Ici n'est plus ici de Tommy Orange, traduit de l'anglais (américain) par Stéphane Roques, éditions Albin Michel, 21,90 euros.
Dans
 ce premier roman, Tommy Orange pose une question simple: que reste t-il
 des Indiens d'Amérique? Il nous présente, pour y répondre, une galerie 
de portraits composée de citoyens indiens américains vivant de nos jours
 à Oakland, aux Etats-Unis. En rencontrant un à un les personnages, le 
lecteur de Ici n'est plus ici réalise que la question de l'identité 
indienne contemporaine est non seulement complexe mais aussi 
impénétrable. 
Aussi différente soit leur vie, ils ont tous dans 
cette histoire un trait d'union : bientôt aura lieu dans leur ville un 
Pow-Wow, une fête traditionnelle indienne mettant à l'honneur leur 
Histoire commune, célébrant leurs ancêtres par de la danse et du chant. 
Tony
 Loneman, Dene Oxendene, Opale Victoria Bear Shield, Edwin Black, Bill 
Davis, Calvin Johnson, Jackie Red Father, autant de noms qui frappent 
dans un premier temps par leurs sonorités, les faisant entrer dans la 
légende avant même de savoir de quoi ils sont capables. Des noms 
composés, trafiqués, distordus car issus d'une lignée qui a eu 
l'habitude d'être assimilée à des clichés: 
"Nous avons été 
définis par tous les autres et continuons d'être calomniés malgré les 
faits amplement vérifiables sur Internet quant à la réalité de notre 
histoire et l'état actuel de notre peuple. Nous avons la triste 
silhouette indienne soumise et les têtes jetées à bas des marches d'un 
temple, nous avons cela dans la tête, Kevin Costner nous sauvant, le 
six-coups de John Wayne nous abattant, un italien du nom d'Iron Eyes 
Cody jouant notre rôle dans les films. Nous avons l'Indien de la pub, 
affligé de voir tant d'ordures répandues, la larme à l’œil (toujours 
Iron Eyes Cody) ainsi que l'Indien qui lance le lavabo dans Vol au 
dessus d'un nid de coucou, et qui est le narrateur, la voix du roman." 
L'intensité
 romanesque s'articule autour de la préparation de ce Pow-Wow, certains y
 allant pour retrouver leurs racines, d'autres s'y rendant avec leur 
rage et le sentiment d'être inévitablement en marge d'une société qui ne veut pas d'eux. Ces personnages, 
dont le passé dense les rend profondément attachants, capables du 
meilleur comme du pire, montrent à quel point il est impossible de 
définir l'identité indienne d'aujourd'hui. 
Tommy Orange montre à 
merveille que celle-ci est façonnée et biaisée par le regard de l'homme 
blanc, dans une société ou la tolérance se fait rare.

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