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vendredi 22 juin 2018

Songe à la douceur de Clémentine Beauvais

Songe à la douceur de Clémentine Beauvais aux éditions Points Seuil, 7.40 euros.

Il est impossible de définir la lecture de Songe à la douceur tant elle est riche et déroutante. Réécriture de la pièce de théâtre Eugène Onéguine de Pouchkine, le roman de Clémentine Beauvais met en scène Eugène et Tatiana, deux adolescents réservés et rêveurs, qui se rencontrent dans un jardin. Le meilleur ami d'Eugène, Lensky, sort avec la sœur de Tatiana, Olga. Lensky et Olga vivent un amour fou, sans aucune retenue, comme s'il allait s'éteindre le lendemain. Eugène et Tatiana voient cet amour inconditionnel entre méfiance et jalousie. 
Si Tatiana s'accroche instantanément à Eugène, de trois ans de plus qu'elle, celui-ci se réfugie derrière ce spleen qui le caractérise. A la fois triste et solitaire, Eugène ne sait que faire de ces longues discussions avec Tatiana.
Dix ans plus tard, les voilà face à face dans le métro parisien, ligne 14, direction la bibliothèque François Mitterrand. Tatiana porte un tee-shirt de femme enceinte pour être sûre d' avoir une place assise, et Eugène va à l'enterrement d'un proche.
Enfin, se dit le lecteur, ces deux là vont vivre une histoire enflammée, refoulée des années auparavant. Mais rien n'est si simple. Ces deux-là hésitent, sont à la fois euphoriques de cette heureuse rencontre et mélancoliques d'une époque révolue, celle de l'âge d'or de l'adolescence. D'autant plus que plane sur ces années l'ombre d'un fantôme...

N'ayons pas peur des mots, l'écriture de Clémentine Beauvais est simplement géniale. Le style de l'auteur restitue à merveille les faux-pas, les envolées lyriques et les aléas de la vie. Retours à la ligne, alexandrins, phrases saccadées comme le souffle ou longues comme les pleurs, la lecture de ce texte prend le lecteur aux tripes pour le fracasser dans un nouveau monde, ou du moins dans une nouvelle manière de voir la littérature, un peu plus forte et proche de nos vies. 

Ce roman est la version poche de l'ouvrage sorti en 2016 chez Sarbacane dans la collection Exprim.




samedi 9 mars 2013

Le printemps des poètes du 9 au 24 mars 2013

Le printemps des poètes du 9 au 24 mars:

Pour cette 15ème édition, chacun est invité à murmurer ou scander haut et fort "les voix du poème"!
Si cette fête est l'occasion de mettre à l'honneur Pablo Neruda cette année, elle permet aussi de découvrir ou redécouvrir bien d'autres poètes.
Réjouissons-nous, la poésie est vivante! Et si Baudelaire, Aragon ou Blake demeurent, d'autres voix continuent de s'élever, chacune à son rythme, chacune avec sa musique.

Durant cette quinzaine de jours, nous vous proposons de venir feuilleter quelques pages à la librairie et de trouver ainsi quel poète sommeille en vous!

Pour plus de renseignements sur cette manifestation: http://www.printempsdespoetes.com/

samedi 10 mars 2012

Thierry ACOT-MIRANDE présente le poète portugais Herberto HELDER

Le poème continu d'Herberto HELDER, Poésie Gallimard, 7,90 euros.


On n’entre pas à moitié dans les poèmes de Helder. On le fait de la tête et des épaules, du sexe et des jambes, il y faut un don absolu de soi, celui que requiert un escarpement à franchir, car au début on y ressent fortement l’inconfort de cette syntaxe sillonnée d’arcs
électriques aussi bien que de souffles nocturnes glacés.

Le corps, un temps, résiste. Puis, surmontées les concrétions de langage, on découvre de l’animé innommé, et quand s’ouvrent ses vers parfois de totale obscurité, on y chemine en respirant la nuit vaste au dedans.

Les rêves sont aussi réels, aussi vrais que la vie, mais la vie ne l’est pas plus que les rêves. Il y a indifférence totale dans le spectral. S’éveiller ou s’endormir n’apportent, n’enlèvent rien. Ce n’est plus un être vivant qui passe d’un état à l’autre, ce sont ses visions qui, indifféremment, le traversent comme elles passent le prisme
qui les divise et les étale, comme elles franchissent les frontières abolies du jour et de la nuit.
Ce que suggère assez cet art particulier de la variation où n’est jamais varié que l’accidentel, pour souligner sans doute que l’essentiel même n’est qu’accident. En apparence l’être de l’homme.

Désormais on est en mouvement, on est entré dans le mouvement d’un poète qui, peut-être comme Michaux, écrit pour se parcourir, et, qui le fait notamment en se tenant au plus près des phénomènes mobiles ; le temps, les minéraux, la course de la lumière.



"Le regard est une pensée.
Tout fond sur tout, et ce tout, j’en suis l’image.
Retourné le jour montre ses brûlures,
la lumière chancelle,
la beauté est une menace.
- Je ne puis écrire plus haut.
Intérieures, se transmettent les formes."

(Le poème continu)


"Je voulais toucher la tête d’un léopard fou, son luxe
maxillaire. Sentir mes doigts devenir
de granit. Sentir le fascinant
remous de poil
bas ravir furieusement mes cinq doigts.
Comme cinq boules de granit.
Une étoile voltaïque.
L’avaler. Et sentir soudain toute cette pourpre nocturne
me pénétrer, de la main à la face.
Ou une blessure qui m’emportât une jambe puis l’autre.
Sentir entrer en moi
la fable de la démence et de l’élégance
animale. Je sais que le sang me ponctue, et je tressaille
par tous mes pores
avec la sueur de tout cet or qui m’empoisonne."


(Le poème continu)




"Des ongles aux étincelles dans les cheveux. Si la planche
ployait et que le galbe, lentement mesuré,
de soie, l’arc de bas marbre lumineux,
fût le trait d’union d’un pôle
à un autre, points
d’une force terrestre
redoutable. L’espace entre deux noms :
moi et le monde, monde et poème, poème et naissance.
Ou la mort, substantif qui rayonne.
La ligne verbale qui luit sous les doigts,
toute-puissante dans le monde du marbre à coudre les
organes
de la phrase charnelle.
Il me fut donné une fois, le don, et je ne sais plus.
Lieu qui fait écho à un autre sur le papier, je ne sais pas.
Sa raucité lorsqu’il était frappé par le souffle de Dieu,
qui s’écrivait ainsi : le sanglot.
Mort, ici, en un poème, derrière, devant,
mort avec sa musique."


(Le poème continu)
Traduction de Magali Montagné et Max de Carvalho.


De son vrai nom, Luis Bernardes de Oliveira, Herberto Helder est né à Funchal (île de Madère) le 13 novembre 1930. Après des études de Droits puis de Philosophie à l'université de Lisbonne entre 1953 et 1955, il publie son premier recueil en 1958, le très remarquable L'amour en visite.
De 1959 à 1961, il part en exil dans le nord de l’Europe pour échapper au régime dictatorial de Salazar. A son retour au Portugal, il travaille comme journaliste dans la presse écrite ainsi qu’à la radio et à la télévision. Au début des années soixante-dix, il découvre l’Afrique à l’occasion du conflit d’Angola, où il effectue des
reportages.
Considéré comme l’un des poètes majeurs de la deuxième moitié du vingtième siècle, il vit actuellement à Lisbonne, loin des feux des médias et des honneurs qu’il refuse (le prix Fernando Pessoa).
Son deuxième recueil, La cuiller dans la bouche  (1961), rassemble des poèmes écrits entre 1953 et 1960. En 1963, Herberto Helder publie un livre de proses et de nouvelles  Les pas en ronds.  En 1979 paraît la première édition de Photomaton & Vox, une écriture poétique en prose alternée avec dix poèmes en vers.
Son livre le plus récent est Le poème continu  (2001).

Thierry ACOT-MIRANDE