Après Constantinople de Sophie VAN DER LINDEN aux éditions Gallimard, 15 euros.
Le résumé d’Après Constantinople confié par l’éditeur en quatrième de couverture indique que l’action de ce roman se déroule au début du XIXème siècle. Or, à sa lecture, rien ne l’indique véritablement et cela ajoute au mystère continu de cette étrange histoire se déroulant aux confins d’un royaume appartenant encore aux Ottomans donc à Constantinople.
Un voyageur français, peintre de son état, termine un périple mené avec d’autres condisciples férus de cet Orient qui allait jusqu’en Egypte et qu’entreprenaient maints artistes que l’on situerait alors dans le mouvement romantique. Ce voyageur déserte la colonie occidentale qui le ramène en Europe pour se rendre dans une contrée où il sait se trouver un domaine artisanal fabriquant de parfaits exemplaires de fustanelles, costume traditionnel et d’apparat pour les hommes des Balkans.
Cet écart du voyageur l’éloigne considérablement des routes habituelles et lui fait atteindre un domaine niché dans les montagnes gréco-albanaises. Là, il est accueilli par la maîtresse des lieux, intendante de la production des habits dont la blancheur éclatante n’a pas d’égale. Se procurer quelques exemplaires de ces incomparables fustanelles est le but du peintre qui, en échange, doit rendre quelques tableaux de sa composition. Un tableau valant une fustanelle, tel est le marché conclu.
Cette histoire déroutante est, comme le dit le narrateur invisible du roman, une joute courtoise entre deux tempéraments en quête d’apprivoisement. L’intendante est un mystère en soi de par ses origines africaines, le peintre, un être tourmenté peu enclin à subir les comportements énigmatiques de ses hôtes.
Sophie Van Der Linden, dont nous avions beaucoup aimé De terre et de mer qui vient de paraître en poche, amplifie son expertise géographique en promenant son lecteur en des contrées totalement inédites sans renoncer à offrir une étude psychologique de ses personnages proche de l’envoûtement.
Il y a, en effet, une forme de magie qui opère dans son récit, une échappée dans le temps et l’espace qui sert son intrigue d’une façon réellement originale.
A l’heure où le roman peine à nous emmener hors la réalité et le vécu autofictif, Sophie Van Der Linden est comme une bouffée d’oxygène salvatrice, son sens romanesque est merveilleusement abouti, chaque page est une preuve exaltante du pouvoir de l’imagination que l’on voit ici mené à bien et en peu de pages, ce qui est encore une exception.
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