regarder la couverture, le thème religieux de ce livre s'impose. Effectivement, la ville de Milan, au coeur du XVIIIeme siècle, connut l'affaire de l'évasion de soeur Paola Pietra, jeune nonne du monastère de Sainte-Radegonde. L'histoire est réelle, il y a des traces dans les archives des plus hautes instances catholiques, c'est à dire Rome où l'affaire Paola Pietra s'achève. Que s'est-il donc passé au sein du couvent qui abritait des religieuses réputées pour leur chant ? Une révélation. La toute jeune soeur Paola Pietra détient une voix exceptionnelle, un don immédiatement repéré par son professeur de chant soeur Rosalba. Bientôt on se pressera sur les bancs de l'église Sainte-Radegonde pour écouter cette voix qui se distingue malgré elle des autres voix du choeur entonnant le Stabat Mater de Pergolese. Elle atteindra de plein fouet un certain Sir John Breval, diplomate anglais en poste, pour une année seulement, à Milan. Marié, père de deux enfants, le voici  éperdument amoureux de celle qu'il a secouru lors d'un impromptu évanouissement à la fin d'un chant. Il n'a pu apercevoir qu'une infime partie de son visage mais il sait que la voix enchanteresse qui s'élève au-dessus des autres lui appartient. Il en a l'intime conviction. Il l'aime.

Marta Morazzini qui s'est épris à sa façon de cette curieuse histoire, trouve la juste mesure pour avancer au gré des renseignements acquis dans un autre livre. La folle aventure de l'évasion de soeur Paola Pietra est dotée d'un romanesque par endroit stupéfiant. Les conciliabules de celles et de ceux enquêtant sur sa disparition font apparaître les terribles préjugés de cette époque ainsi que les conditions d'existence tout aussi impressionnantes de la vie religieuse. La note secrète n'est pas à proprement dit un roman mystique mais il laisse une part délibérement mystérieuse à l'acte libérateur de Paola Pietra. Le final romain est une réussite absolue, l'atmosphère pontificale qui imprègne la lecture jusqu'aux os aboutie à une morale tout simplement enthousiasmante.

La note secrète a été récompensé en Italie par le prix Alessandro Manzoni en 2011 et du prix Alassio centolibri "Un autore per l'Europa" 2011.

La femme fardée de Sagan par Olivier de Marc

La femme fardée de Françoise Sagan, Livre de poche 7,60€

Le livre de poche nous donne régulièrement l’occasion de nous replonger dans l’univers de Sagan en rééditant ses titres. Avec La femme fardée, nous embarquons à bord du « Narcissus » pour une croisière sur la méditerranée. Là, dans un huis clos savoureux qui exacerbe les passions, on assiste à des histoires de couples instables faites d’infidélités et de jalousies. Toute la panoplie des sentiments humains défile sous l’oeil lucide et acéré de Sagan. La cruauté du regard n’est pas sans humour : « Pour la première fois depuis le départ de Cannes, Charley se trouvait en tête à tête avec Andreas. Il avait fait ses classes en pédérastie avec des maîtres fort renseignés et donc l’unique et définitive devise était ce « on ne sait jamais »qui avait déjà fait ses preuves, disait-on. Cette obstination, cette fixité dans le désir, cette croyance aveugle qu’il suffisait d’un rien pour que chaque individu de chaque sexe puisse oublier une heure que la normalité lui interdisait d’aimer le sien, avait été la bible et le réconfort de notre malheureux commissaire de bord ».Comme souvent chez Sagan, ses personnages sont riches et ont apparemment tout pour être heureux, sauf qu’ils ne le sont pas. La petite musique marche à plein. Atypique par son épaisseur, plus de 500 pages, La femme fardée , roman d’une remarquable finesse psychologique possède ce gout doux amer inimitable.

On a beaucoup écrit sur Sagan, sa vie et son oeuvre tant les deux sont liés. C’est la rançon des mythes. Phénomène rare dans la littérature, elle aura aussi été une icône. La principale hantise de Sagan était l’ennui qu’elle s’efforcera de fuir par tous les moyens. En s’entourant d’amis par exemple. L’un des piliers de sa bande, le brillant Bernard Franck déclarait à propos d’elle : « Françoise Sagan, c’est un peu la mademoiselle Chanel de notre littérature. On aime ou on n’aime pas ses petits tailleurs tout simples, ses pulls, cette élégance négligée ». Nous, on aime, on adore !

L’ immense générosité , la liberté et l’intelligence de ce « gentil petit monstre » comme l’avait qualifiée Mauriac nous manquent. Elle reste aussi le témoin d’une époque où régnait une insouciante joie de vivre, celle des trente glorieuses où la vie était plus pétillante que le champagne alors qu’aujourd’hui tout cela s’est quelque peu éventé.

A noter la parution aux éditions Stock de Sagan et fils de Denis Westhoff (19,00€),témoignage du propre fils de Sagan et pour les fans surtout ne pas oublier le superbe portrait de Marie-Dominique Lelièvre Sagan à toute allure (Folio 7,50€).

Olivier de Marc

samedi 2 juin 2012

Hervé LE CORRE, Bernard DAGUERRE, Dominique DAYAU

Voici la prochaine sélection de nos spécialistes de littérature policière! Nous ne cesserons de répéter la chance que vous avez de pouvoir les écouter gratuitement à la Médiathèque de Gujan-Mestras notamment samedi prochain 9 juin à 11h00 (comptez 1 heure d'écoute) dans un cadre aéré, ensoleillé, naturel avec du bon et du très bon roman noir présenté par des orfèvres passionnés et passionnants.




Mapuche de Caryl FEREY aux éditions Gallimard, 19.90 euros.


Les visages écrasés de Marin LEDUN aux éditions Points Seuil, 7.60 euros.


Nous avons un rêve de Jake LAMAR aux éditions Rivages Noir, 10.65 euros.


Cible mouvante de Ross MACDONALD aux éditions Gallmeister, 10.00 euros.


Noyade en eau douce  de Ross MACDONALD aux éditions Gallmeister, 10.00 euros.









Nous pourrons aussi compter sur la présence exceptionnelle de Dominique DAYAU (voir par ailleurs notre mise à jour du blog précédente), avec qui vous pourrez échanger des réflexions policières (bien qu'Hervé LE CORRE et Bernard DAGUERRE se chargent également de ce travail) ainsi que découvrir ses écrits.



Bouquet garni aux éditions Mollat, 14.20 euros.


Toilettes de flics aux éditions Elytis, 13.70 euros.


Serial piqueur aux éditions Elytis, 13.70 euros.








Notre invitation est lancée. C'est la dernière avant l'été...


Jacques-Pierre AMETTE

Liaison romaine de Jacques-Pierre AMETTE aux éditions Albin Michel, 15.00 euros.


Rome  2005, le pape Jean-Paul II s'accroche, pour quelques jours encore, à la vie. Paul est un journaliste français envoyé par son journal pour "prendre la température" et rédiger un article qui sonderait la population. Il néglige le correspondant local, spécialiste du vatican. Il préfère parcourir les rues, écouter, voir la vie de la capitale et surtout retrouver Constance, sa maîtresse qui l'a rejoint quelques jours après lui.

Ce roman d'atmosphère détient une mélancolie secrète à l'image des nombreux orages qui planent au-dessus de Rome mais qui n'éclatent jamais. Ainsi s'elabore le sentiment d'attente de la fin d'un pape et de la réaction qu'elle suscitera forcément, de l'article à rendre sur la particularité de cet événement et du traitement décalé que Paul veut obtenir et de Constance, enfin, figure énigmatique qui ne cesse d'obstruer la sérénité de ses pensées.

Jacques-Pierre Amette a obtenu le prix Goncourt en 2003 avec La maîtresse de Brecht, on lui doit aussi un excellent Province (1997) ou encore Ma vie, son oeuvre (2001). Son écriture décrit avec une grande élégance les désarrois psychologiques, les mouvements secrets de l'âme et les perturbations qui en découlent. Liaison romaine nous en offre, s'il en était besoin, une preuve supplémentaire et réussie.

Allmen et les libellules de Martin Suter par Olivier de Marc

Allmen et les libellules de Martin Suter, Points seuil 5,70€

Ecrivain suisse doté d’une certaine notoriété, Martin Suter propose avec Allmen et les libellules le premier tome d’une série policière. Son héros récurrent très dandy, Allmen, est un aristocrate ruiné. Il mène une belle existence dans son domaine suisse. C'est, du moins, ce qu’il s’attache à montrer. Pour maintenir les apparences et son niveau de vie et, comme décidemment, travailler est trop vulgaire, il va prendre l’habitude de voler des oeuvres d’art. Tel Sherlock Holmes et son docteur Watson, notre héros à un complice en la personne de Carlos, son majordome guatémaltèque semi- clandestin.

Vous l’aurez compris on est plus proche de la tradition du roman policier incarnée par Agatha Christie ou mieux encore par Maurice Leblanc que du polar contemporain. Allmen avec son côté gentleman cambrioleur nous fait forcément penser à Arsène Lupin.

L’écriture de Martin Suter est aussi élégante que les costumes en tweed d’Allmen ce qui rend la lecture de ce polar aristocratique très agréable. « Allmen était un toxicomane de la lecture. Cela avait commencé dès ses premiers pas dans le livre. Il avait rapidement constaté que lire était la manière la plus simple, la plus efficace et la plus belle d’échapper à son environnement ». On est définitivement séduit par notre escroc !

A noter la sortie de la deuxième aventure chez Christian Bourgois : Allmen et le diamant rose.

Olivier de Marc