vendredi 12 février 2021

Chroniques de Jeunesse de Guy DELISLE

 

Chroniques de Jeunesse de Guy DELISLE aux éditions Shampoing, 15,50 Euros.

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Ce n’est pas un portrait de l’artiste en jeune homme que Guy Delisle propose mais une observation, avec le recul nécessaire, d’une expérience professionnelle pour laquelle il n’avait de motivation sinon à court terme. Cependant, l’usine de papier où il travailla pendant quelques étés relevait pour le dessinateur d’un défi. Une scène vers la fin de la Bande Dessinée montre le jeune Guy Delisle sur le toit de l’usine confirmant sa fascination pour ce complexe édifié en 1927 à Quebec (Guy Delisle est canadien), gros fournisseur de papier pour la presse.

Le détail des tâches attribuées au saisonnier semble de prime abord fastueuse voire ridicule. Le débutant s’échine à faire entrer des montagnes de papier dans une fosse destinée à le recycler. La fragilité des rouleaux fabriquant la texture du papier contraint le personnel à une surveillance constante. Les machines, comme les hommes, sont mises à contribution 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

 

Guy Delisle a été incorporé dans l'équipe de nuit qui embauche à 19 heures jusqu’à la relève de 7 heures. Douze heures de temps donc ponctuées de pauses et de rencontres avec les collègues uniquement masculins. Les confidences affluent dans la salle de repos, elles sont intimes et en même temps simples et directes. C’est peut-être ces discussions qui ont incité Guy Delisle à se plonger dans ce passé. Il est à ce moment-là bien décidé à devenir dessinateur et ce statut lui confère un regard curieux de la part des autres qui n’ont que l’usine comme point de mire professionnel. 

Guy Delisle les observe d’autant plus qu’il sait que lui ne partagera pas cette vie, il n’est que de passage. Son intérêt pour le travail ne s’en départit pas pour autant. Les manœuvres qu’il exécute sur les rouleaux le réjouissent. Il n’y a pas que le reflux de papier dans la fosse qui compte. Le monde de l’usine se dévoile peu à peu, sa dangerosité également et ses légendes qui ont le pouvoir d’attiser l’imagination de l’artiste.

 

Ce travail éreintant que l’auteur a effectué de bon cœur durant quelques mois suscite un intérêt surprenant pour le lecteur qui aurait pu se montrer rétif à l’entame de ce récit. Tout au contraire,  un charme s’instaure et cette vie mystérieuse dans l'antre d’une « cathédrale » industrielle s’apparente à un conte un peu magique dans lequel nous sombrons avec délice, envoûté par le dessin et l’apparition constante d’une couleur orange venue des hautes cheminées de l’usine. Cette couleur symbolise l’odeur peu engageante que ces dernières dégagent et que nous avons l’avantage de ne pas sentir.

 


 

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