Que l’on ait vu le film ou pas, Le cuirassé Potemkine s'est installé dans l’imaginaire collectif par des images fortes et essentielles à l’histoire du cinéma. Reproduire celles-ci dans le langage de la bande dessinée relève moins du défi que de l’hommage.
Le Cuirassé Potemkine, pour ceux qui l’aurait oublié, est un symbole de la révolution russe de 1905. Elle est traitée de la plus fidèle des manières par cet auteur espagnol adepte des retranscriptions de classiques artistiques qu’ils soient picturaux, littéraires ou cinématographiques.
La mutinerie des matelots du cuirassé équivaut à une prise de conscience collective avec comme étincelle une injustice. De la nourriture abjecte est servie aux marins accompagnée d'un dédain pour ces derniers de la part des officiers qui les commandent. Une grève de la faim est décidée par les plus révoltés. Les sanctions disciplinaires ne tardent pas et le commandant du bateau annonce l’exécution des marins réfractaires. Leur salut advient de justesse grâce au troublant appel du marin Vakoulintchouk : « Camarades ! sur qui tirez-vous donc ? ».
La mutinerie des marins se transforme en une prise du pouvoir du cuirassé. Le bateau accoste à Odessa où il est accueilli en héros. La foule s'est ralliée aux rebelles mais cette liesse est stoppée par une fusillade qui s’enclenche sur les grands escaliers du haut desquels les cosaques au service du tsar se sont positionnés. Cette scène mémorable fut maintes fois reprise, notamment la course folle d’un berceau qui dévale seul les escaliers..
L’œuvre d’Eisenstein retravaillée par Auladell est sans parole. Les commentaires inscrits accentuent la tension dramatique. Les corps, âpres et contrariés, les machines rudes et lourdes comme étaient les premiers bateaux de guerre provoquent toute l'intensité exceptionnelle de la lecture.
Nous savons l’importance du film dans l’histoire du cinéma, son adaptation dessinée ressemble à une expérience rêvée par l’auteur. Les images crayonnées nous (re)plongent dans l’univers filmique du cuirassé et s’avèrent pour le lecteur une réussite autant esthétique que scénaristique.
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