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vendredi 7 décembre 2018

Au royaume des insoumis de Pascal Manoukian

Au royaume des insoumis de Pascal Manoukian aux éditions Erick Bonnier, 15 euros.

"Il est des conflits qui enfantent une génération de journalistes. L'invasion de l'Afghanistan par les troupes soviétiques a été de ceux-là. Elle a bouleversé ma vie, m'a chevillé l'envie de témoigner au corps. J'ai tout aimé, tout de suite. Le bon et le mauvais."

Par cette phrase Pascal Manoukian introduit parfaitement ce que sera ce carnet de reportage, retraçant son expérience en Afghanistan de 1979 à 1989. Un récit "à vif" illustré de photos prises "sur le vif" qui rendent un témoignage unique sur ce conflit. Unique même si, comme il le dit, toute une génération de journalistes s'est emparée du conflit. Pascal Manoukian a quant à lui été un des premiers sur le terrain, en première ligne pour assister à l'invasion soviétique.
Il montre que le conflit en Afghanistan a avant tout été une guerre d'armes, les insurgés s'étant en effet petit à petit approvisionnés en munitions performantes grâce aux pays les soutenant. Auprès des insurgés, il est témoin de cette organisation et cette stratégie pour lutter contre les Russes, les Afghans étant depuis toujours un peuple qui ne se laisse jamais envahir, qui a toujours réussi dans son histoire à faire barrage à toute forme de prise de pouvoir par les pays étrangers. 
Malgré les épreuves que va traverser Pascal Manoukian, il se sait "au bon endroit, au bon moment". Et à sa place pour dénoncer les horreurs et absurdités auxquelles il assiste, soulignant la responsabilité des États-Unis dans la naissance des groupuscules terroristes, et ce avant que le 11 septembre 2001 ne se retourne contre eux.
Les photos qui accompagnent le récit sont donc celles de ces "insoumis", que l'auteur a prises avec un argentique, donnant aux clichés une spontanéité et une urgence, essentielles pour rendre compte de ce conflit majeur de cette fin de XXe siècle.

Pascal Manoukian lui-même sera présent parmi nous mercredi 12 décembre à 18 heures, à l'hôtel Ville d'Hiver, pour partager avec ses lecteurs cette expérience passionnante de reporter de guerre et d'écrivain.
Et il nous parlera bien sûr également de son dernier roman paru aux éditions Seuil Le paradoxe d'Anderson qui fut un des livres incontournables de cette rentrée littéraire et pour lequel nous avions déjà eu un coup de cœur que vous pourrez retrouver ici .



samedi 23 juillet 2016

Minuit au Pera Palace de Charles KING

Minuit au Pera Palace de Charles KING aux éditions Payot, 25 euros

Le saviez-vous ? Ce n’est qu’en 1925 que la Turquie se mit à l’heure européenne et fêta le nouvel an à minuit. La photo un peu loufoque, qui orne la couverture du livre, témoigne des fêtes qui se déroulèrent au coeur des années folles notamment au Pera Palace, un de ses hôtels les plus symboliques. 

Au-delà de l’histoire de cet édifice mondain et luxueux que permit l’extension du chemin de fer qui entraina de ce fait l’arrivée des wagons Pullman et de l’Orient Express, Charles King  nous instruit des évènements considérables qui débouchèrent sur la naissance de la Turquie moderne. Le virage décisif pris à la fin de la Première Guerre Mondiale amorça la chute du dernier des sultans ottomans. La république turque s’instaura et le premier président de l’état turc advint: Mustapha kemal dit Ataturk.  

Cependant, ce n’est pas un cours magistral que nous administre Charles King mais une succession voire une accumulation de portraits d’hommes et de femmes plus ou moins  illustres qui participèrent à l’édification de ce bouleversement radical qui s’opéra en Turquie en ces années où le Pera Palace brillait de mille feux. 


Le cosmopolitisme qui s’invita au coeur d’Istanbul joua alors une partition fascinante composée d’acteurs souvent méconnus et dont la part romanesque et aventureuse se révéla bien plus palpitante que celle de personnages plus familiers convoqués malgré tout car ils marquèrent eux aussi Istanbul de leur empreinte. Ainsi Nazim Hikmet, Ernest Hemingway, John Dos Passos, Agatha Christie ou encore Léon Trotski sont supplantés par Halide Edip la première féministe turque qui avec son mari Adnan accéda aux plus hautes instances du pouvoir politique derrière Mustapha Kemal, bien entendu. Mais encore, l’élection de l'une des premières Miss Turquie, Kerman Halis, est un délectable épisode que Charles King nous conte avec un sens romanesque épatant. 

Enfin et surtout, c’est la vie et l’oeuvre de l’américain Thomas Whittemore qui, patriotisme oblige, offre le plus beau et le plus légitimes des portraits dès lors que Charles King, écrivant-là ses plus belles pages,  évoque les travaux de restauration opérés en 1931 sur les mosaïques byzantines d’Hagia Sophia, le chef d’oeuvre chrétien transmué en lieu saint musulman avant d’être reconverti en musée. 

Ce chapitre essentiel est un superbe éclairage sur la complexité stambouliote. Bien plus que son positionnement stratégique à l’entrée du Bosphore, son revirement religieux nous renvoie aux premiers siècles de notre civilisation et octroie à cette capitale du monde qu’elle partage avec quelques autres, une importance fondamentale que le moindre soubresaut alerte car il s’agit d’un lieu comparable à nul autre.

Ce livre reconnu aux Etats-Unis comme l'un des meilleurs livres de l'année en 2014 a obtenu le prix du voyage urbain 2016 crée par le Figaro magazine et The Peninsula Paris.