samedi 31 mars 2012

La belle année de Cypora PETITJEAN-CERF

La belle année de Cypora PETITJEAN-CERF* aux éditions Stock, 19,50 euros.


"Sérieux, Tracey, on voit rien, dit Camelia pendant le cours d'histoire. Bouge ta tête !"
Voilà, ça parle souvent comment ça dans La belle année et c'est ça qui est bien. Disons que Cypora Petitjean-Cerf a manifestement une approche de la langue française telle qu'elle se parle dans la rue, mieux, dans les cités, mieux encore, dans le 9-3 (descendre à Basilique Saint-Denis).
Cypora Petitjean-Cerf "travaille la langue" comme on dit parfois en littérature. Pour preuve, son plus beau personnage est sans doute Takashi, japonais apprenant le français qu'il maltraite atrocement, ce qui devient jubilatoire à la lecture.

Mais revenons à Tracey, vedette absolue de La belle année, gamine impossible qui vient d'entrer en 6ème où elle survole les cours avec une succession ininterrompue de 20/20. Tracey nous récite sous la forme de "tranches de vie" et avec un humour toujours renouvelé, les préoccupations multiples et diverses qui assaillent sa pensée. C'est que Tracey, sans être une véritable surdouée est tout de même ultra intelligente (c'est elle-même qui le pense) et tous les conflits de personnes qu'elle doit traiter, sa famille, ses ami(e)s, les profs, sont une éclatante démonstration de ses capacités psychologiques.

Qu'il y ait un "auteur" derrière tout ça est une certitude. Cypora Petitjean-Cerf brille dans la répartie, la langue populaire qu'elle ne caricature jamais. Le thème central de son livre repose sur la communication. Comment exprimer son amour, ses peines, ses haines ? La mère de Tracey en est l'exemple le plus probant mais aussi Cosimo son ex-meilleur ami, ou encore son père qui vit en exil dans la cité voisine depuis le divorce d'avec sa femme. Une kyrielle de personnages gravite autour de Tracey, 365 jours durant. La belle année pourrait se résumer à la naissance de l'amour ou à sa compréhension.
Que deviendra Tracey ? C'est une bonne question.

*Cypora Petijean-Cerf est l'invitée de La Plage aux Ecrivains du 28 et 29 avril prochain.

La mort au crépuscule de William GAY par Olivier de Marc

La mort au crépuscule de William GAY, Folio policier, 6,95 euros.


Vétéran du Vietnam, William Gay a exercé plusieurs métiers tout en se consacrant à l’écriture. La mort au crépuscule couronné par plusieurs prix reste l’oeuvre de sa vie. Mort il y a quelques semaines, il n’aura plus l’occasion de nous livrer d’autres diamants noirs.

L’intrigue de ce polar est simple. Il s’agit d’une course poursuite hallucinée entre Sutter psychopathe fou furieux et Kenneth Tyler adolescent porteur de photos compromettantes d’un « notable » d’une bourgade des Etats-Unis. Reste un troisième personnage central dans le livre, la nature. Omniprésente, hostile, inquiétante, elle donne au roman une dimension fantastique. Willian Gay nous décrit une chasse à l’homme dans une atmosphère gothique.

Le mal est décrit froidement, sans jugement moral. Le style impeccable : « Il poursuivit son cheminement vers l’est, à la recherche d’une éminence qu’il pourrait escalader pour repérer une lumière. Quand il en trouva une, il y monta et tourna sur lui-même, ne parvenant pas à croire à toutes ces ténèbres aux quatre points cardinaux, mais tout était figé dans le sommeil et l’obscurité comme si dans ce monde désolé qu’il traversait il était le premier homme attendant l’arrivée des autres ou le dernier homme pleurant ceux qui avaient disparu avant lui ».

Polar crépusculaire, La mort au crépuscule est à ranger à côté des livres de Cormac McCarthy tels que La route ou No Country for Old Men. Noir c’est noir …

Olivier de Marc

samedi 24 mars 2012

236 !!!


236.... comme je vous le disais la semaine dernière, voilà un chiffre qui vient de prendre pour notre librairie une saveur particulière. Pour quelle raison?! me demanderez-vous. Et bien parce que ce chiffre représente d'une certaine façon tout notre travail de 2011, tous les échanges que nous avons pu avoir avec chacun de nos clients, tous les livres que nous avons pu conseiller, toutes les rencontres et toutes les découvertes que nous avons pu faire, tous les salons et congrès auxquels nous avons participé, tous les partenariats que nous avons pu établir et consolider...... en un mot, une année 2011 exceptionnelle, dans tous les sens du terme, qui nous amène au 236 ième rang des 400 premières librairies de France*!!!

Mais si, pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, nous sommes réellement heureux de ce résultat, il n'en reste pas moins que comme le souligne Livres Hebdo: Derrière [ce classement], c'est la vie d'une profession qui se lit: les progressions étonnantes, les rebonds victorieux, mais aussi les difficultés économiques, la concurrence, les fermetures... Beaucoup de librairies ont effectivement disparu du classement cette année ou affichent une baisse significative.

C'est pourquoi nous ne vous remercierons jamais assez d'être à nos côtés et de nous soutenir chaque jour, car, bien plus que ce chiffre, c'est votre présence et votre amour du livre qui nous font avancer.

Les librairies sont vivantes. Elles le resteront avec vous.

* Classement Livres Hebdo n° 901 du 16 mars 2012. Classement établi sur la base du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé uniquement dans la vente de livres, sur les 2 000 librairies françaises répertoriées aux greffes des tribunaux de commerce.

JOYEUSES PAQUES!!!


Et oui, le printemps est là et les cloches vont bientôt passer... T'choupi, Juliette, Babar et tous nos petits amis sont déjà fin prêts pour la chasse aux oeufs!

Alors si vous êtes facétieux comme Trotro ou gourmands comme la Fée Baguette, lancez-vous sur les traces de vos héros préférés et peut-être croiserez-vous ce coquin de Pierre Lapin au détour d'un buisson!

A vos paniers et Joyeuses Pâques à tous!!!

Le retour du Général de Benoît Duteurtre par Olivier de Marc

Le retour du Général de Benoît Duteurtre, Folio 5,95 euros

Romancier, essayiste et critique musical Benoît Duteurtre est un écrivain de facture classique attaché à la narration à l’opposé du nouveau roman. Il jette un regard critique et sarcastique sur la modernité qui nous entoure. Possédant un réel talent pour se moquer des travers de notre époque, l’auteur se place dans la lignée d’un Marcel Aymé.
L’idée du Retour du Général est simple. Il s’agit d’une uchronie. Benoît Duteurtre imagine le retour au pouvoir du général de Gaulle en 2010. Tout part d’une directive européenne interdisant la mayonnaise maison dans les bistrots. A partir de là, tout s’enclenche et le Général habité par une certaine idée de la France va tenter de la sortir de la mondialisation dans laquelle elle se perd.
L’ouvrage de Benoît Duteurtre est d’abord une farce très drôle et très bien écrite. On ne s’ennuie pas une seconde. Derrière la fantaisie, comme toujours avec cet auteur, se cache une réflexion sur la modernité, très fine et perspicace. A ce titre, il faut absolument lire La petite fille et la cigarette publié également chez folio, désopilante fable sur les absurdités de nos sociétés hygiénistes régies par le principe de précaution.
Parfois accusé de réactionnaire, mot fourre-tout pour disqualifier tous ceux qui osent ne pas applaudir devant toutes les « avancées »de notre époque formidable, Benoît Duteurtre répond subtilement dans Le retour du Général : « Je ne suis pas exactement un passéiste inconsolable ; mais, devant chaque nouveauté, je ne puis m’empêcher de mesurer aussi ce que nous perdons. La modernité m’enchante ; la fuite en avant me désole ».

Olivier de Marc

Le Condottiere de Georges PEREC

Le Condottiere de Georges PEREC aux éditions du Seuil, 17 euros.


Remontons le temps, plutôt deux fois qu'une. Nous sommes en 1960, le comité de lecture des éditions Gallimard refuse le manuscrit d'un auteur débutant nommé Georges Perec. La réponse du directeur littéraire de l'époque Georges Lambrichs fuse :  On a trouvé le sujet intéressant et intelligemment traité, mais il semble que trop de maladresses et de bavardages aient braqué plusieurs lecteurs. Et même quelques jeux de mots , par exemple : Un bon Titien vaut mieux que deux Ribera".
Raymond Queneau ne semble point avoir pu peser pour la parution de l'ouvrage et l'Oulipo est un nouveau né ! Ce roman donc qui devait être le premier de Georges Perec n'est jamais paru. Il aurait pu s'appeler Gaspard ou Gaspard pas mort puis le Condottiere.

Pour la forme, récapitulons ce qui advint par la suite. Georges Perec se remit bien évidemment à écrire et dès 1965 il obtint avec Les choses le prix Renaudot qui est officiellement son premier roman. Suivirent le sublime Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? (1966) puis, entre autres, Un homme qui dort (1967), La disparition (1969), Espèce d'espace (1974), W ou le souvenir d'enfance (1975), Je me souviens (1978) et, pour faire court, La vie mode d'emploi (1978) Prix médicis. Quatre ans après, pour faire plus court encore, Perec meurt. L'oeuvre est là. Manquait à l'appel ce Condottiere jamais publié et qui, pour fêter le quarantième anniversaire de la mort de l'auteur, apparaît enfin.

Le Condottiere, c'est, comme l'ont dit les chroniques des journaux et surtout Claude Burgelin qui s'est attelé à la préface du roman, un retour sur le devenir d'un des plus importants écrivains de la deuxième partie du XXème siècle. De la maladresse et du bavardage des lecteurs de 1960, nous retiendrons une volonté non exhaustive mais sélective de la nomination. Perec nommait les choses, il  en cherchait le mode d'emploi, le souvenir avant leur disparition. A ce sujet, jamais Perec ne désarma.

Le Condottiere nous envoie à son tour dans le passé: le protagoniste, un certain Gaspard, est faussaire de génie et le moindre maître en peinture n'a de secret pour lui. Ainsi Gaspard égrène  le Benezit, fameux dictionnaire des peintres, et rend depuis douze ans des copies parfaites d'un Van Gogh par-ci, d'un Manet par-là, d'un Van Eyck, d'un Vinci etc... Il a le génie de trouver la manière et l'esprit dans lesquels ont travaillé ces maîtres, toutes époques confondues. Il vit isolé du monde par la grâce d'un protecteur nommé Ribera (Un Titien vaut mieux...) qui lui passe commande des faux-chefs d'oeuvre qu'il éxécute sans frémir jusqu'au jour où une crise existentielle s'abat sur lui et notre Gaspard bute sur Le Condottiere d'Antonello de Messine. Pourquoi ce tableau-là et quelles en seront les conséquences ?

Georges Perec atteint alors les limites de la condition d'artiste voire de la création. Le tourment de Gaspard est un exercice de style qui provoque un vide abyssal que Gaspard croit pouvoir effacer par le crime. C'est cette minutieuse reconstitution psychologique d'un meurtrier qui est travaillée de bout en bout dans ce livre, un affrontement intérieur sous le couvert de la confession.

Claude Burgelin rappelle que Perec voulait qu'on lise Le Condottiere comme l'histoire d'une prise de conscience, de la fin de la névrose solitaire, des conduites magiques et des courts-circuits par le faux, un éloge de la patience et du travail,  de la recherche de sa propre vérité, de la perpétuelle reconquête et d'une forme secrète de courage. Plus de cinquante ans plus tard, voilà qui est chose faite.

samedi 17 mars 2012

La Plage aux Ecrivains 28 et 29 Avril 2012

1 mairie, 3 libraires, 33 auteurs.... et voici la nouvelle édition de La Plage aux Ecrivains lancée!

Rendez-vous est donc pris sur le sable les 28 et 29 Avril prochains où vous pourrez rencontrer (sous réserve de modification):

Jérôme Attal (L'histoire de France racontée aux extra-terrestres, ed. Stéphane Million), Jean-Paul Auriac (C'était le chemin des bois, ed. Couleur Périgord), Tristane Banon (Le bal des hypocrites, ed. Au diable vauvert), Jean-Luc Barré (François Mauriac, biographie intime, ed. Fayard), Pierre Bellemare (Enquêtes sur 25 trésors fabuleux, ed. Flammarion), Denise Bombardier (L'anglais, ed. Robert Laffont), Sophie Chauveau (Fragonard, l'invention du bonheur, ed. Télémaque), Malek Chebel (Dictionnaire amoureux de l'Algérie, ed. Plon), Harold Cobert (Dieu surfe au Pays Basque, ed. Héloïse d'Ormesson), Patricia Darré ( Un souffle vers l'éternité, ed. Michel Lafon) , Yvonne Daudet (La question de Lola, ed. Elzevir), Jean-Louis Debré (Les Présidents de la République, ed. Gründ), Patrick de Carolis ( La dame du Palatin, ed. Plon), Stéphanie des Horts ( Le diable de Radcliffe, ed. Albin Michel), Eric de Saint Angel ( La villa algérienne, ed. Vents Salés), Philippe Dessertine (La décompression, ed. Anne Carrière), Georges Durou (Mes printemps de barbelés 1940-1945, ed. Les nouvelles de Bordeaux et du Sud Ouest), Florence Ehnuel (bavardage, parlons-en enfin, ed. Fayard), Jacques Expert (Adieu, ed. Sonatines), Jeanne Faivre d'Arcier (Le dernier vampire ed. Bragelonne), Chekeba Hachemi (L'insolente de Kaboul, ed. Anne Carrière), Régis Jauffret (Claustria, ed. Seuil), Françoise Laborde (Ne vous taisez plus coécrit avec Denise Bombardier, ed. Fayard), Claude Lanzmann (La tombe du divin plongeur, ed. Gallimard), Antoine Laurain (Le chapeau de Mitterand, ed. Flammarion), David Lelait-Helo (C'était en mai, un samedi, ed. Anne Carrière), Eric Neuhoff (Mufle, ed. Albin Michel), Pia Petersen (Le chien de Don Quichotte, ed. La Branche), Cypora Petitjean-Cerf (La belle année, ed. Stock), Stéphanie Polack (Comme un frère, ed. Stock), Elisabeth Reynaud (les châteaux fabuleux de Louis II de Bavière, ed. Télémaque), Daniel Tibi (900 jours, 900 nuits: dans l'enfer d'une prison équatorienne, ed. Jacob Duvernet), Yves Zoberman (Histoire du chômage inédite, ed. Plon).

http://www.ladepechedubassin.fr/expo.php?id=51

http://www.sudouest.fr/2012/03/15/la-nouvelle-plage-aux-ecrivains-659335-2145.php
http://www.sudouest.fr/2012/03/16/lectures-sur-le-sable-et-tables-rondes-660421-2918.php

Prix Sorcières 2012 (jeunesse)

Abracadabra! Nous y voilà!

Après moult crêpages de chapeaux pointus et batailles de balais, nos facétieuses amies les sorcières sont enfin tombées d'accord! Et voici les grands gagnants du "Prix Sorcières 2012":

-Un peu perdu, de Chris Haughton (Thierry Magnier) remporte le prix dans la catégorie albums tout-petits.
Bébé chouette a perdu sa maman. L'écureuil propose de lui venir en aide. Hélas, il existe beaucoup de mamans très grandes, avec de grands yeux dans la forêt!
Une histoire originale et pleine d'humour pour les tout-petits!

-De quelle couleur est le vent, d'Anne Herbauts (Casterman) est le lauréat dans la catégorie albums.
L'auteur utilise du papier gauffré, de la peinture, du vernis, pour éveiller les sens et la curiosité du lecteur.
En effet, cet album, tout en poésie, s'adresse à des enfants qui ne voient pas. Ils peuvent ainsi découvrir tout un paysage de sensations!

-L'Enfant, de Colas Gutman (L'Ecole des Loisirs) reçoit le prix dans la catégorie premières lectures.
-Pardon mais t'es qui toi? [...]
J'ai pensé: "Houlala, je dois être dans la campagne profonde dont m'a parlé maman, pauvre mouton, il n'a jamais vu d'enfant de sa vie!"

-Mandela et Nelson, d'Hermann Schulz (L'Ecole des Loisirs), reçoit le prix dans la catégorie romans juniors.
Nelson et sa soeur Mandela sont jumeaux. Ils sont nés le jour où Nelson Mandela a été élu Président d'Afrique du Sud. Leur préoccupation du moment?: préparer le match Tanzanie/Allemagne! C'est la première fois que Bagamayo joue contre une équipe européenne, alors c'est le branle-bas de combat! L'équipe sera-t-elle à la hauteur? Suspense, humour, rebondissements improbables, tous les ingrédients sont réunis pour passer un bon moment, que l'on soit amateur de foot... ou pas!

L'innocent de Palerme, de Silvana Gandolfi (Les Grandes Personnes), est le lauréat dans la catégorie romans ados.
Un roman choc sur la mafia, sa violence et sa loi du silence. Le destin de deux garçons, pris dans la spirale de "cosa nostra".
Inspirée de faits réels, une histoire forte et émouvante qui vous met l'âme à l'envers.

Chimères génétiques, de julie Lannes (L'atelier du poisson soluble), reçoit le prix dans la catégorie documentaires.
Un album à mi-chemin entre l'art et la science, ou comment de nouvelles espèces pourraient émerger en croisant des plantes et des gènes d'origine animale.
Un herbier audacieux et inquétant de réalisme.

Enfin, libraires et bibliothécaires ont décerné un prix spécial à l'auteure, illustratrice Elzbieta pour l'ensemble de son oeuvre.

Les récompenses seront remises le 19 mars au Salon du livre de Paris.

Au lieu-dit Noir-Etang de Thomas H. Cook par Bernard Daguerre

Au lieu-dit Noir-Etang... de Thomas H. Cook (traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc), éditions du Seuil, 19.50 euros

Un vieil homme se penche sur son passé et c'est le climat étouffant d'une petite ville de la Nouvelle Angleterre, dans les années 20 du siècle dernier qui, petit à petit, s'installe dans le récit comme une langue envahissante de brume maléfique. La beauté discrète de la nouvelle prof d'art plastique, Elisabeth Channing, trouble le jeune narrateur, Henry, fils du directeur du lycée de garçons. Très vite, on comprend qu'un drame terrible est survenu dans les mois qui suivirent l'arrivée de la jeune femme. Mais le roman n'en dévoile la trame qu'au compte-gouttes, instillant avec une délicatesse quasiment machiavélique, l'écheveau de l'histoire et la noirceur de sa trame.
Le lecteur ne sait pas trop ce qu'il faut louer le plus, une fois le livre refermé: le caractère presque fantastique du décor, cet étang retiré de la ville près duquel loge Elisabeth, dans une petite maison isolée; et non loin, celle d'un prof du lycée, un certain Reed, peu heureux en ménage et rescapé de la grande guerre. On aimera aussi les rêveries tumultueuses de l'adolescence qui saisissent Henry, assistant à la naissance d'un amour interdit par l'ordre bienséant du monde, et souhaitant en favoriser le développement porté comme il l'est par une force de jugement aussi naïve qu'aveugle. La description délicate d'autres protagonistes rehausse la profondeur de l'histoire: c'est la figure du directeur, homme plus bienveillant et lucide que ne le pense son fils, ou bien celle de Sarah, la jeune domestique irlandaise, pleine d'une avide et indomptable fraîcheur d'apprendre. Comme la peinture de ces tableaux qu'affectionnent tant Elisabeth et aussi son jeune élève, le récit du drame se construit par touches successives, comme l'assemblage d'un puzzle qui ne livre son secret que dans les dernières et redoutables images, suscitant l'admiration devant la technique romanesque, et obligeant presque le lecteur à revenir en arrière, bluffé comme il l'a été par ce nouveau roman de Cook.

Bernard Daguerre

Apocalypse Bébé de Virginie Despentes par Olivier de Marc

Apocalypse Bébé de Virginie Despentes, Le Livre de Poche, 7.10 euros

Ecrivain, cinéaste mais aussi très impliquée dans le milieu rock Virginie Despentes ne manque pas de cordes à son arc. On se souvient de son entrée tonitruante dans le monde littéraire avec son livre Baise moi ! Réputation sulfureuse, grande gueule, provocatrice Virginie Despentes a aussi du talent comme le prouve Apocalypse Bébé réédité ces jours-ci en livre de poche et prix Renaudot 2010.
Depuis son premier livre elle dépeint des êtres marginaux, pas dans la norme, ne rentrant pas trop dans les cases. C’est encore vrai ici. Lucie travaille pour une agence de surveillance privée. Chargée par une famille aisée de suivre Valentine une adolescente de quinze ans paumée, elle perd sa trace. A partir de là, les choses s’accélèrent. Lucie va s’allier à La Hyenne, détective privée et lesbienne décomplexée pour retrouver Valentine.
Présenté comme un road book Apocalypse Bébé est un roman noir qui frappe fort et juste n’épargnant personne. Par la même, l’auteur nous offre une photographie de la société assez décapante. Les personnages sont d’une densité remarquable et la fin du livre apocalyptique. Valentine a la rage : « Elle ne voit autour d’elle aucun adulte qui ait une direction. Un reste de dignité. Compromissions, à tour de bras, ils se démènent pour justifier tout ça. Ils disent que c’est un choix. Tout ce qu’il faut bouffer de merde, ils l’avalent sans rechigner. Ils ne savent qu’obéir, à n’importe quel ordre. Survivre, à n’importe quel prix. Elle va mettre un coup de frein là-dedans. Le monde qu’ils ont construit, elle va y mettre un peu d’ordre ».
Le style nerveux est celui d’un véritable écrivain. N’en déplaise aux pudibonds, Virginie Despentes fait bien partie des auteurs qui comptent. Dans sa famille on retrouve Michel Houellebecq, Bret Easton Ellis ou bien Philippe Djian. Des auteurs qui ont choisi de nous parler des marges de notre époque sans concession. Vous l’aurez compris, on est loin de la Comtesse de Ségur…
A noter que Virginie Despentes porte son précédant roman Bye- Bye Blondie à lécran : Sortie le 21 Mars. Une des héroïnes est incarnée par Béatrice Dalle. Ces deux-là doivent bien s’entendre.

Olivier de Marc

L'urgence et la patience de Jean-Philippe Toussaint

L'urgence et la patience de Jean-Philippe Toussaint, éditions de Minuit, 11 euros.

Toussaint revient sous la forme d’un recueil d’articles consacrés à l’écriture et à la lecture. L’urgence et la patience en est le coeur vibratoire qui détient la déclaration d’intention de l’auteur quant à la littérature en général et à son oeuvre en particulier.
Mais Toussaint ne la ramène pas. On aurait pu le craindre, le visage altier de l’écrivain belge, sa distance et sa froideur, ce côté chic et cher de quelques uns de ses romans pourraient supposer le contraire. Mais non.
La maison Minuit couve depuis très longtemps cet auteur et celui-ci n’est pas avare de reconnaissance envers son éditeur, Jérôme Lindon, et le grand Samuel Beckett, tous deux salués en tant que pères fondateurs d’une vie d’écrivain à venir.
L’intérêt d’un tel livre tient d’abord au plaisir immodéré de lire des phrases magnifiques, bien avant de connaître la petite cuisine de Toussaint.  Car si les Toussaintophiles trouveront des éléments requis à la création, c’est plutôt vers les néophytes qu’il faut tourner le regard. Après avoir lu ces textes centrés sur l’univers de l’auteur, une curiosité implacable nous envoie vers ses titres essentiels : La salle de bain L’appareil-photo et La vérité sur Marie.

samedi 10 mars 2012

Candidat surprise

Georges le candidat, Editions 12Bis, 10,90 euros.
Ca y est, nous tenons le président idéal, disons celui qu'il nous faudrait vraiment. Idéal ne veut pas dire parfait, car son langage parfois s'égare mais son esprit (rageur) ne fait pas oublier les nobles sentiments qui le portent. 

On pourrait fort bien ne pas prendre trop au sérieux ce personnage de Bandes Dessinées mais c'est hélas tout le contraire qui se produit. La démonstration par l'exemple de l'état du monde décrit par Georges est catastrophique mais elle correspond point par point à celle qui nous préoccupe aujourd'hui. Et puis quoi de plus démonstratif qu'une explication avec dessins à l'appui ? 

Georges, candide citoyen, devient un professionnel de l'économie, du désendettement et de l'écologie. Simpliste ? Démagogique ? C'est à voir. Plus que du bon sens, Georges détient une véritable force de conviction par l'esprit de résistance qui l'anime au-devant de la mondialisation galopante. 

Généreux, modeste mais radical, voici les clés de sa campagne. Mais sera-t-il présent parmi les candidats ? C'est à vous de décider. Un coupon est à retourner aux éditions 12Bis et à envoyer au "Parti d'être heureux" qui réclame une banque centrale européenne de service public, sans but lucratif, propriété commune des états de la zone euro, et libre de prêter à ces mêmes états A TAUX ZERO.    

"(re)faire les poches"

Les Radley de Matt Haig, Le Livre de Poche, 8,10 euros.

Une bourgade anglaise aux jardins bien rangés sauf peut-être celui des Radley, un peu trop à l’ombre. Ainsi une famille se voulant discrète ne peut échapper à sa lourde filiation, celle des suceurs de sang. Madame et monsieur sont péniblement parvenus à une certaine aisance, une respectabilité et tout cela dans les normes, sans tricher, sans boire… Tout le roman se délecte du jeu entendu sur les moeurs des vampires sauf que si les adultes sont tirés d’affaire, les enfants non. La demoiselle d’abord, sauvagement agressée découvrira ses prodigieuses ressources, puis le jeune homme gouttera au raffiné nectar par l’entremise de son oncle, le pire des Radley…
Flottant entre les genres, vampirisme, satire, policier, chronique sociale, Les Radley fait preuve d'une originalité de ton qui épuise parfois ses aspects psychologiques. Certes les rebondissements ont le bon goût d’offrir une morale parfaitement attendue mais s’il est déjà question de voir Les Radley adapté en film, il ne faudra pas perdre de vue la singulière rhétorique affichée par Matt Haig.


La carte et le territoire de Michel HOULLEBECQ, J'ai Lu, 8,00 euros.

Incontournable star de la littérature française, Michel Houellebecq aurait fort bien pu, tel qu’il le fait dans ce livre pour Jeff Koons et Damien Hirst se partageant le marché de l’art ou encore pour Steve Jobs et Bill Gates dissertant sur le monde de l’informatique - dans tous les cas quelque chose de ce genre-là -, imaginer un tableau figurant Michel Houellebecq et Frédéric Beigbeder évoquant la littérature française - il y a sans aucun doute songé - mais plus séduisante encore lui est apparue l’idée de s’inviter soi-même et Beigbeder avec, en tant que personnage quasi central de son propre roman (Beigbeder se situant bien plus à la périphérie !).
Hardi petit ! mais aujourd’hui lorsqu’on s’appelle Michel Houellebecq, tout est permis et ce pied de nez à tout ce qui fait école d’autofiction impose dans le même temps une starification absolue et à rebours, Des Esseintes se tenant à proximité de ce Michel Houellebecq romanesque que nous dépeint le Michel Houellebecq romancier.
C’est là, sans nul doute, le plus réussi du roman dont le début, également très bon, se projete dans un futur bien proche comme l’a souvent arpenté J.G. Ballard (Millenium people, SuperCannes…) et qui conserve tout au long du livre un puissant et réel attrait au détriment de l’intrigue qui, quant à elle, manque singulièrement de punch ou, pour le dire autrement, de talent.
Reste les invariables dérives sociétales trop longuement exposées et déjà explorées dans Les particules élémentaires auquel La carte et le territoire peut-être naturellement comparé. Ces dérives essayistes reviennent, sans charme et sans surprise, comme un rabâchage d’ivrogne alors que les (néanmoins beaux) personnages du livre portent déjà bien assez sur eux les théories que veut nous inculquer l’auteur et cela avec évidence.
Jed, Olga, Jean-Pierre, Franz (?) sont à cet égard des lumières neuves qui s’inscrivent magnifiquement dans le décor d’une France au futur proche où les marques abondent dans leur technicité esthétiquement parfaite. N’est-ce pas là l’unique obsession de tous ces gens riches qui nous gouvernent ?


Tante Mame de Patrick DENNIS, J'ai Lu, 7,70 euros. Enfin ! Voici le livre culte par excellence disponible en poche. Comment, vous ne savez-rien de Tante Mame ?


Jeanne de Jacqueline de Romilly, Livre de Poche, 6,60 euros.  Livre posthume de l'académicienne disparue en 2010. Ce livre révèle la merveilleuse relation entretenue avec sa mère. Le Grand Meaulnes de Jacqueline de Romilly selon Marc Fumaroli.



Lennon de David FOENKINOS, J'ai Lu, 5,70 euros. Le chouchou incontesté du monde littéraire s'est délicatement glissé dans la peau de John.


Voter a-t-il encore un sens? par Olivier de Marc

Voter a-t-il encore un sens? de Christophe Lamoure, ed. Milan, 3.95 euros

Professeur de philosophie à Anglet, Christophe Lamoure a déjà publié plusieurs ouvrages aux éditions Milan. Citons Lettres à un jeune philosophe et Petite philosophie du marcheur. Profitant de la période pré-électorale bien désespérante dans laquelle nous nous trouvons, il nous livre un essai très bref et incisif sur le paysage politique actuel.
Sans esprit de polémique, mais dans un style assez décapant, l’auteur stigmatise notre époque. Selon lui, l’inconséquence de nos politiques, la confiscation du débat au nom d’un réalisme discutable place le citoyen dans un désenchantement dangereux. La ronde des « experts médiatiques » diffusant une idéologie dominante qu’on a pu appeler le politiquement correct renforce selon Christophe Lamoure ce sentiment d’impuissance face au réel. Sur un certain nombre de sujet, la mondialisation par exemple, il serait impossible de penser autrement que le discours officiel sous peine de passer pour un «hurluberlu».
L’omniprésence de la communication dont on peut admirer les effets en cette période de campagne électorale ne fait que renforcer l’état de torpeur des citoyens, moins dupes que nos dirigeants le supposent. Plus préoccupante est l’absence de foi en l’avenir symptôme d’une époque à « l’horizon sans relief ».
On se souvient du succès hallucinant de Stéphane Hessel avec son opuscule Indignez-vous! Homme respectable et sympathique mais dont la vacuité du propos était assez désarmante. Mystère de la société du spectacle, le traité de Christophe Lamoure n’a pour l’instant reçu qu’un accueil très silencieux.
Petit précis de circonstance ce bref cri a l’avantage d’essayer de sortir le citoyen du divertissement lénifiant pour exercer une « vigilance démocratique ». Pousser le lecteur à se poser des questions, n’est-ce pas un des rôles majeurs de la philosophie ?
A noter pour ceux que cela intéresse que Christophe Lamoure édite un blog sur la campagne électorale en partenariat avec le journal Sud-Ouest.

Olivier de Marc

Thierry ACOT-MIRANDE présente le poète portugais Herberto HELDER

Le poème continu d'Herberto HELDER, Poésie Gallimard, 7,90 euros.


On n’entre pas à moitié dans les poèmes de Helder. On le fait de la tête et des épaules, du sexe et des jambes, il y faut un don absolu de soi, celui que requiert un escarpement à franchir, car au début on y ressent fortement l’inconfort de cette syntaxe sillonnée d’arcs
électriques aussi bien que de souffles nocturnes glacés.

Le corps, un temps, résiste. Puis, surmontées les concrétions de langage, on découvre de l’animé innommé, et quand s’ouvrent ses vers parfois de totale obscurité, on y chemine en respirant la nuit vaste au dedans.

Les rêves sont aussi réels, aussi vrais que la vie, mais la vie ne l’est pas plus que les rêves. Il y a indifférence totale dans le spectral. S’éveiller ou s’endormir n’apportent, n’enlèvent rien. Ce n’est plus un être vivant qui passe d’un état à l’autre, ce sont ses visions qui, indifféremment, le traversent comme elles passent le prisme
qui les divise et les étale, comme elles franchissent les frontières abolies du jour et de la nuit.
Ce que suggère assez cet art particulier de la variation où n’est jamais varié que l’accidentel, pour souligner sans doute que l’essentiel même n’est qu’accident. En apparence l’être de l’homme.

Désormais on est en mouvement, on est entré dans le mouvement d’un poète qui, peut-être comme Michaux, écrit pour se parcourir, et, qui le fait notamment en se tenant au plus près des phénomènes mobiles ; le temps, les minéraux, la course de la lumière.



"Le regard est une pensée.
Tout fond sur tout, et ce tout, j’en suis l’image.
Retourné le jour montre ses brûlures,
la lumière chancelle,
la beauté est une menace.
- Je ne puis écrire plus haut.
Intérieures, se transmettent les formes."

(Le poème continu)


"Je voulais toucher la tête d’un léopard fou, son luxe
maxillaire. Sentir mes doigts devenir
de granit. Sentir le fascinant
remous de poil
bas ravir furieusement mes cinq doigts.
Comme cinq boules de granit.
Une étoile voltaïque.
L’avaler. Et sentir soudain toute cette pourpre nocturne
me pénétrer, de la main à la face.
Ou une blessure qui m’emportât une jambe puis l’autre.
Sentir entrer en moi
la fable de la démence et de l’élégance
animale. Je sais que le sang me ponctue, et je tressaille
par tous mes pores
avec la sueur de tout cet or qui m’empoisonne."


(Le poème continu)




"Des ongles aux étincelles dans les cheveux. Si la planche
ployait et que le galbe, lentement mesuré,
de soie, l’arc de bas marbre lumineux,
fût le trait d’union d’un pôle
à un autre, points
d’une force terrestre
redoutable. L’espace entre deux noms :
moi et le monde, monde et poème, poème et naissance.
Ou la mort, substantif qui rayonne.
La ligne verbale qui luit sous les doigts,
toute-puissante dans le monde du marbre à coudre les
organes
de la phrase charnelle.
Il me fut donné une fois, le don, et je ne sais plus.
Lieu qui fait écho à un autre sur le papier, je ne sais pas.
Sa raucité lorsqu’il était frappé par le souffle de Dieu,
qui s’écrivait ainsi : le sanglot.
Mort, ici, en un poème, derrière, devant,
mort avec sa musique."


(Le poème continu)
Traduction de Magali Montagné et Max de Carvalho.


De son vrai nom, Luis Bernardes de Oliveira, Herberto Helder est né à Funchal (île de Madère) le 13 novembre 1930. Après des études de Droits puis de Philosophie à l'université de Lisbonne entre 1953 et 1955, il publie son premier recueil en 1958, le très remarquable L'amour en visite.
De 1959 à 1961, il part en exil dans le nord de l’Europe pour échapper au régime dictatorial de Salazar. A son retour au Portugal, il travaille comme journaliste dans la presse écrite ainsi qu’à la radio et à la télévision. Au début des années soixante-dix, il découvre l’Afrique à l’occasion du conflit d’Angola, où il effectue des
reportages.
Considéré comme l’un des poètes majeurs de la deuxième moitié du vingtième siècle, il vit actuellement à Lisbonne, loin des feux des médias et des honneurs qu’il refuse (le prix Fernando Pessoa).
Son deuxième recueil, La cuiller dans la bouche  (1961), rassemble des poèmes écrits entre 1953 et 1960. En 1963, Herberto Helder publie un livre de proses et de nouvelles  Les pas en ronds.  En 1979 paraît la première édition de Photomaton & Vox, une écriture poétique en prose alternée avec dix poèmes en vers.
Son livre le plus récent est Le poème continu  (2001).

Thierry ACOT-MIRANDE

Thierry ACOT-MIRANDE

Temps gelé, nouvelles et novellas de Thierry ACOT-MIRANDE aux éditions de Monsieur Toussaint Louverture

Lorsque nous lisons des nouvelles, souvent, nous sommes nulle part.
Il nous faut toujours changer de cheval ou de train.
Trotter, galoper, s’arrêter puis changer de monture, changer de quai.
Avec  Temps gelé le rythme devient infernal car le monde lui-même a changé et les petites choses naturelles, tout comme les personnages qui vont bientôt s’y mouvoir, se doivent d’être fondamentalement repensés.
L’intérêt que suscite chacun de ces nouveaux départs repose sur la détection d’un nouveau rapport au monde qui guette lui-même le lecteur.
Alors, quel sentiment à la fin ?
De tous ces paysages et de tous les personnages ayant plus ou moins rapport à quelques fantasmes, on prend accoutumance, pouvant ainsi, à l’infini, appréhender ces histoires, pas tout à fait hors du monde, pas vraiment hors du temps et continuer l’expérience de ces fruits inconnus jamais apprivoisés et néanmoins aimés.
 

samedi 3 mars 2012

... Et voilà le Guide Rouge 2012!


Si vous êtes récemment passé devant la librairie, vous n'avez pas pu manquer notre formidable compte à rebours annonçant cette semaine la parution du plus fameux guide des meilleurs hôtels et restaurants de France... : le Guide Rouge bien sûr!
La sélection du Michelin est si attendue que c'est non sans frénésie que nous avons rapidement tourné les pages pour découvrir quels établissements de notre région s'étaient vu distinguer. Alors si vous êtes aussi curieux que nous ou si vous avez tout simplement envie de ne pas vous tromper d'hôtel ou de restaurant lors de vos prochains déplacements dans notre beau pays, n'hésitez pas à venir nous voir.... vous connaissez notre bonne adresse!

Printemps des Poètes, 5 au 18 Mars 2012

Un enfant lit un poème et le monde est plus léger.....


Voici venu le temps où les poèmes éclosent comme des fleurs grâce à la 14ième édition du Printemps des Poètes qui a choisi de se centrer cette année sur la douce thématique de l'enfance.

Les plus jeunes pourront ainsi découvrir ce bel univers à travers des albums comme La poésie ça commence tout petit d'Alain Serres (ed. Rue du Monde), ça  fait rire les poètes, anthologie de pépites poétiques et autres éclats de rire (ed. Rue du Monde), Mon livre de haïkus à dire, à lire et à inventer (ed. Albin Michel Jeunesse) mais aussi à travers différents recueils où sont rassemblés par exemple les plus beaux poèmes de Rimbaud, Baudelaire, Hugo ou encore Tardieu.

Mais les moins jeunes ne sont pas oubliés et pourront trouver source de méditation  en se plongeant dans la collection Poésie Gallimard avec entre autres La terre nous est étroite de Mahmoud Darwich, Destinée arbitraire de Robert Desnos, La Jeune Parque de Paul Valéry ou Poèmes d'Emily Jane Brontë. A moins qu'ils aient une préférence pour les éditions du Points où ils pourront alors retrouver John Keats avec Seul dans la splendeur, Charles Bukowski avec Les jours s'en vont comme des chevaux sauvages dans les collines, ou Nicolas Bouvier avec Le dehors et le dedans s'il fallait n'en citer que quelques-uns...

Et puisque le temps est donc venu, nous ne résisterons pas à l'envie de partager ces quelques vers:

Enfance

Enfance aux yeux de cristal,
Aux paupières de corail,
Enfance aux mains de rivière,
Enfance aux pieds de lumière,
Enfance aux paroles tues,
Enfance aux paroles bues,
Enfance aux lèvres légères,
Aux couleurs de primevères,
Enfance en nous enfouie,
Toute proche, pour la vie!

Georges Jean, Ecrit sur la page

Je suis un phénomène, Elizabeth Atkinson, Alice éd., 14.50€ (jeunesse)

Je suis un phénomène, Elizabeth Atkinson, Alice éd., 14.50€


Faye, une adolescente de douze ans, vit entre une mère fantasque et un grand-père, dont les journées s'articulent autour de promenades interminables avec son chien "parmiggiana", et qui se nourrit essentiellement de pop-corn !
L'adolescente complexée se demande chaque jour pourquoi sa mère n'a pas prononcé son nom à haute voix avant de l'inscrire au registre des naissances.
Alors, comment s'épanouir quand on mesure un mètre soixante-dix-huit, qu'on a les cheveux rouge feu et qu'on s'appelle Faye Noman?
La jeune fille va le découvrir quand une rencontre inattendue va bouleverser sa vie...
Un roman sur le passage à l'adolescence, drôle et émouvant! A déguster frappé, avec une paille!

Lumineux par Monsieur Roudoudou

La théorie de la lumière et de la matière d'Andrew PORTER aux éditions de l'Olivier, 20 euros.


Peu attaché aux nouvelles, j'ai jeté un oeil sur ce livre malgré la 4ème de couverture. A la lecture de ce livre, il ne s'agit pas de "paroles prononcées sans y penser" mais de toutes les paroles jamais osées prononcées auxquelles on pense encore des années après. La photo de couverture résume mieux le livre : un jeune couple (?) dans un coupé rutilant, qui semble emprunté autant que l'homme qui tente de toucher l'épaule en regardant cette femme mais s'arrête sur le dossier du fauteuil, interdit par l'expression du regard de celle-çi dans le vague. La nouvelle qui porte le nom du livre est une merveille. Un classique déjà. Le diable se cache dans les détails dit-on , les miracles aussi puisque ce livre en est un.

 

Un café sur la Lune par Olivier de Marc

Un café sur la Lune de Jean-Marie Gourio, Points Seuil, 7,40 euros. 

De Jean-Marie Gourio nous connaissons tous les célèbres et irrésistibles brèves de comptoir et la non moins géniale série "Palace" diffusée il y a plusieurs années sur Canal Plus. On connait moins le romancier. Il convient de réparer cela au plus vite tant cet auteur est talentueux. A ceux qui proclament à tort que la littérature française est nombriliste on conseillera de lire de toute urgence Un café sur la Lune : livre de science fiction la plus aboutie.

Nous sommes le 15 juin 2095 jour de l’ouverture du premier café sur la Lune. L’auteur nous convie à l’inauguration et c’est pour le lecteur le moyen de rencontrer une galerie de personnages exceptionnelle. Ils sont tous partis de la terre vers la lune contraints ou forcés, tel des aventuriers, à la recherche d’une seconde chance. Un peu comme la conquête de l’Ouest. Il faut dire que la terre est alors dévastée par les catastrophes écologiques et ravagée par la violence et la mondialisation. Tous un peu voyou, laissés pour compte, ils vont enfin pouvoir se réchauffer dans un bar : « on boit un coup, on cause, on s’aime et on se protège ! »

Faire connaissance avec tous ces « voyous » autour des patrons Bob l’irlandais et de son épouse chinoise Tin Tao est jubilatoire et inoubliable. Ils débordent tous d’humanité et de poésie. Vous vous souviendrez longtemps de la môme lune née électriquement chargée. Phénomène rare mais existant sur la Lune et dans l’imagination débordante de l’auteur condamnant ceux qui en sont « atteints à une vie sans contacts possibles avec les autres êtres, car rien n’isole le corps de celui qui les touche de violentes décharges ».

Pour finir, un petit mot sur le style très brillant. Peu de dialogue, une écriture dense, baroque voir surréaliste font de ce livre une petite pépite. Bref, vous l’avez compris, rendez-vous au plus vite au café La pleine Lune. Saoulez-vous de mots et d’humanité sans modération à la santé de l’artiste Jean Marie Gourio.

Olivier de Marc

"Faire les poches"

Voilà bien longtemps que le bonheur est dans les poches, les éditeurs l'ont bien compris puisqu'il ne se passe plus un an sans l'éclosion d'une nouvelle collection. Raison de plus pour les vieilles collections (Livre de Poche, Folio, Points, 10/18...) de leur tenir la dragée haute. Plus il y a de monde, plus on rit.

La bascule du souffle d’Herta MÜLLER Folio Gallimard 6,80 euros.


Prix Nobel 2009, Herta Müller était passée largement inaperçue en France. Troisième livre traduit après Le renard était déjà le chasseur et La convocation, La bascule du souffle offre la singularité d’être né à quatre mains avant que le protagoniste principal Oskar Pastior ne s’éteigne en 2006. Oskar Pastior qui prend le nom de Leopold dans le livre est déporté en 1945 dans un camp russe pour la raison qu’il est allemand ou d’origine allemande bien que vivant en Roumanie.

Ce roman qui prend possession de la langue d’un déporté ne donne pas une réalité précise de ce qui s'y déroule ni des raisons qui ont amené des centaines de personnes dans ce camp. Le fonctionnement du camp est décrit tel que Léopold le voit du haut de ses 17 ans, une incompréhension tranquille voire docile, une accoutumance inquiètante aux excès et le sentiment quasi immédiat d’appartenir à une collectivité et à ses lois, ceci pour un temps indéterminé et même infini.

La rudesse de l’épreuve au froid, à la faim, à une lente déshumanisation provoque en Léopold, bien au-delà d’une initiation, la naissance d’un univers fermé et protecteur, reconstruit après chaque tentative d’oppression supplémentaire et, en fin de compte, adapté à la résistance d’une vie rendue hostile à l’extrême.
La force d’Herta Müller vient de cette reconstitution mentale et littéraire d’un jeune homme qu’elle-même aurait pu croiser dans ce camp sans pour autant reproduire un témoignage posthume mais plutôt une création contemporaine telle que le théâtre et autres spectacles modernes l’entendent.


Le siècle des nuages de Philippe FOREST Folio Gallimard, 7,30 euros.

Le père de Philippe Forest fut commandant de bord à Air France durant de nombreuses années sur plusieurs avions et sur des distances souvent longues. On se doute que Philippe Forest ne l’ai pas souvent vu. Maintenant qu’il est parvenu à l’âge où l’identification à ce père volant est devenue prégnante, il s’attache, en écrivain, à une reconstitution d’une vie un tant soit peu discontinue.

Plus gros morceau, la Deuxième Guerre Mondiale qui surgit après les premiers tressaillements de l’aviation et de ses ouvreurs légendaires (Mermoz, Lindbergh, Blériot…). 1940, Mâcon est une ville comme les autres, en débâcle. Hardiment, Philippe Forest règle l’histoire d’amour de ses parents lors d’une expédition à Nîmes. Il s’agit bien, tout le long, de trouver la bonne distance, la bonne hauteur et d’appuyer là où finalement ça compte vraiment en insérant si possible une position historique qui ne colle pas forcément à celle du père dont il observe pourtant à la loupe la volonté de devenir aviateur.

Ce double décryptage de cinq cent pages s’empêtre parfois dans le souci de trouver une justesse avec l’histoire, la guerre notamment et l’éclairage sur les difficultés évitées par le père que le fils n’ose endosser. On pense alors rencontrer les voies empruntées par Jean Rouaud dans Les champs d’honneur mais Philippe Forest reste sur une ligne dite d’histoire collective et accompagne celle de l’aviation par le biais des ironiques tribulations de son père dont la carrière de pilote de chasse avortera au profit de celle, peut-être plus digne, de pilote de ligne.

La fin du roman persévère dans une sorte de ménagement à l’égard de ce père en refusant d’entrer frontalement dans la tragédie que L’enfant éternel avait relaté. On comprend parfaitement que l’auteur n’est point voulu y revenir longuement mais l’ébauche d’une explication de la mort du père qui n’aurait pas supporter la perte de cette enfant (sa petite fille) n’arrange rien au sentiment que cet écrivain aussi indubitablement intelligent que sensible, ne soit pas encore parvenu à écrire une histoire qu’il semble encore garder en lui. Cette douleur, qui est associée à une écriture sans conteste admirable, la contient forcément mais ne l’évacue pas. D’autres livres à venir y parviendront certainement.



Suite(s) impériale(s) de Bret Easton ELLIS, Pocket 7,10 euros.

Suite(s) impériale(s) rappelle, vingt cinq ans après, deux personnages issus de Less than zero publié en 1984 qui figurait la vie de jeunes nantis de Los Angeles. Deux d’entre eux sont propulsés en 2010 dans Suite(s) impériale(s) qui s’apparente à une série télé dont Clay, premier revenant, écrit les scénarios. Son retour à Los Angeles - il vivait à New York - correspond au casting hollywoodien de sa dernière production intitulée « Les auditeurs ».

Clay appartient au gratin du cinéma, tout comme Bret Easton Ellis à celui de la littérature. Dans cette faune cinématographique, Clay navigue à vue au gré des fêtes de la Côte Ouest où il est connu et reconnu, notamment de Blair, seconde revenante de Less than zero, mariée et stabilisée mais que le retour de Clay à Los Angeles semble agiter.

Un soir, une fille nommée Rain accompagne Clay dans son appartement qui n’est pas vraiment un appartement mais une maison très protégée où l’on surveille, entre autre, sa BMW. Rain parvient à provoquer chez Clay un énorme désir qui pourrait bien l’aider à obtenir un rôle pour « Les auditeurs » sur lesquels Clay a un droit de regard.

Le roman lui-même devient alors comme phagocyté par le style des séries télés, les séquences sont courtes, les dialogues omniprésents, les interrogations permanentes, les rebondissements réguliers et le suspense toujours actif, tout cela au coeur de décors impériaux car Los Angeles, au contraire de New York dont Clay s’est détaché, revêt une forme outrancière dont Bret Easton Ellis a su en tirer une des parts les plus mystérieuses.




Nous étions des êtres vivants de Nathalie KUPERMAN aux Folio Gallimard 5,95 euros. 

Avec un titre présomptueux Nathalie Kuperman fausse la direction de son roman. Certes, il existe bien un choeur pour souder les salariés d’une entreprise malmenés par leur nouveau patron mais chacun y va de sa propre initiative, le choeur se délite et le roman pousse vers des itinéraires bien distincts et veules.

L’exercice valait la chandelle, le monde de l’entreprise pris dans un flux de conscience peureuse, insidieuse et maltraitée renvoie à une actualité proche dont le tempo n’est pas rassurant. Sous le couvert de mouvements variables, les voix aguerries de Nathalie Kuperman tissent théâtralement une toile nauséabonde, sans invectives mais dont les manoeuvres de sauvegarde pour l’emploi peuvent à chacun paraître cruellement familières.

Lu d’une traite ou presque, l’attachement à ces êtres vivants est réel, leurs vies souvent proches du désastre n’en sont pas moins complexes et les démarches qu’ils entreprennent, légitimes. A l’image des cobayes, ces personnages évoluent dans un espace réduit et toujours visible, leurs mouvements hypnotisent autant que leur pauvre voix fuyant l’affolement.



Vice caché de Thomas PYNCHON Points Seuil, 8,00 euros.

1970, un détective privé nommé Doc Sportello s’enquiert du sort d’un promoteur régnant sur l’ensemble de la Californie du Sud. Shasta, petite amie de l’un puis de l’autre, s’est présentée en coup de vent au cabinet du Doc et lui a demandé ce petit service.

Quoi d’autre ? Un brossage en règle de toute la faune de Los Angeles. Alors branchez vos écouteurs, les voix sortent de partout… Le procès de Charlie Manson arrive, la musique surf s’invite, les bagnoles sont rutilantes, décapotées, « planantes », il y a des hippies partout qui s’acharnent à mener leur vie à la cool, les produits dopants abondent au coeur de cette splendeur psychédélique et Doc, le détective, ne s’en prive pas bien qu’il s’en tienne, si possible, à la marijuana.

Malfrats, barjots, policiers, pègre, illuminés, Thomas Pynchon nous régale de situations et de dialogues truffés de bons mots, de délires extravagants, une bouillie informe dont il est impossible de décrocher. Et si son enquête manque à chaque fois de lui retomber dessus, les codes du polar, eux, omniprésents, s’enchaînent d’une manière survoltée. C’est un grand n’importe quoi qui cependant tient la route, Doc n’étant toutefois jamais loin de la rupture, entouré d’improbables farfelus de cette décennie frénétique des années 70.

Le « gonzo » H.Thompson devait lui aussi s’agiter par là avec, non loin, Clint Eastwood alias l’inspecteur Harry ou encore la chevauchée burlesque d’Apportez-moi la tête de Rodrigo Garcia… Thomas Pynchon avait donné un livre tout aussi épique avec La vente à la criée du lot 49. N’ayant lu ni V, ni Vineland, ni l’Arc en ciel de la gravité, ayant abandonné Mason et Dixon à mi pente, étant resté sur les contreforts de Contrejour, avec Vice caché, cette fois, je suis allé jusqu’en haut et au bout de ce polar grandiose qui réhabilite un pan de la culture américaine ou de sa contre-culture.

Le mythe éblouissant de la liberté et de la paix est ici malmené par des pontes beaucoup plus puissants mais il n’y a pas de nostalgie chez Pynchon, ni d’analyse générationnelle, il a plutôt choisi de redonner son énergie à cette époque en lui offrant énormément de dialogues suivis de réajustements qui laissent entrevoir que ce livre a bien été écrit dans les années 2000.

Enfin, ce qui compte vraiment c’est le souffle de cet incroyable romancier qui, telle la vague hallucinante qui finit par surgir à la toute fin du livre, interroge encore sur la personnalité de Pynchon.
Un collectif ? un génie ? Un maître américain de la littérature contemporaine, un être surpuissant qui fait terriblement du bien.


Et puis, et puis...


La Gifle de Christos TSIOLKAS, 10/18, 9,60 euros. La révélation australienne 2011 où comment un barbecue dégénère à partir d'une gifle infligée à un enfant.



 Arrêtez-moi là ! de Ian LEVISON, Liana Levi Piccolo, 9,30 euros.  Un écossais new-yorkais s'emparant d'un chauffeur de taxi pour mieux décrypter les comportements américains. Yes !




Charly 9 de Jean TEULE, Pocket, 6,10. Jean Teulé poursuit sa destinée de romancier à succès en contant une histoire de France à rebours. Imparable.


Rose de Tatiana de ROSNAY, Livre de Poche, 6,90 euros. Tout le monde a en mémoire Sarah. Rose est une autre héroïne qui vit au temps du baron Haussman et de ses célèbres boulevards. Livre poignant à lire absolument si ce n'est déjà fait!



Rosa candida d'Audur Ava OLAFSDOTTIR, Points, 7,50 euros. Le phénomène islandais arrive en poche. Serez-vous le 100 001ème lecteur heureux ?


Apocalypse bébé de Virginie DESPENTES, Livre de Poche, 7,10 euros. Le prix Renaudot rock'n roll 2010 est enfin dans les bacs, pardon, dans les (bonnes) librairies !


Chevalier de l'ordre du mérite de Sylvie TESTUD, Livre de Poche, 6,60 euros. Pour une immersion totale dans le récurage, Sylvie Testud nous reste malgré tout sympathique.