La transparence du temps de Leonardo PADURA aux éditions Métailié, 23 euros.
L'extraordinaire sensation d'être au cœur de La Havane est le prodige rendu depuis plusieurs livres par Leonardo Padura. Sa créature dénommée Mario Conde y est en évolution constante au même titre que son créateur - lesquels partagent le même âge et sans doute le même caractère.
La transparence du temps peut être formulée comme une odyssée spatio-temporelle avec pour motif la disparition d'une statue de la vierge que Mario Conde s'est engagé à retrouver au nom d'une vieille amitié. D'ailleurs les réapparitions sont fréquentes dans cette histoire partagée entre La Havane omniprésente et des temps reculés qui correspondent au moyen-âge, du côté des Pyrénées catalanes et de Saint-jean d'Acre alors détenue et pour peu de temps encore par les croisés chrétiens avant qu'elle ne soit reprise au prix d'une bataille sanglante par les musulmans.
C'est donc une double lecture qui s'opère tout au long des quatre cent pages que propose ce roman foisonnant. Mario Conde, ancien policier, opère dans sa bonne ville à la recherche de celui ou de celle qui a dérobé la reproduction de la vierge qui est soi-disante faiseuse de miracles. Est-ce son ancienneté et donc sa rareté qui a pu attirer les convoitises ou bien son pouvoir ? Mario Conde navigue à vue accompagné de ses amis. Ces "vieux" cubains représentants d'une manière de vivre et de penser confrontés aux bouleversements économiques de La Havane sont chargés de désillusions et de regrets sur le temps passé et les occasions manquées. L'un deux ne s'apprête t-il pas à partir pour connaître enfin les États-Unis ? Il souhaite y rejoindre un membre de sa famille et savoir s'il se plaira ou non là-bas.
La condition cubaine que retranscrit Leonardo Padura se situe peu avant la reprise historique en 2014 des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis. Le roman côtoie d'un côté une misère croissante consécutive à la crise alimentaire de 2008, de l'autre l'enrichissement d'une minorité grâce à divers trafics, notamment d’œuvres d'art cubaines, avec les pays étrangers, États-Unis en tête.
La transparence du temps, bien qu'il soit rappelé qu'elle fait œuvre de fiction, est une éclairante histoire sur le peuple cubain teintée d'humour et de mélancolie. Leonardo Padura est à La Havane ce qu'à pu être Jorge Amado pour Salvador de Bahia tout en ayant retenu les leçons narratives du réalisme magique de Gabriel Garcia Marquez, de Juan Rulfo et de son compatriote Alejo Carpentier.
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