Sale gosse de Mathieu Palain, éditions l'Iconoclaste, 18 euros.
Sortie le 21 août
Wilfried a huit mois lorsqu’il croise pour la première fois la route
des éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Face
aux difficultés familiales et sociales qui mettent son devenir en péril,
le couperet tombe : il sera éloigné de sa famille biologique et placé
dans une famille d’accueil. La force du roman de Mathieu Palain tient en
sa capacité à nous montrer les tensions générées par cette décision.
Une
tension palpable chez les éducateurs de la PJJ dont on suit le
quotidien, les échanges, les doutes et les désaccords concernant le cas
de Wilfried ; on partage alors la difficulté d’assumer la décision
d’éloigner un enfant de sa famille et le coût subjectif que cela
représente pour ces professionnels qui n’ont alors d’autre choix que de
se serrer les coudes pour surmonter collectivement les doutes qui les
assaillent individuellement. On appréhende aussi l’importance de ces
éducateurs qui, au-delà de contribuer à décider du sort de cet enfant,
sont aussi chargés de le suivre et de l’accompagner au mieux dans une
vie faite de ruptures, de quête d’identité et de questions sans
réponses.
Une tension présente aussi chez Wilfried qui, devenu
adolescent, devient un joueur de football de haut niveau renvoyé du centre
de formation d’Auxerre pour avoir fracassé à coups de pied la mâchoire
d’un adversaire un peu trop rugueux. On comprend vite que cette colère
sourde qui l’habite est un symptôme du malaise qui le hante : coupé de
son passé, son avenir paraît inextricablement contraint par la violence
sociale qu’il subit depuis sa naissance et qui le conduit presque par
obligation à « faire le sale gosse » pour bénéficier d’une étiquette
dans ce monde où il ne trouve pas sa place.
La description
touchante et sans fard de l’interaction entre ces deux tensions qui
traversent le roman conduit à comprendre la dépendance mutuelle entre
Wilfried et les éducateurs de la PJJ : si Wilfried dépend des éducateurs
pour donner du sens à son existence, ces derniers dépendent tout autant
de Wilfried pour donner du sens à leur mission et y trouver la
gratitude qu’ils ont arrêté d’attendre de leur hiérarchie. Mathieu
Palain, journaliste dont le père était éducateur à la PJJ, s’est appuyé
sur une enquête à la PJJ d’Auxerre pour être au plus près de la réalité
du terrain : si on en juge par la claque que l’on prend dès les
premières pages du roman, le procédé est réussi !
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