vendredi 24 janvier 2020

La Bande-Dessinée à l'honneur! Payer la terre « Redonner à la nature ce que la nature nous a donné » de Joe SACCO

Payer la terre « Redonner à la nature ce que la nature nous a donné » de Joe SACCO aux éditions Futuropolis & XXI
Aller à la rencontre la rencontre des premières nations des territoires du nord-ouest canadien est l’autre façon d’appréhender ce volumineux reportage traité sous la forme de Bande-Dessinée par un des maîtres du genre déjà reconnu avec, entre autres, Gaza 1956, The fixer, Une histoire de Sarajevo et La Grande Guerre : le premier jour de la bataille de la Somme.

Cette histoire du peuple autochtone Dene peut intéresser un public impliqué dans l’écologie si tant est qu’il soit averti du problème central des ressources terrestres et de ce qu’elles ont précipité d’un point de vue humain, c’est à dire culturel.

Les Dene ont toujours habité ce lieu excentré des terres du nord-ouest du Canada où les températures avoisinent celles de la Sibérie. Peuple chasseur, piégeur, pêcheur, les Dene sont des hommes et des femmes de la forêt, autonomes, isolés et cependant parfaitement acclimatés à leurs rudes conditions d’existence. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si le gouvernement arriviste blanc n’avait considéré ces terres éloignées comme détentrices de richesses qu’il se devait d’exploiter. Gaz, pétrole et pourquoi pas or ont amené les colons à investir non seulement les lieux mais aussi à forcer les Dene et d’autres peuplades autochtones à se plier à la civilisation blanche, à leur langue et bien sûr leur religion. 

Joe Sacco est venu et a interrogé une foule de personnes témoins de ce qui s’est produit sur ces terres. C’est donc un recueil que Joe Sacco a scrupuleusement retranscrit tout en dessinant les intervenants comme une procession qui amplifie au fur et à mesure la complexité d’une situation à première vue désastreuse. 

C’est au fond d’une mine que Joe Sacco émet un avis - son analyse est rare -  à plusieurs centaines de mètres sous terre, parce qu’on a voulu lui montrer comment, de l’extraction de l’or, il faut traiter de la poussière de trioxyde de diarsenic, substance mortelle même à très petites doses que l’on stocke (237 000 tonnes !) sur le site même de la mine. Une sorte de conclusion lui traverse l’esprit : 

« Je suis venu dans les territoires du Nord-Ouest pour rencontrer les Dene, qui ont de par leurs traditions, une perception de leur place dans la nature plus éloignée de moi que tout ce que j’avais pu connaître jusqu’alors. J’en ai appris un peu sur eux, mais surtout dans les domaines où leurs vies et nos besoins se recoupent. Je repartirai avec de nombreuses questions sans réponses au sujet de mes hôtes autochtones, mais pour l’instant, à plusieurs centaines de pieds sous terre, après que l’on m’a longuement vanté les merveilles technologiques de l’assainissement, ma principale interrogation porte sur mon espèce, sur nous. Quelle est la vision du monde d’un peuple qui ne murmure ni remerciements ni prières, qui extrait tout ce qu’il veut de la terre, et paie ses dettes avec de l’arsenic? »





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