vendredi 13 novembre 2020

A l’ombre de la butte-aux-coqs Osvalds ZEBRIS

A l’ombre de la butte-aux-coqs Osvalds ZEBRIS aux  éditions Agullo

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A l’ombre de la butte-aux-coqs commence par un triple kidnapping en plein cœur de Riga. Acte aussi étrange qu’incompréhensible qui se justifiera après bien des évènements qui en éclaireront le motif. 

Le titre lui-même d'ailleurs réclame une explication que l’on percevra également à la fin du livre car l’ombre déployée par la butte-aux-coq est un secret familial déterminant. 


Cette histoire d'une résolution intime est cependant jalonnée d’épisodes qui au bout du compte révèlent l’histoire d’un pays : la Lettonie. 

L’auteur, Oswald Zebris, livre une fresque haletante d’un moment bien particulier de la Lettonie qui correspond au soulèvement populaire d’une nation sous le joug de l’empire russe.


L’épisode est dans sa large mesure circonscrit dans la campagne bien que Riga se tienne toujours à proche distance puisque c’est dans la capitale que se sont tramés les discours révolutionnaires. Les actes en eux-même que nous raconte Zebris ont été répercuté par les paysans ceux notamment des alentours de la Butte-aux-coqs. 

La Butte-aux-coqs est le repaire ancestral d’une famille dominante à l’image du personnage d’Arvids, homme brillant qui fait école au sens propre du terme dans les murs de la ferme où il éduque quelques enfants.

 

L’heure vient où les paysans, tout près de s’octroyer le pouvoir à la barbe du tsar Nicolas II, veulent connaître la position d’Arvids tout en étant résolus à ce qu’il se rallie à leur cause. Parmi eux se tient Rudolfs, l’ami d’enfance et voisin d’Arvids qui a toujours vécu au bas de la ferme de la Butte-aux-coqs. 

Ami certes mais déconsidéré, Rudolfs, le « poteau-Rudo », est écrasé par la personnalité d’Arvids. Mais en ce jour il est doté d’une responsabilité qu’il n’a certes pas vraiment choisi mais qu'en raison de son caractère modéré, d’autres protagonistes de cette révolution ont trouvé commode de lui attribuer bien que Rudolfs soit dépourvu d'autorité et de charisme. 

En ce jour propice qui lui a aussi fourni un fusil parce que les révolutionnaires sont montés sur la Butte-aux-coqs en armes, Rudolfs se laisse emporter par l’instant en ignorant son irréversibilité.


L’effet narratif adopté par Oswalds Zebris sème le trouble sur ce qui s’est réellement passé ce jour sur la Butte-aux-coqs. Le narrateur du roman, omniscient, supervise évènements et personnages qu’il nourrit avantageusement de nombreux dialogues qui restituent de fait un aspect vécu des événements qui s'avère très réussi.

Rudolfs est tout de même soumis à un traitement distinct. Oswalds Zebris lui octroie d’ailleurs des chapitres entiers écrits à la première personne du singulier précisément lorsque Rudolfs a procédé à un dédoublement de sa personnalité. Depuis les événements de la Butte-aux-Coqs, deux Rudolfs se sont effectivement mis à exister. Le fautif et l’innocent. 


A l’ombre de la Butte-aux-Coqs est structurée comme une échappée dans le temps où les dates demeurent floues mais convergent vers l’année 1905 année dite de la révolution lettone. A l’instar de ce qui se produit dans le reste de l’empire russe, des manifestations prolétariennes sont réprimées. La fuite puis la traque de Rudolfs et de ses compagnons symbolisent la fin de ce moment révolutionnaire. 

De son côté, Arvids qui n’a pas voulu prendre part à la lutte ouvrière et paysanne, représente un autre combat, celui de l’éducation et de l’attachement à la culture lettone, plus précisément à sa langue. Prise en étau entre l’allemand et le russe, la langue lettonne survit dans les campagnes.

 

Arvids et Rudolfs rassemblent ainsi deux entités majeures du peuple letton, la révolution socialiste et la quête d’un retour à l’indépendance, la dernière finissant par avoir raison de la première au bout de multiples remous de l'histoire de la Lettonie. 

La Lettonie est devenue indépendante en 1920 mais fut très vite rattachée à la toute jeune URSS. Puis, conquise par l’Allemagne nazie, elle retourne dans le giron soviétiques dès 1944. Son indépendance attendra encore 1991. 


Oswald Zebris a reçu pour ce livre le Prix de la littérature de l’union européenne en 2017 dont la Lettonie est devenue membre en 2004. Voici pour la première fois traduit en France cet auteur de talent qui comble l’absence de représentant de la littérature lettonne dans notre pays. 

Une frontière littéraire est ainsi abolie tel que le programme des éditions Agullo le proclame sur son site.

Ma petite mésange


Ma petite mésange, Gerda Muller et Sophie Chérer.

École des loisirs, 12.50€

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Au cœur de l'hiver, Tulip, la petite mésange charbonnière, peine à trouver à manger. Heureusement, Monsieur et Madame Harmand sont là pour régaler tous les oiseaux du jardin.

Bientôt arrive le printemps. Au milieu des arbres en fleurs, Tulip trouve un amoureux. Vite, vite, il faut construire un nid douillet pour les futurs bébés. Mais, catastrophe, la tempête a déraciné le vieux pommier où le jeune couple avait élu domicile!

Au fil des saisons, suivez les aventures de la petite mésange et de ses amis.

Un bel album, tendre et intelligent, porté par une illustration dans la tradition des beaux livres d'images d'autrefois.

Une histoire qui donne envie de prendre le temps d'écouter, de regarder et de comprendre le petit monde et la nature qui nous entourent.

 


samedi 24 octobre 2020

Alabama 1963 de Ludovic MANCHETTE et Christian NIEMEC


Alabama 1963
de Ludovic MANCHETTE et Christian NIEMEC aux éditions du Cherche-Midi, 18 euros.

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Birmingham, Alabama est la ville choisie par nos deux auteurs (traducteurs de profession) pour camper une histoire de disparitions puis d'assassinats d'enfants noirs. 

Cette ville représente dans l'histoire américaine un moment-clé dans lequel intervint notamment Martin Luther King. En effet, la communauté noire organisa des manifestations non-violentes pour dénoncer l'une des ségrégations les plus fortes des Etats-Unis. 

Ludovic Manchette et Christian Niemec décrivent cette situation avec une très fine perception psychologique et font avancer dans leur enquête sur les meurtres accomplis un improbable duo composé d'une femme de ménage noire et d'un minable détective blanc. 

Comment ces deux-là en sont-ils venus à faire une réjouissante paire d'enquêteurs ? C'est tout l'art scénaristique de ces, certes, néophytes romanciers, néanmoins pourvus d'une expérience de dialoguistes de séries, qui donne un rythme tout à fait plaisant à ce roman. 

L'alternance entre tragédie et comédie d'Alabama 1963 est une source d'enrichissement servie par une écriture sensible et juste. Un premier roman convaincant.

Love me please, une histoire de Janis Joplin, (1943-1970) de Nicolas FINET, CHRISTOPHER et DEGREFF

Love me please, une histoire de Janis Joplin, (1943-1970) de Nicolas FINET, CHRISTOPHER et DEGREFF aux éditions Marabulles, 19,95 euros.

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La vie de Janis Joplin appartient à la légende de la musique pop américaine en raison de l'incroyable coïncidence qui fit la perte des trois J, Jimi (Hendrix), Janis (Joplin) et Jim (Morrison), trois icônes disparues en moins d'un an à l'âge de 27 ans entre 1970 et 1971...

La Bande Dessinée Love me please présente la vie de cette star à la carrière brutalement interrompue par son addiction à l'héroïne. Le portrait dessiné ne cache rien des excès de la jeune femme sans en faire pour autant une fixation. La jeune fille texane se révéla très vite en bute aux mœurs de la société américaine. Elle rencontra son destin par le chant et l'engouement rencontré par toute une frange de la jeunesse américaine, précisément de San Francisco, pour le mouvement hippie. 

Toute la force de cette histoire tient aux personnages influents qui ont croisé la route de Janis, ceux qui l'ont aidée dans sa carrière ou qui l'ont détournée. Les faits sont narrés avec précision par la voix de sa mère qui reconstitue son parcours avec une grande compassion alors que les rapports entre la mère et sa fille semblent toujours avoir été tendus. Mais la mort de Janis déclenche dans ce récit un réel et fort sentiment de regret et de gâchis. Janis avait une voix unique et fascinante que le livre ne peut évidemment faire entendre mais il exhorte le lecteur à se ruer vers les divers enregistrements qu'elle effectua avec son groupe Big brother and the holder company ou bien le Kozmic blues band

Une pléiade d'artistes reconnut immédiatement Janis Joplin comme étant des leurs et peut-être comme la plus grande d'entre eux. L'hommage qui lui est ici rendu est à la hauteur tout en étant instructif sur sa carrière, sa personnalité et son talent. Sa vie, hélas, apparaissant comme bien trop courte et, en grande partie, misérable.



Un cow-boy dans le coton

 

Un cow-boy dans le coton d'Achdé et Jul d'après Morris, éditions Lucky comics, 10.95 euros:

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Il est là, il est beau, et il se lit toujours avec autant de plaisir: le nouveau Lucky Luke est arrivé !

Notre cow-boy qui tire plus vite que son ombre a décidé de prendre des vacances pour enfin se reposer. Du moins, c'est ce qu'il croit car, quand ce n'est pas lui qui court au devant des aventures, ce sont bien les aventures qui viennent à lui, et en l'occurrence ici, le voilà devenu en un clin d’œil le richissime héritier d'une immense plantation de coton en Nouvelle-Orléans !

Il se trouve ainsi plongé malgré lui dans un univers qui lui est totalement étranger où les champs de coton sont de l'or blanc et où l'abolition de l'esclavage est encore loin d'être acceptée conduisant ainsi aux menaces de plus en plus terrifiantes du Ku Klux Klan.

Mais Lucky Luke n'a évidemment pas l'intention de rester sans rien faire alors aidé de son vieil ami Bass , shérif noir qui vient justement de ramener au pénitencier certains bandits du nom de Dalton... car oui, que serait un album de Lucky Luke sans cette joyeuse fratrie qui est toujours aussi touchante qu'amusante ! On vous laisse d'ailleurs découvrir la tête de Joe quand il entend que son ennemi juré est devenu l'homme le plus riche de Louisiane...




samedi 17 octobre 2020

Les affaires du club de la rue de Rome d'Adoré FLOUPETTE

Les affaires du club de la rue de Rome d'Adorée FLOUPETTE aux éditions La Volte, 19 euros.

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Curiosité sorti de la fin du XIXème siècle Les affaires du club de la rue de Rome confronte le monde artistique parisien gouverné par la figure de M. comme... Mallarmé aux excentricités les plus dérangeantes du monde fantastique et criminel qui sévit alors dans l'imaginaire décadent de l'époque. Les quatre affaires traitées là par d'éminentes personnalités telle La goulue, Jane Avril, Pierre Louys, Oscar Wilde, Octave Mirbeau, Gustave Moreau et quelques autres encore relèvent d'un genre littéraire précieux car les descriptions s'avèrent empreintes d'une poésie encore montée sur ses grands chevaux, les adjectifs foisonnent pour rendre les nuits de Paris interlopes et les monstres qui emportent des cadavres sur leur chemin sont inconcevables et donc fascinants. 

Qu'à cela ne tienne, nos héros soumis à l'incompréhensible s'engagent à corps perdus à la poursuite de ces phénomènes issus de l'imagination inouïe d'une personnalité des lettres si peu connue. Car qui était Adorée Floupette ? Le pseudonyme de deux auteurs, Gabriel Vicaire et Henri Beauclair, poètes satiristes confinés dans le mouvement symboliste dont Stéphane Mallarmé justement et Gustave Moreau pour la peinture furent les hérauts. Idée forte que d'inviter des guest stars du calibre d'Oscar Wilde ou d'Octave Mirbeau en détective mais les vrais personnages sont avant tout féminins, ce sont elles qui trépassent ou qui lacèrent de leurs pouvoirs énormes et ce sont elles encore à l'image de la puissante danseuse de revue Jane Avril qui mettent un terme aux agissements d'un Pierrot lunaire maléfique et ténébreux.

Amateurs de bizarre et de mystères irrésolus Les affaires du club de la rue de Rome est pour vous. Leur parfum n'est en rien éventé, ces quatre aventures se logent aisément entre Edgar Allan Poe et Robert Louis Stevenson avec certainement une bonne dose de Sheridan Le Fanu. Vous voilà avertis.

Juanalberto maître de l'univers



Juanalberto maître de l'univers tome 1 aux éditions du Canard, 18 euros.

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Cette grande saga interstellaire est tirée de l'imagination d'un créateur brésilien nommé José Roosevelt, déjà illustre et prolixe en son pays d'adoption, la Suisse, mais relativement méconnu en France. Son œuvre considérable a pour point d'orgue le cycle psychanalytique : CE, grandiose plongée dans les rêves d'un homme avec, entre autre, pour héroïne une certaine Alice, personnage assumé du Pays des merveilles

Publié aux éditions du Canard qui lui sont entièrement dévolues José Roosevelt reprend son personnage Juanalberto déjà utilisé par ailleurs (La table de Vénus et Dessinator) que l'on découvre ici Maître de l'univers, univers encore une fois rêvé et susceptible d'être entravé par des chamailleries intergalactiques. 

Le graphisme de Roosevelt est un dérivé de Peeters et Giraud (Moebius), un enchantement erotico- humoristique. Il y a quelque chose d'extrêmement douillet à observer le dessin de cette BD, le canard à tête humaine de Juanalberto en est l'archétype absolu, celui qui tendrement se préoccupe des tracas de ses créatures plus différentes les unes des autres et capables de roueries et de cruautés insoupçonnées. 

L'inconscient mis en page avec un talent virtuose promet un échappatoire à la dure réalité qui nous entoure. L'imaginaire se propose, une fois encore, comme la solution idéale, un moment à part, dénué de frontière car tout y est faux et jubilatoire.

Juanalberto nous ouvre la porte de ses rêves, ce volume 1 devrait nourrir les appétits dans l'attente des prochains que l'on souhaite nombreux.




Pompon ours et Pompons blancs

 

Pompon ours et Pompons blancs  de Benjamin Chaud, éditions Helium, 15.90 euros:

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Ce matin c'est le grand ménage avant hibernation chez Papa et Maman Ours. Pompon ours et son petit frère sont donc priés d'aller jouer ailleurs ! Mais comment occuper un petit frère ? Voilà bien le souci de Pompon ours... Cette question trouvera vite une réponse, il suffit simplement de compter sur l'énergie du petit frère qui va finalement trouver, lui, le moyen de bien occuper son grand frère ! 

Retrouvez dans ce bel album tout l'univers de Benjamin Chaud qu'on ne présente plus ! Les jeunes enfants sauront se régaler à travers les mille détails des illustrations et, foi de libraire, les plus grands se feront également prendre dans les grandes pages "cherche et trouve".

samedi 10 octobre 2020

Le dit du Mistral d'Olivier MAK-BOUCHARD


 Le dit du Mistral d'Olivier MAK-BOUCHARD aux éditions du Tripode, 19,00

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Le Luberon est le cadre exceptionnel de ce roman que l'éditeur a pris à cœur de publier. Une histoire bien simple au demeurant dont on ne soupçonne pas l'envolée lyrique et historique à venir. Olivier Mak-Bouchard qui écrit là son premier roman connait indubitablement et intimement ce coin de Provence où les oliviers poussent à partir du simple crachat d'un noyau au fond du jardin. Mais l'eau y est rare, elle est donc sacrée. 

Un homme commence par raconter la découverte inopinée de son voisin monsieur Sécaillat alors que ce dernier effectuait quelques menus travaux dans son verger. Un débris vraisemblablement très vieux accompagné d'autres de la même engeance pourraient provenir d'une époque très ancienne, gauloise finit-on par penser. Les choses n'en resteront évidemment pas là. A l'abri des regards car il ne s'agirait pas d'éventer cette nouvelle qui amènerait des experts peu précautionneux du verger de monsieur Sécaillat, les deux hommes entreprennent des fouilles plus approfondies jusqu'à découvrir une statuette au beau visage de femme et par la bouche de laquelle une eau s'avérant régénératrice va commencer à suinter. 

Le mystère doit être laissé intact au lecteur qui peu à peu va entendre diverses légendes provençales entre Ventoux et Fontaine de Vaucluse et, plus encore, une épopée fantastique qui nous ramènera à notre conteur et son savant talent de tisseur d'histoires. Nul doute qu'au terme du Dit du Mistral une transformation radicale se sera produite chez nos deux personnages accompagnés de leurs épouses. Seul le chat, un dénommé Hussard, semble avoir été épargné par les événements.

Cette escapade luberonesque est une ode merveilleuse à l'imaginaire entretenu par un adulte ayant su préserver son âme d'enfant. Olivier Mak-Bouchard a réussi son entrée littéraire.