Avant que j'oublie d' Anne Pauly, éditions Verdier, 14 euros
Il y a deux raisons qui nous poussent à ouvrir un livre dont le sujet peut paraître difficile, osé, voire pour certains, insurmontable.
La première, c'est que nous avons vécu, de près ou de loin, le même évènement que le personnage principal, et nous voulons avoir son interprétation, le regard de l'auteur comme une sorte de miroir de notre vie.
La seconde, et c'est sur celle-là que nous nous rejoindrons tous, c'est parce que nous croyons au pouvoir infini de la littérature de nous emmener sur des terrains glissants dont l'issue est salvatrice.
Anne Pauly, dans un texte court de 130 pages, parvient à nous inclure dans son deuil sans nous y enfermer. Elle décrit avec simplicité le jour d'après la mort de son père, puis les suivants. Pour comprendre ses émotions, nous replongeons dans la vie de cette maison en région parisienne, à Carrières-sous-Poissy, où son père a accumulé un nombre incommensurable d'objets du quotidien, bibelots, cadres, listes, etc.
Au lendemain de sa mort, Anne gère l'urgence, "ce qu'il faut faire", les appels, les actes de décès, la préparation de la cérémonie. Puis vient le temps du questionnement: qui est ce père qui peut aussi bien paraître violent que fervent lecteur de spiritualité zen? A travers les livres de sa bibliothèque, Anne retrace son histoire et son ascension sociale, lui qui était issu d'un monde ouvrier et parvenu à gravir des échelons pour trouver le confort d'un travail en informatique.
Elle retrace en même temps son histoire à elle tout en portant un regard juste et respectueux sur ses parents, désirant avant tout comprendre ce qui reste de lui. C'est en creusant qu'elle trouvera une réponse correspondant à ses attentes, grâce à une amie d'enfance de son père dont le point de vue va la bouleverser, de même qu'elle nous touchera nous, à mesure que l'on découvre le contenu d'une lettre qu'elle lui envoie.
Que reste t-il des personnes qui partent? Le plus fondamental, c'est la trace qu'ils laissent en nous. On peut, comme le titre de ce roman l'indique, oublier les détails, les objets, mais jamais ce que ces personnes ont fait de nous. Avant que j'oublie est un témoignage puissant, libérateur et paradoxalement teinté d'une belle légèreté, sur le pouvoir des mots après le départ de ceux qui les ont prononcés.
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