vendredi 26 février 2021

La vengeance m'appartient de Marie NDiaye

La vengeance m' appartient de Marie NDiaye, éditions Gallimard, 19.50euros

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"Pourquoi êtes-vous venu me voir, moi qui ne suis pas, sur la place de Bordeaux, une avocate renommée, et étant donné la gravité de l'affaire?"

Cette question, sur le bout des lèvres de la narratrice et du lecteur, ne sera pas tout de suite prononcée à voix haute. Lorsque Gilles Principeaux pousse la porte du cabinet de Maître Susane pour lui demander de défendre sa femme, Maître Susane sait qu'elle a déjà vu cet homme, il y a fort longtemps, à Caudéran.

Pourquoi celui-ci, au premier regard, lui inspire à la fois le souvenir d' une joie intense et un dégoût? Voilà une nouvelle question, soulevée dans une ambiance bordelaise hypnotique.

Les choses auraient été plus simples si seule la vie professionnelle de Me Susane avait été bouleversée. Comme dans tous les romans de Marie NDiaye, un événement chamboule tous les domaines d'une vie et touche à la part la plus intime de ses personnages. Me Susane est une femme engagée, son premier souci étant d'embaucher une femme de ménage mauricienne, sans-papiers, et de s'évertuer par son emploi à la régulariser. Sharon, la femme de ménage en question dont elle n'a nullement besoin par ailleurs, est mystérieuse elle aussi à bien des égards: distante avec Me Susane, elle multiplie les maisons dans lesquelles elle exerce, et l' une d'entre elles aurait pour propriétaire une certaine Madame Principeaux...

Il serait pourtant trop évident de faire coïncider ces deux pièces de puzzles, car Marie NDiaye dans cette œuvre ingénieuse nous invite à rester sur nos gardes. Les souvenirs de Me Susane s'estompent et se mélangent à mesure de l'intrigue, ses propres parents ne la reconnaissent plus. L'obsession du dossier Principeaux est un tel coup qu'elle ne s'en remettra peut-être pas. Elle sait qu'elle doit alors reprendre le contrôle de sa vie, son passé, son corps, et ses convictions les plus profondes. Une nouvelle fois, Marie Ndiaye invite le lecteur à éprouver cette ambiance de toutes ses forces. On aime être chahuté, questionné, perdu. On aimerait aider Me Susane mais on ressent le besoin, tout comme elle, d'aller chercher la lumière le plus loin possible. 

Yellow Cab de Christophe CHABOUTE

 

Yellow Cab de Christophe CHABOUTE aux éditions Vents d'Ouest, 22 Euros.

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Voici un travail d'immersion au cœur de New-York qui méritait amplement sa version illustrée. Le récit de Benoît Cohen existe*, il bénéficie du travail exemplaire de Christophe Chabouté. Exemplaire car il fait preuve d'une remarquable observation de la ville, de ses buildings, des panneaux de signalisation et des mythiques taxis jaunes qui la sillonnent. Mais surtout, des silhouettes, des visages, des looks portraiturés le temps d'un voyage en taxi que conduit Benoît Cohen. Une année entière à transporter des voyageurs le plus souvent mutiques, une année de boulot invisible à déposer d'une street à l'autre toute sorte d'hommes et de femmes de nuit comme de jour.

L'expérience était volontaire, ardue et patiente. On ne devient pas Yellow Cab du jour au lendemain. Le mérite se situe sur le trottoir, dans les files d'attente d'enregistrement puis dans la paperasserie administrative et enfin dans les garages où l'on vous confie le précieux véhicule qu'il s'agira de conduire dans la grande tradition de ce qui est l'un des symboles les plus forts de New-York avec ses gratte-ciels.

Dessin et narration font cause commune et s'épousent à merveille, le sentiment du lecteur est d'être à son tour pris dans le suspense inhérent à l'inconnu qui s'installe à l'arrière du taxi et que l'on ne distingue souvent qu'à travers un rétroviseur. Qui sont-ils ces gens qui à tout heure effectuent un transit? Voilà tout l'enjeu de Yellow Cab, nous faire imaginer des vies par des attitudes bien souvent muettes mais ouvertes à tous les possibles. Benoît Cohen s'était lancé dans l'aventure avec l'intention de réaliser une fiction. Il aura vécu quelque chose de bien plus intense que ce qu'il prévoyait, un enrichissement plus profond, et peut-être qu'une vocation lui aura un temps effleuré l'esprit.

* Flammarion 2017 et J'ai Lu 2021



Un Jour j ai eu une idée

 

Un jour j'ai eu une idée de Kobi Yamada et Mae Besom, éditions Le lotus et le petit éléphant, 12.90 euros:

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N'avez-vous jamais eu une idée folle ?! Une de ces idées dont vous ne savez pas trop quoi faire, la garder pour vous? la partager ?  Mais dans ce cas avec qui ? Et si vous préférez la garder bien au chaud dans un coin de votre tête: est-ce pour mieux la laisser mûrir ? ou pour finalement mieux l'abandonner ?

Toutes ces questions (et bien d'autres), le petit garçon de cette histoire, joliment illustrée à l'aquarelle, se les pose lorsqu'un jour il eut une idée. Une toute petite qu'il trouva sur son chemin et qui l'accompagna longtemps, donnant ainsi à sa vie une multitude de couleurs et lui donnant le plus grand des pouvoirs: celui de changer le monde !


 

vendredi 19 février 2021

Ceux qui n’avaient pas trouvé leur place

Ceux qui n’avaient pas trouvé leur place d’Olivier MONY aux éditions Grasset, 15,50 Euros.

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Olivier Mony a dû se montrer patient pour voir paraître son premier roman dans une maison d’édition parisienne. Habitué à l’urgence des articles de Sud Ouest Dimanche de la rubrique littéraire,  il avait compté sur le mois d’avril 2020 pour - à son tour - épier les comptes rendus effectués sur son compte par ses confrères. 


Las, la partie fut remise à plus tard, à janvier 2021, pour enfin voir son livre sur les tables des librairies. 

En a-t-il souffert ? L’homme n’en dira rien à l'image des figures secrètes que contient Ceux qui n’avaient pas trouvé leur place. 


Ce roman donc, tardif pour des raisons multiples, ménage une place à Olivier Mony parmi les hommes de lettres. Beaucoup savaient déjà qu'il en avait la fibre et d’autres, aujourd'hui, peuvent en découvrir la musique particulière que depuis longtemps Olivier Mony a instaurée au travers de ses articles de presse. 

Bordeaux occupe bien sûr une belle place dans ce livre mais la ville est replongée dans un temps d’avant, d’avant son renouveau, d'avant son nouveau tramway, d'avant ses façades reblanchies et d'avant son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco.


La nostalgie douce de ce temps imprègne aussitôt le roman sitôt franchie l’exergue tirée de l’œuvre d’Henri Michaux À distance :

"Ici les morts débarqués d'autres planètes viennent résider, ceux qui ailleurs n'avaient pas trouvé leur place. Ils viennent silencieux, loin des exigeants, des éternels exigeants, se tapir pour remourir encore, pour remourir doucement."


Bordeaux donc, dans les années soixante couve un personnage, Serge, intrigant, fantasque, désinvolte, embrassant la vie comme nul autre. Son itinéraire, ses frasques, ses excès, sont repris par l’un de ceux qui l’a le mieux connu, ami de jeunesse devenu son avocat qui ne put empêcher malgré tout Serge de connaître la prison. 

Il n’y a pas de grand dévoilement à la vie de Serge si ce n’est la constance d’un secret non élucidé. 


Cet esprit des années soixante et soixante-dix permettait les outrances que Serge portait en lui. A commencer par son goût des voitures de sport et l’espoir déçu de ne pas avoir été un pilote professionnel. Tel fut le destin manqué de Serge. Tout le reste fut vécu avec négligence - femmes, amis et enfant - ce dernier étant resté à quai, demeurant un rendez-vous (de plus) manqué auquel Olivier Mony ne se résout pas à indiquer combien il lui fut difficile de ne pas l’avoir connu. 


Tunnels de Rutu MODAN

Tunnels de Rutu MODAN aux éditions aux éditions Actes Sud, 25 Euros.

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Pour quelle raison - enthousiasmante - sommes-nous amenés à vous parler de Tunnels ?  Est-ce les personnages ? Est-ce le dessin ? Est-ce l'histoire ? Un peu des trois assurément.

Tunnels emprunte à Hergé son esprit d'aventure, ses personnages résolus et la ligne claire si chère au génie belge de la Bande Dessinée. Une différence cependant tient au contexte car l'auteure, israélienne, ne s'interdit rien et prend en dérision quelques thèmes propres à son pays. Les ultra-orthodoxes, l'armée et les palestiniens sont tournés en dérision mais dans un joyeux concert qui tourne le plus souvent au burlesque.

Si l'action se situe de nos jours celle-ci se tourne - archéologie oblige - vers les temps fondateurs de la chrétienté. C'est effectivement une femme archéologue qui nous tient en haleine, mère d'un jeune garçon d'une huitaine d'années intoxiqué par les jeux vidéos dès lors qu'il parvient à se saisir d'un smartphone. 

Cet attachant duo est très vite entouré d'une constellation de personnages tous plus fantasques les uns que les autres. Qu'est-ce qui va les réunir ? L'Arche de l'Alliance. Où se trouve t-elle ? Quelque part dans les sous-sols de Jérusalem. C'est du moins la thèse soutenue par le père de l'héroïne qui a perdu sa faculté de parole ainsi que quelques neurones en cours de route. Sa fille, financée par un richissime collectionneur, entreprend de poursuivre ses recherches. Pour cela, un tunnel doit être creusé, il en rejoindra un autre se trouvant en territoire palestinien, de l'autre côté d'un mur séparant les territoires. Deux tunnels donc pour atteindre l'objet de toutes les convoitises car la concurrence va être rude dès lors que la nouvelle se répand dans le monde de l'archéologie.

Tintin disions-nous ? Oui mais accommodé avec une sauce pimentée par notre modernité et "ravageusement" drôle. Pour achever de vous convaincre sachez que Rutu Modan née en 1966 a été formée au 9eme art par Art Spielgelman.




Mbéla et la kora magique

 

Mbéla et la kora magique de Ebokéa et Lucile Placin, éditions Albin Michel Jeunesse, à partir de 3 ans, 14.90 euros:

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 Entendez-vous le son mélodieux de la kora ? Peut-être pas, mais voici justement l'occasion de le découvrir à travers ce bel album qui nous mène en Afrique, grâce à la jolie histoire d'Ebokéa qui aime à nous conter les légendes de son pays et aux illustrations colorées désormais bien connues de Lucile Placin.

Mbéla était une petite princesse. Non pas de celles qu'on nomme ainsi du fait de leur rang mais tout simplement parce qu'elle se conduisait comme telle et qu'elle n'avait même pas à lever le moindre petit doigt pour obtenir tout ce qu'elle voulait. Ses cris et ses caprices faisaient régner la terreur auprès de ses parents et serviteurs qui se pliaient en quatre pour elle. Mais jamais rien ne trouvait grâce à ses yeux.

Il en fut ainsi jusqu'au jour où elle jeta son dévolu sur une kora. Le vendeur l'avertit bien pourtant: "Attention, cet instrument résonne avec le cœur de celui qui en joue". Seulement son cœur était si dur et si mauvais que la kora eut des effets magiques qui la laissèrent bien seule et lui firent comprendre qu'au lieu d'être capricieuse, il valait mieux profiter des siens. Son cœur changea alors et le son de la kora résonna avec une mélodie bien plus belle...



vendredi 12 février 2021

Nouvel An Chinois: l'année du Buffle

En ce vendredi 12 février, l'année du Buffle commence !

Pour célébrer le Nouvel An Chinois, nos tables et vitrines mettent à l'honneur la littérature asiatique avec notamment les éditions Picquier et HongFei Cultures.

C'est l'occasion de les découvrir ou redécouvrir !







L' Ami de Tiffany Tavernier

 

L'Ami de Tiffany Tavernier, éditions Sabine Wespieser, 21 euros:

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Se réveiller un matin et voir sa vie totalement basculer en quelques fractions de secondes: voilà ce qui arrive à Thierry et Elisabeth lorsque le GIGN frappe violemment à leur porte. Mais que peut-il se passer pour que les forces de l'ordre envahissent en masse cette terre totalement isolée où ils vivent seuls avec leurs voisins, Chantal et Guy, un couple d'amis ?

Ce qu'il se passe, nous allons le vivre avec Thierry et, comme Thierry, nous allons être totalement abasourdis par les événements qui se dévoilent peu à peu dans ce roman totalement hypnotique. Comment l'innommable peut se passer à quelques mètres de chez soi sans s'apercevoir de rien ? Pire, en étant le témoin de plusieurs faits qui auraient pu, qui auraient dû lui faire comprendre que quelque chose n'était pas normal. La dépression de Chantal ? Cette nuit où il fut réveillé en sursaut et où Guy lui répondit depuis la pénombre du fond de son jardin que non, ce n'était rien, seulement sa chienne qui s'était tordue la patte ? Et cette cabane au fond de la forêt où Guy et lui passaient leurs week-end à observer et capturer des coléoptères et autres insectes pour agrandir leurs collections ? Rien de plus banal en fait, surtout lorsqu'on est avec un ami, un véritable ami en qui on a confiance et avec qui il n'est finalement pas besoin de parler et de tout dire puisqu'on se comprend...

Tiffany Tavernier sonde ici l'âme humaine avec une telle dextérité que le lecteur est lui-même pris dans les mailles du filet et n'a d'autre choix que lire ce roman d'une traite !

 

Chroniques de Jeunesse de Guy DELISLE

 

Chroniques de Jeunesse de Guy DELISLE aux éditions Shampoing, 15,50 Euros.

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Ce n’est pas un portrait de l’artiste en jeune homme que Guy Delisle propose mais une observation, avec le recul nécessaire, d’une expérience professionnelle pour laquelle il n’avait de motivation sinon à court terme. Cependant, l’usine de papier où il travailla pendant quelques étés relevait pour le dessinateur d’un défi. Une scène vers la fin de la Bande Dessinée montre le jeune Guy Delisle sur le toit de l’usine confirmant sa fascination pour ce complexe édifié en 1927 à Quebec (Guy Delisle est canadien), gros fournisseur de papier pour la presse.

Le détail des tâches attribuées au saisonnier semble de prime abord fastueuse voire ridicule. Le débutant s’échine à faire entrer des montagnes de papier dans une fosse destinée à le recycler. La fragilité des rouleaux fabriquant la texture du papier contraint le personnel à une surveillance constante. Les machines, comme les hommes, sont mises à contribution 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

 

Guy Delisle a été incorporé dans l'équipe de nuit qui embauche à 19 heures jusqu’à la relève de 7 heures. Douze heures de temps donc ponctuées de pauses et de rencontres avec les collègues uniquement masculins. Les confidences affluent dans la salle de repos, elles sont intimes et en même temps simples et directes. C’est peut-être ces discussions qui ont incité Guy Delisle à se plonger dans ce passé. Il est à ce moment-là bien décidé à devenir dessinateur et ce statut lui confère un regard curieux de la part des autres qui n’ont que l’usine comme point de mire professionnel. 

Guy Delisle les observe d’autant plus qu’il sait que lui ne partagera pas cette vie, il n’est que de passage. Son intérêt pour le travail ne s’en départit pas pour autant. Les manœuvres qu’il exécute sur les rouleaux le réjouissent. Il n’y a pas que le reflux de papier dans la fosse qui compte. Le monde de l’usine se dévoile peu à peu, sa dangerosité également et ses légendes qui ont le pouvoir d’attiser l’imagination de l’artiste.

 

Ce travail éreintant que l’auteur a effectué de bon cœur durant quelques mois suscite un intérêt surprenant pour le lecteur qui aurait pu se montrer rétif à l’entame de ce récit. Tout au contraire,  un charme s’instaure et cette vie mystérieuse dans l'antre d’une « cathédrale » industrielle s’apparente à un conte un peu magique dans lequel nous sombrons avec délice, envoûté par le dessin et l’apparition constante d’une couleur orange venue des hautes cheminées de l’usine. Cette couleur symbolise l’odeur peu engageante que ces dernières dégagent et que nous avons l’avantage de ne pas sentir.

 


 

Raymond La taupe, détective de Camilla Pintonato

 

Raymond La Taupe, détective de Camilla Pintonato, éditions Seuil Jeunesse, 11.90 euros, à partir de 3 ans:

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Que les bandits prennent garde, Raymond La Taupe, détective est sur leur piste ! Enfin, à la vitesse à laquelle il arrive, disons que les bandits n'ont pas encore trop de soucis à se faire....

Chef cuisinier de formation, Raymond adore mitonner de bons petits plats. Mais il faut dire que ce qu'il préfère avant tout, c'est deviner les ingrédients mystères de la soupe de Tata La Taupe. Allez, cette fois c'est décidé, il se lance: à lui grand imperméable beige, casquette à la Sherlock Holmes, lunettes noires, loupe, bloc notes et... crayons ! Car les enquêtes finalement c'est comme en cuisine, tout est une question de recette à suivre scrupuleusement avec les bons ingrédients. Avec cela le tour est joué, forcément.

Alors quand Papy Écureuil a disparu, l'occasion est belle pour notre Raymond La Taupe, détective de faire ses preuves de fin limier.... ou en tout cas, de les faire avec un peu de chance car après tout la chance est aussi un très bon ingrédient !

Un album haut en couleurs et très drôle que les petits lecteurs apprécieront surtout s'ils aiguisent à leur tour leur œil de lynx pour peut-être trouver Papy Écureuil avant Raymond !

vendredi 5 février 2021

Presqu'îles de Yan Lespoux

Presqu'îles de Yan Lespoux, éditions Agullo, 11.90 euros

Préface d'Hervé Le Corre

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Il peut tout arriver entre deux pins biscornus, sur une plage balayée par les vents, ou encore dans l'océan déchaîné. Le meilleur comme le pire. Ici, dans les nouvelles magistrales de Yan Lespoux, on s'oriente plutôt vers le pire. Chaque personnage, abîmé ou presque, trouve une issue de secours dans cet environnement naturel, chargé d'Histoire, de traditions et de cultures. Issue qui peut s'avérer cocasse, imprévue, burlesque ou cauchemardesque. Portraits de gens du Médoc et d' "étrangers" venus sur leur terre, les nouvelles de Presqu'îles sentent la résine, le champignon fièrement récolté, la chasse des dimanches pluvieux. Elles sentent aussi la nostalgie de l'enfance, les magouilles de l'adolescence, la déprime de l'âge adulte, et la dérive des sentiments.  

L'hostilité vient de la nature, lorsque l'océan emporte la vie dans ses baïnes, mais elle vient surtout des hommes. Les personnages de Yan Lespoux commencent leur journée par la rubrique faits-divers du journal Sud-Ouest. On peut y lire le récit d'un cambriolage d'une quincaillerie, celui d'une pêche illégale, d'une culture de cannabis au milieu d'une pinède, ou encore d' un contrôle de police qui a (très) mal tourné. 

On n'y lira pas, en revanche, la solitude des hommes, l'isolement et la peur. On y lira pas non plus ces traditions dont les gens veulent se défaire, ou au contraire qu'ils affichent corps et âme pour rester en vie. Entre les nouvelles, le lecteur prend une grande inspiration, sourit, voit passer ces âmes seules dans des tracteurs ou des voitures sans permis. Autant de véhicules qui les mènent à un tournant de leur existence. Autant de portraits qui constituent un recueil intelligemment écrit, à la frontière des genres littéraires, lançant ainsi la nouvelle collection "Court" des éditions Agullo, de la plus parfaite des façons.

Oleg de Frederik PEETERS

Oleg de Frederik PEETERS aux éditions Atrabile, 18 euros.

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Petite crise passagère chez Oleg qui ne parvient pas à lancer sa prochaine histoire. Oleg est un auteur de Bandes-Dessinées confirmé, dessinateur virtuose qui peut s'adonner à tous les genres.

Cette fois, il s'agit de sa vie dont les préoccupations, somme toute banales, l'amènent à repenser le monde dans lequel il vit - dans lequel nous vivons. Sans être non plus un rebelle -  il est père d'une ado et toujours très amoureux de sa femme - il voit bien que quelque chose ne tourne plus rond chez lui. Grosso modo, il s'ennuie. Mais le dessin demeure son domaine d'expression alors il commence à raconter sa vie, à la dessiner et tout cela se révèle passionnant, intelligent et drôle.

Sauf qu'un événement imprévu se produit. Il sera le catalyseur de cette œuvre en marche, de ce "work in progress"  que nous tenons entre nos mains. 

Ce sont un peu les abysses de la création que l'auteur confronte à la vie de famille. Les échanges avec sa fille sont réjouissants, ils distillent l'amour inconsidéré entre un père et son ado en proie à des interrogations auxquelles Oleg s'évertue à répondre dans un élan de complicité et de générosité sans égal. 

Oleg, sous son air de dilettante, va démontrer son sens des responsabilités, sa grandeur également envers l'être qu'il chérit le plus au monde : sa femme. Voilà la raison essentielle, s'il en fallait une, pour découvrir Oleg derrière qui se cache forcément Frederik Peeters.



 

Alice et Alex de Claire et Hugo Zaorski

 

Alice et Alex de Claire et Hugo Zaorski, éditions Sarbacane, 16.50 euros:  

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Alice et Alex c'est l'histoire d'une très belle rencontre entre deux êtres. Rien ne semblait prédestiner leurs chemins à se croiser mais le hasard les mena tous deux au même moment chez le couturier et, de là, leur vie bascula. Un regard, un sourire, le cœur qui crépite, le ventre qui papillonne... c'en est tout simplement fait de ces deux-là.

Un rendez-vous une semaine plus tard donné par le couturier, voilà leur prochain point d'ancrage. Une semaine pour comprendre qu'ils ne pourront vivre sans l'autre mais une semaine aussi où le doute les saisit, où l'angoisse les serre: et s'ils n'avaient pas ressenti l'un et l'autre la même chose ? Un seul moyen de le savoir: ne pas être en retard au rendez-vous !

Un très bel album d'une douce poésie où les mots et les illustrations se magnifient sans conteste !