Un chien sur la route de Pavel VILIKOVSKY aux éditions Phébus, 19 euros.
Un voyage au pays de Thomas Bernhard est entrepris par l’auteur là où l’homme de lettres autrichien séjourna et trouva paraît-il sa vocation d’écrivain : « quand on regarde sans arrêt cette montagne on ne peut que devenir fou, ou se mettre à écrire ».
L’auteur se retrouve en face de plusieurs montagnes sans parvenir à choisir celle qui poussa Bernhard à écrire.
Est-ce vraiment important quand on finit par énoncer : « parmi les écrivains que je n’aime pas, Thomas Bernhard est mon favori » ?
Cette entrée en matière pleine d’ambivalences se confirme au moment où le voyageur rencontre une jeune femme qui croit détecter - lorsqu’il s’exprime en allemand - qu’il est slovène ou bien croate. Or, il est slovaque. Le prétexte « Thomas Bernhard » alors s’évapore et l’identité slovaque surgit.
La jeune femme tombe sous le charme de ce sexagénaire instruit, avec de l’esprit et beaucoup d’idées sur beaucoup de choses surtout lorsqu'il s'exprime sur la nation slovaque. Le portrait de cette jeune nation s’élabore en parallèle avec la romance que se décide à vivre la jeune femme nommée Margarethe rebaptisée Gretka par notre homme.
Une des plus belles scènes d’amour jamais lu depuis longtemps sert de point d’orgue au roman avant que ne s’ensuive une longue farce réunissant trois slovaques (dont le narrateur qui s’avère être un éditeur accompagné de deux de ses auteurs).
Les dessous de ce monde littéraire vivotant sont marqués d’une profonde désillusion. L’érudition de l’éditeur passionné par la vie et l’œuvre d'auteurs américains (Hemingway, Fitzgerald, Faulkner, Wolfe, Saroyan) fait feu de tout bois. Ses citations dont il n’est (nous fait-il croire) jamais sûr, sont un panel de considérations philosophiques qui s’adressent, à chaque fois ou presque, aux slovaques (et par conséquent à nous-même, non-slovaques que nous sommes).
Mais la fin du livre opère un retour vers Margarethe et la capitale autrichienne Vienne où l’on a soit-disant la meilleure « qualité de vie ».
C’est une fin poignante à laquelle on assiste. Le narrateur lutte pour ne pas se décomposer en présence de l’inexorable.
Lorsqu’il rejoint enfin son "chez lui", Bratislava, une nouvelle annoncée à la radio clôt le livre sans finir de ne nous déconcerter : « Avertissement aux conducteurs. Au kilomètre vingt-sept de l’autoroute D1 entre Bratislava et Trnava un chien fou sur la route. Soyez vigilants ».
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