samedi 26 mai 2012

Dominique DAYAU

Serial piqueur de Dominique DAYAU aux éditions Elytis, 13,70 euros.


Voilà donc notre homme (déjà évoqué mais plus bas!) dont nous garderons autant que se peut le secret de sa fonction au sein de la police judiciaire dont il est commandant (d'ailleurs nous ne savons rien).

Au commencement de Serial piqueur, on se réjouit puis on s'inquiète tant la crainte de suivre un cours particulièrement avancé d'entomologie nous accapare. On perçoit l'évidente jouissance de l'auteur à nous instruire des activités plus ou moins visibles des insectes auprès des corps surtout lorsque ceux-là sont morts de façon non naturelles.
Mais la science, quand bien même elle s'active autour des cadavres, garde toujours un côté propre sur elle voire sûre d'elle qui s'avère tout compte fait rassurant.
Ces hommes qui dissertent sur le rôle des mouches à l'intérieur d'un périmètre consacré aux scènes de crime sont effectivement des puits de science. Les surprendre réclame une surenchère bien spéciale de la part des assassins et, sur ce sujet, Dominique Dayau va se montrer parfaitement à la hauteur.
En résumé, nous disposons d'un corps, d'abord, qu'il faut identifier, d'une paire de bridgeurs dont les performances peuvent être comparer à une épopée footballistique, d'autres ensuite corps qui vont fournir d'après l'indice nommée "Sehkmet", une relation en prise directe avec le premier, enfin, d'une immersion dans les coulisses de la police scientifique. Tout cela est écrit dans une langue maîtrisée, drôle et juste. On vous passera les rebondissements qui mèneront à la résolution puis au procès de cette étrange affaire mais on n'oubliera pas de vous recommander la lecture de Dominique Dayau qui est, en tout point, enthousiasmant.

La Librairie Générale se livre... aux éditions Elytis

L'Aquitaine se livre ! http://www.librairiesatlantiques.com/index.php/les-actions/animation/presentation-de-laquitaine-se-livre


Et nous en sommes !
Régis Jauffret l'a affirmé haut et fort le 28 avril dernier lors de la remise de son prix littéraire d'Arcachon dans le cadre de La plage aux écrivains. "La France dispose d'un réseau de librairies unique au monde..." a t-il rappelé dans son plaidoyer pour la survivance des librairies indépendantes http://www.sudouest.fr/2012/04/28/arcachon-regis-jauffret-recoit-le-prix-litteraire-de-la-ville-701437-2733.php

Et nous, librairie indépendante, faisons en sorte de nous associer à toutes les manifestations qui s'efforcent de promouvoir la lecture et le livre. Certes, cela n'est pas toujours visible et pourtant, ce travail indispensable dans la constitution du maillage si fragile que sont les librairies françaises, affirme notre volonté de participer au mieux à l'élan solidaire qui nous unit tous, éditeurs, auteurs, bibliothèques, libraires et autres acteurs des métiers du livre.

L'Aquitaine se livre est donc l'une de ces manifestations et nous avons choisi d'offrir un "coup de projecteur" aux éditions Elytis http://www.elytis-edition.com/, éditeur bordelais tourné vers le récit de voyage, les albums illustrés et magnifiques. L'histoire veut que les éditions Elytis se soient rendues au salon du livre du Moulleau au mois d'avril et que l'accord fut rapide et concluant sur le principe de montrer un aperçu du travail réalisé par cette jeune (année de création 2001) et entreprenante (200 titres à son catalogue) maison d'édition.

Nous leur avons consacré une vitrine et les avons laissé nous confier une trentaine de titres, les plus emblématiques. Ils sont tous très beaux et à prix variables. On sent une attirance notoire pour l'Asie (le Tibet, le Japon...) mais il y a aussi des auteurs régionaux qui ont publié sur le vin. Enfin, nous avons choisi, avec un chauvinisme assumé, de lire un arcachonnais. Nous vous enjoignons donc de vous rendre à la rubrique suivante intitulée Dominique DAYAU !

samedi 12 mai 2012

Royal Romance de François WEYERGANS

Royal Romance de François WEYERGANS aux éditions Julliard, 19 euros.




Pourquoi suis-je tenté d’affirmer qu’au bout de cinquante pages d’un roman de François Weyergans, celui-ci est mon écrivain préféré ? Je me rétracterai bien évidemment après en avoir lu cinquante autres mais il n’empêche que la tentation demeure et je suis persuadé qu’il en va pour d’autres autant que pour moi. François Weyergans « emballe » avec la même facilité ses lecteurs que les femmes dans Royal Romance. Ce n’est pas rien.

Ce roman d’ailleurs est une déclaration superbe, bien que tardive, à une femme, disons-le franchement, inouïe. Justine, puisqu’il s’agit d’elle, est une héroïne absolue et absolument moderne rencontrée à Montréal par Daniel Flamm, un double parmi d’autres de François Weyergans, pas franchement sympathique en tant qu’écrivain bourgeois logé par les unes (sa sœur, par exemple) et nourri (et loger encore !) par les autres (sa femme).

Oui, Paul Flamm empile les maîtresses, Justine ne trouvant sa place qu’avec un acharnement de chaque instant, lettres, messages, enregistrements sur bandes magnétiques qui prouveraient l’authenticité d’un amour mis à distance (Montréal-Paris).

Inutile de dévoiler la dramaturgie en acte, l’accablement généralisé qui va s’inviter d’autorité jusqu’à la fin du livre qui pourtant allait gaiement jusque-là. Justine est en soi un canon de la littérature, une étude pour l’avenir tel que Flamm justement l’éprouvera jusqu’aux larmes. Flamm étant à sa façon un héros lui aussi, mais un héros coupable et non culpabilisant.

Alors François Weyergans est-il redevenu mon écrivain préféré parvenu au bout des cent dernières autres pages de Royal Romance ? La réponse ne regarde que moi après tout, mon influence n’étant absolument pas nécessaire pour faire reconnaître le talent de ce romancier déjà maintes fois cité.

Le faire ou mourir de Claire-Lise Marguier par Olivier de Marc

Le faire ou mourir de Claire-Lise Marguier, Rouergue 9,50€


Dam a seize ans. Il est brillant élève mais profondément sombre et malheureux. Solitaire, d’une extrême sensibilité, souffre douleur de ses camarades de classe il ne trouve même pas de réconfort auprès de ses parents qui lui préfèrent sa soeur.

Au cours d’un tabassage par la bande des skateurs , Samy un autre garçon du lycée aux allures plutôt gothiques s’interpose pour lui venir en aide. C’est le début d’une histoire entre eux : « Samy a essuyé le sang de ma tempe de sa manche noire. Je crois que c’est la première fois que quelqu’un me touchait comme ça, avec autant de douceur ». Petit à petit Dam va tomber amoureux. Si les choses sont simples pour Samy, garçon bien dans ses baskets, il en va tout autrement pour Dam le tourmenté qui, en plus, devra faire face à la bêtise de son père et expérimenté la différence . La confusion des sentiments est parfois dure à vivre. Pour conjurer son mal-être il se scarifie : « Je me suis fais saigner un moment, jusqu’à ce que je me calme ». Dans ce premier roman, Claire-Lise Marguier évoque avec beaucoup de pudeur et de sensibilité les affres de l’adolescence et les difficultés liées à la construction de l’identité.

Bien que publié dans une collection jeunesse ce texte est à mettre entre toutes les mains. La fin imprévisible et très forte donne à réfléchir. Surtout elle nous rappelle avec talent le subtil conseil de Baudelaire : « Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c’est son génie ».

Olivier de Marc

LA BALADE DE PELL RIDLEY, de Meg Rosoff, albin Michel, 12.50€ (jeunesse)

LA BALADE DE PELL RIDLEY, de Meg Rosoff, Albin Michel, 12.50€


Le jour de son mariage, la jeune Pell Ridley s'enfuit pour échapper à une vie trop petite pour elle. Lancée sur les routes, elle va vivre des aventures échevelées, faire des rencontres improbables et peu à peu découvrir le sens de l'existence.
Une héroïne impétueuse, pugnace et généreuse comme on les aime. Un roman d'aventures, ou plutôt de mésaventures qui fait tantôt penser à Dickens et tantôt aux soeurs Brontë. L'auteur de maintenant c'est ma vie nous étourdit à présent dans un voyage hypnotique sur la lande anglaise, plein de surprises et de poésie.

vendredi 27 avril 2012

Jeanne FAIVRE D'ARCIER

Le dernier vampire de Jeanne Faivre d'Arcier aux éditions Bragelonne, 20,30 euros.


Dernier auteur de notre sélection de la Plage aux écrivains, Jeanne Faivre d'Arcier est une habituée du bassin d'Arcachon où elle réside une partie de l'année. Cet écrivain au registre étendu, a récemment publié Le dernier vampire, un roman fantastique où se mêle un polar mâtiné d'un fort parfum historique.
Jeanne Faivre d'Arcier garde un ton enjoué tout au long de cette histoire ce qui prouve le grand plaisir qu'elle a pris à son écriture. D'ailleurs il ne faut pas s'offusquer outre mesure de l'amas de meurtres qui s'épandent au début du livre, ils cautionnent d'une certaine façon les humeurs d'un impitoyable tueur qui a des besoins vitaux de sang frais. Celui-ci est un survivant de la révolution française, devenu vampire dans des conditions douloureuses. Sa fiancée, est-il persuadé, n'a pu mourir dans l'effroyable condition qu'il relate, une noyade dans une barrique de vin où il a lui-même réchappé. Cela se passait en 1793 dans le bordelais. Les Girondins perdaient la partie et la Terreur advenait.
Plus de deux siècles ont passé et voilà que ce vampire amoureux reconnaît sa bien aimée dans une femme policière, amatrice de théâtre et aux moeurs surprenantes. S'engage entre eux un malentendu qui tournera à une lutte à mort.
Toute la PJ parisienne va se lancer aux trousses de ce meurtrier spectaculaire. Les rebondissements vont se succèder au rythme des exigences de ce volatil et infernal tueur. Au cours de cette confrontation, apparaît une belle et insoumise métisse. Prise en otage dans le repère haut perché du vampire, l'amour va s'en mêler et même s'emmêler...
Le détour par la révolution française est un complément indispensable à cette intrigue haletante que Jeanne Faivre d'Arcier dénoue avec romantisme.

samedi 21 avril 2012

Eric de SAINT ANGEL

La villa Algérienne d'Eric de SAINT ANGEL aux éditions Vents Salés, 17 euros.




Dans la continuité de notre présentation (sommaire) de la Plage aux Ecrivains 2012, nous abordons le chapitre des romans écrits sur le Bassin, pour le Bassin, dans le Bassin...

La villa Algérienne, ironiquement en cette année 2012, n'est pas une commémoration de l'indépendance ou de la perte du "département Algérie" mais un décor bien souvent reconstruit dans l'imaginaire des amoureux du Bassin , dans lequel l'auteur puise son inspiration pour cette réédition du texte paru une première fois en 1985 aux éditions Grasset.
Dans une brève note, l'auteur tient à justifier cette nouvelle parution par le travail opéré par le temps sur la presqu'île du Cap-Ferret. On signalera que Le roi du Cap-Ferret, déjà chez le même éditeur, avait entrepris mais d'une autre manière, une évocation similaire.
La villa Algérienne cependant est bien plus intimiste, les sentiments du personnage principal, un certain Yves, prennent refuge dans la période hivernale du Bassin d'Arcachon. Nous découvrons les raisons du mutisme, quelque peu abrupt, qui s'est abattu sur cet homme par le biais d'un ami, Pierre, qui a tôt fait de le rejoindre. Lui sait à peu près tout de l'histoire, des sentiments et des silences d'Yves.
Le temps effectivement s'est dilué dans un souvenir paradoxal et une géographie multiple. Il faut que la reconstitution aboutisse pour qu'apparaisse complètement le tableau d'une époque qui semblerait un paradis perdu plus proche du chanteur Christophe que du poète Milton.
Assurément, le spectre d'un femme, nommée Hanna, est le moteur de cette histoire. Mais d'autres femmes peuplent les pensées d'Yves.
D'ailleurs, un érotisme prégnant émane du Cap-Ferret, de ses plages, de ses villas et des jeunes femmes étendues à la proue des bateaux...
Eric de Saint Angel  montre par endroits une connaissance précise voire passionnelle de tout ce qui se trame sur ce bout de terre et, muni d'un riche vocabulaire, en décrit les habitudes.

L'auteur sera sur la plage d'Arcachon le week end prochain...

Et pour en savoir plus sur le salon, suivez le guide: http://www.arcachon.com/plageauxecrivains/
Et pour ceux qui ne sont pas très à l'aise avec internet, le programme "version papier" est disponible à la librairie où vous pourrez découvrir, si ce n'est déjà fait, notre vitrine d'angle devenue très balnéaire pour l'occasion!

Derniers retranchements d'Hervé Le Corre par Olivier de Marc

Derniers Retranchements de Hervé Le Corre, Rivages /Noir 8,65€

Tous ceux qui se rendent aux rencontres polars connaissent bien l’écrivain bordelais Hervé Le Corre qui nous fait découvrir sa sélection avec son acolyte Olivier Pene. Son dernier titre paru dans l’excellente collection Rivages noir est un coup de maître. La nouvelle, genre tombé en désuétude en France mais très prisée des anglo-saxons, est ici ressuscitée de manière brillante.

Au travers de ce recueil de nouvelles à la remarquable unité, l’auteur nous présente des personnages dans leurs derniers retranchements. Des gens comme vous et moi, des gens que l’on croise tous les jours sans forcément les regarder ni les voir et qui vont sombrer dans la violence. Poussés à bout parce que vivre est un métier difficile et que la morsure du réel est parfois trop forte. La frontière entre la civilisation et la barbarie est très mince et poreuse : « Quelque chose en lui s’est déchiré et un gouffre s’ouvre au fond de quoi bougent des créatures jusque-là endormies, monstres jusque-là pétrifiés par des années de raison, d’empathie, de questions, d’écoute. Figés dans le roc du savoir et de l’intelligence, pris dans ce granit qui pavait toujours ses bonnes intentions. L’homme écoute ce remuement dans les ténèbres tout en serrant sa bien-aimée dans ses bras ». En décrivant magnifiquement des tranches de vies, Hervé Le Corre saisit le moment ou le granit se craquèle puis laisse passer nos démons enfouis au fond de nous. Au sein de cette belle noirceur, seul l’amour parvient parfois à dessiner de fragiles trouées de lumière. L’homme est un être fragile, rempli de fantômes, un « roseau pensant » disait Pascal. Merci, Monsieur Le Corre de nous le rappeler avec autant de talent.

Cet univers très sombre mais plein d’humanité est aussi éclairci par le style très pur de l’écrivain. On ne peut s’empêcher de penser à Raymond Carver, immense nouvelliste décrivant les laissés pour compte du rêve américain. Musset avait raison : « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux. »

Olivier de Marc

samedi 14 avril 2012

Stéfan MANI

Noir océan de Stéfan MANI aux éditions Folio Policier, 8,10 euros.


Boum ! Boum ! Boum ! tel est le refrain entonné par le bateau sur lequel vous êtes priés d'embarquer après avoir fait une connaissance, pour certains haletante, des futurs passagers.

Boum ! Boum ! Boum ! pas de chance, c'est une tempête colossale qui donne ce tempo. A bord, se trouvent neuf marins, du soutier au commandant, du capitaine en second au matelot, du cuisinier au chef des machines et, embarqué par erreur, le Démon.

Le bateau s'est extirpé du port de Reykjavic à destination du Surinam. Il serait vain de récapituler le poids qui pèse sur chacun de ces marins dépressifs, angoissés, coléreux et mutins... Et le Démon, ce tueur invétéré est prêt à se débarrasser de chacun d'eux pour peu qu'on l'y pousse.

Une extraordinaire sensation de puissance se dégage de ce roman. Les éléments déchaînés y sont bien sûr pour quelque chose mais encore, la dérive programmée du navire et la tension maximum qui doit tôt ou tard déboucher sur une confontation en règle des différents protagonistes est une expérience de lecture entêtante à l'image de ces Boum ! qui rappellent le chahutage du bateau au milieu de l'océan Atlantique.

On raconte que Stéfan Mani est un bon géant tatoué de partout qui hante parfois des salons du livre consacrés au polar. On aimerait mieux le connaître pour comprendre l'aspect métaphysique de ses histoires, de leur réalité et de sa connaissance intime de la mer et de la navigation.

Merci à Hervé Le Corre et à Bernard Daguerre d'avoir chaudement recommandé ce polar lors de leur intervention à la Médiathèque de Gujan-Mestras. La prochaine rencontre aura lieu le 9 juin, nous y reviendrons.


Le serpent aux milles coupures de Doa par Olivier de Marc

Le serpent aux mille coupures de Doa, Folio policier 5,95€

Doa, jeune écrivain français de roman noir est aussi scénariste. On lui doit notamment la série Braquo diffusée sur Canal Plus. Avec Le serpent aux milles coupures, il nous livre un polar efficace et incisif, qui se lit d’une traite.

Nous sommes dans le vignoble de Moissac dans le Tarn et Garonne. Coin tranquille qui va basculer dans la terreur. Arrivés de l’extérieur pour un rendez vous, des trafiquants de drogue colombiens et italiens vont reléguer les conflits de voisinage des paysans locaux au second rang. Un mystérieux motard se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment va mettre le feu aux poudres. Tout ce petit monde va s’entretuer. Je vous laisse découvrir ce que l’on nomme La mort par les milles coupures. Ames sensibles s’abstenir.

Derrière un roman noir mené tambour battant, Doa nous donne à voir la réalité d’aujourd’hui. Avec ce livre, on s’aperçoit comment le local rencontre le global. De nos jours, tout est interdépendant, et la guérilla colombienne n’est plus si éloignée de Moissac .Il faut dire que, mondialisation oblige, l’Europe est devenue un continent incontournable pour les cartels colombiens.

Un mot du style très vif, nerveux. Les mots claquent comme des rafales de balles : « Voiture. Partir. Plus chaud. Confortable. Intérieur plein de sang. Clés sur le tableau de bord. Sortir les morts. Qui ? Fatigué. Trop. Du sang partout. Où ? Taches sombres sur le cuir des sièges. Froid. Partir ».
Bref, Doa comme bien d’autres nous prouve que le roman noir n’est plus une exclusivité américaine.

Olivier de Marc