Adèle et moi est un voyage à Saint Pair dans la Manche où l’on s’éprend de la luminosité et de l’aspect changeant du paysage au gré des marées et de la course des nuages. Ce lieu qui est vécu en profondeur par la narratrice, correspond à une maison habitée essentiellement l’été depuis 1871 par une famille bourgeoise dont la figure tutélaire se nomme Adèle qui est l’arrière grand-mère de l’auteur.
De ce récit dont on ne sait s’il s’articule comme un roman ou un essai, se dégage une enquête qui remonte le temps, la maison de Saint-Pair représentant un ilot protecteur laissé en héritage par le père d’Adèle. Celui-ci, en effet, est mort dans les Landes lors d’une partie de chasse, précipitant la jeune Adèle dans des responsabilités que lui incombe la fortune laissé par son père.
Julie Wolkenstein dissèque les enjeux de cette vie bourgeoise, elle en décrypte les codes tout au long d’une période qui s’apparente à celle de Marcel Proust ou d’Henry James (l’auteur peut en revendiquer uneappartenance littéraire de par son étude publiée en 2000 sous le titre de La Scène européenne : Henry James et le romanesque en question aux éditions Honoré Champion).
Mais cette vaste entreprise (romanesque ?) familiale qui s’étend sur 600 pages est aussi une traversée minutieuse de l’intimité féminine, de son imaginaire, de ses fantasmes que Julie Wolkenstein incorpore à sa propre vie située à l’extrémité d’une lignée dont elle consigne les évènements.
La réussite de l’ouvrage tient à ces aléas familiaux caractérisés par une époque dont le charme vaut par le sentiment désuet qu’elle procure. Les morts et les naissances se succèdent et si parfois on se perd en route, de nombreuses réjouissances nous réconcilient à la multitude des personnages. Seule la fin déroute, l’acrobatie mentale de l’auteur voulant rétablir le pouvoir de la fiction, affaiblit l’ambition du projet. Cette pirouette n’annule pas heureusement tous les plaisirs rencontrés sur la côte normande à la recherche du rayon vert.
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