L'arabe du furur, une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984) de Riad Sattouf, éditions Allary, 20.90 euros
Cet Arabe du futur, titre du jouissif album de Riad Sattouf, est
extrait d'une des tirades finales de l'album édicté par le père
Sattouf, star incontestable de cette histoire autobiographique.
Mais commençons par le début, nous sommes au coeur des années soixante-dix, un étudiant syrien drague sans vergogne deux copines de la fac. Ils étudient à Paris. Riad Sattouf n'est bien évidemment pas encore né mais il tire déjà le portrait de ses futurs parents. Lui est typé, cheveux crépus rassemblés en un petit nuage noir sur la tête, nez proéminent, bouche légèrement lippue qui délivre un discours énervant scandé par quelques silences symbolisant un stress certain qui aboutit en règle générale par un rire défensif et déconcertant. Ce Sattouf-là, futur géniteur est une caricature de l'intellectuel politisé sauf que le contexte des années soixante-dix était politique à outrance (cqfd).
Le bagout de ce jeune potentiellement révolutionnaire lui permet nonobstant de séduire l'une des deux copines (pas forcément celle qu'il avait choisie), une française blonde d'origine bretonne qui accouchera d'un beau bébé blondinet, Riad Sattouf lui-même.
Le dessin plutôt simpliste de Sattouf s'oblige à montrer l'essentiel, nous sommes effectivement orientés par le regard d'un tout petit enfant qui évoque ses souvenirs. Mais il n'est qu'un spectateur passif. Les commentaires "off" d'un Riad Sattouf auteur et désormais adulte réorientent les propos retenus ou inventés par l'enfant. Il y a donc un double discours, celui des événements vécus tel quel et rapportés/dessinés et un commentaire ajusté quarante ans plus tard.
Ainsi, l'arrivée en Libye chez le jeune et nouveau conquérant-dictateur Khadafi est une carte postale inédite d'une révolution (communiste) en marche. Le père de Sattouf en arabe instruit soutient cette révolution et vient y faire ses premières armes de professeur d'université. Riad Sattouf et sa mère découvrent pendant ce temps un pays tout neuf dont Riad ne retient qu'odeurs et couleurs.
La même chose se reproduit à peu près mais cette en fois en Syrie où le père (un vrai petit dictateur en puissance) amène sa famille dans son pays natal, chez sa famille, dans son village..
Là, le constat est beaucoup plus dur, la Syrie est gouvernée par Hafez el Assad (le père de Bachar) et l'emprise soviétique est plus forte. Il manque de tout, la saleté règne, l'auto-célébration du régime est omniprésente dans les grandes villes (la famille s'installe près de Homs) enfin et surtout l'intégration dans le village est impossible. Riad affronte les premiers rejets très violents des autres enfants. Sa blondeur le fait passer pour un juif et la haine d'Israël est (déjà) au maximum.
Heureusement, toutes ces mésaventures sont passées au crible de l'humour, telle est la force majeure de cette BD. L'aveuglement plus ou moins réel du père, la violence permanente des autres enfants (prenant exemple sur les adultes), la pauvreté absolue du pays et les mœurs étranges qui s'y perpétuent livrent un portrait désastreux de la Syrie au point qu'un retour en France s'organise précipitamment suite à un incident épouvantable avec un jeune chien.
De ce premier épisode d'une autobiographie (insistons bien) absolument passionnante, on peut s'impatienter ou s’inquiéter de la suite qui paraîtra, espérons-le bientôt. Le petit Riad, en effet s'apprête à retourner en Syrie où il est attendu à l'école...
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