Hic d'Amélie LUCAS-GARY aux éditions du Seuil, 17 euros.
Une génération toujours plus "talentueuse" aime-t-on à dire s'infiltre régulièrement dans le monde merveilleux de la littérature et use de celle-ci de manière ingénieuse et joueuse. Elle vivifie ainsi les mornes normes du récit, s'en défait pour s'en aller voguer à l'aventure avec pour tout bagage sa poésie, c'est à dire le doux son de sa propre musique. Il arrive parfois qu'elle touche un public qui n'attend souvent rien d'autre qu'un alignement de mots qui l'éloigne de ses préoccupations premières.
Ce programme assez flou mais prometteur est ici réuni dans l'univers d'Amélie Lucas-Gary qui déborde d'idées.
Hic se présente comme la troisième aventure romanesque de l'auteur après Grotte et Vierge. Les personnages de ses livres n'avaient jusqu'ici jamais représenté en vrai la vie de l'auteure. Ils étaient des bifurcations plutôt fantasques d'un monde dont la réalité ne cherchait pas à s'imposer. Cette fois, le ton change ainsi que l'ambition. Le récit fantastique demeure mais il prend racine dans le lieu d'habitation de la narratrice aux traits fortement ressemblant à l'auteure.
A Ivry-sur-Seine une maison pavillonnaire constitue le point de départ d'une odyssée qui , de chapitre en chapitre, part à la recherche du temps jusqu'à en toucher son point initial : le big bang !
Les sauts dans le temps se font toujours plus spectaculaires tout en restant ancrés en ce lieu de bord de Seine aujourd'hui le plus anodin qui soit. L'expérience déboussole mais suscite une curiosité aussi bien intellectuelle qu'émotionnelle. Où s'arrêtera ce voyage ? Nulle-part si ce n'est, par une acrobatie géographique qui nous propulse de l'autre coté du globe, à Wellington, capitale néo-zélandaise.
C'est ici qu'Amélie Lucas-Gary a effectué un voyage et que commence une nouvelle errance. l'écrivaine ne souhaite pas restituer son expérience réelle de cet "autre" bout du monde ou plutôt la modifie en lui injectant un scénario qui active sa brillante imagination.
Sujette à des tremblements de terre, la Nouvelle-Zélande, "terre de contraste", suggère des apocalypses à notre romancière qui ne semble atteinte par aucune limite. Amélie Lucas-Gary joue à se faire peur sans oublier de se moquer de sa terreur.
Hic dans sa définition est un point délicat voire un obstacle majeur qui signifie aussi en latin : ici.
La clé du livre est dans l'acceptation de ces deux sens.