Comme un empire dans un empire d’Alice ZENITER aux éditions Flammarion, 21 Euros.
Deux romans parus en cette rentrée littéraire incluent la puissance des réseaux sociaux et emmènent leur personnage dans des confins nocifs fréquentés par les hackers (pour Alice Zeniter) et les traqueurs de terroristes (pour Ann Scott).
Notre société est secouée désormais par ces activités qui aboutissent dans ces deux livres à une lutte sans merci entre des forces obscures luttant, selon leur idée, pour le bien.
Alice Zeniter dotée d’une capacité romanesque renouvelable à volonté invente un personnage féminin, nommée L., issue de cette génération Z ayant grandi avec Internet.
L. est connue à Paris comme une femme initiée à l’informatique. Elle alloue ses services à une myriade d’usagers d’ordinateurs. Moins su, L. est aussi la compagne d’un hacker qui vient malheureusement d’être appréhendé par la police à la suite de l’attaque informatique d’un site de paiement en ligne (Paypal) qui s’est retourné contre lui. L., désemparée, entame une traversée d’angoisses qui l’éjecte de fait d'un monde dans lequel elle se lovait jusque-là en toute inconscience.
Mais le roman suit aussi un autre personnage, masculin, en proie à d’autres questions toutes autant existentielles. Antoine, de la même génération que L., a tracé sa voie dans le monde de la politique. Il est l’assistant d’un député socialiste à l’heure où le mouvement des gilets jaunes occupe tous les esprits. Antoine rédige pour son employeur des textes qui ne sont pour lui que des occupations mineures en comparaison avec ses ambitions littéraires. Celles-ci se traduisent à ce moment-là par le début d’un grand roman sur la guerre d’Espagne et la figure de la photographe Gerda Taro.
L. et Antoine forment un duo à défaut d’un couple d’où émane un malaise qui siège dans le corps comme dans les âmes. L. se distingue par son physique : une grande fille mince et incertaine quant au désir qu’elle suscite. Un voyage - une fuite - en Bretagne lui servira de révélation. Antoine aura, quant à lui, servi de bouée de sauvetage dont L. se sera servie de tout son corps qui partait justement à la dérive.
Alice Zeniter avec ce grand roman d’incertitudes cerne deux beaux personnages dans une époque que l’on a, semble t-il, pas encore tout à fait comprise.
Alice ZENITER
Ann Scott d’une façon plus noire et plus acerbe fait surgir Chris, jeune garçon d’une vingtaine d’années, dernier enfant d’une famille atypique dont la mère fut mariée à un américain. Ces derniers vivent désormais séparés mais ont appartenu à l’élite intellectuelle, politiquement engagée des années soixante et soixante-dix.
Chris est également le cadet de deux sœurs qui sont régulièrement envoyées aux quatre coins du monde de par leur profession. L’une est photographe, l’autre journaliste, toutes deux spécialisées dans la couverture d'évènements où les zones de turbulences voire de guerres sont fréquentes.
Chris, lui, se morfond dans un grand appartement parisien. Depuis cet endroit vaste mais dépouillé, il surfe dans le tréfonds des réseaux sociaux tels Facebook et Tweeter ou d’autres plus secrets à la recherche de ceux qui promulguent Daesh et incitent à perpétrer des attentats.
Autant dire que Chris s’enfonce dans un état dépressif à mesure qu’ils comprend l’extrême sauvagerie des êtres qu’il surveille. Chris est un bénévole qui correspond avec quelques autres qui, comme lui, anonymement, envoient des informations aux autorités dès lors que la suspicion devient trop évidente.
En réponse et par séquence, Ann Scott dresse un portrait de la famille de Chris, son histoire et les activités extrêmes qui la motive.
La prose d’Ann Scott plus rugueuse que l’écriture lissée d’Alice Zeniter convoque régulièrement l'univers de la musique rock ressentie comme un espace de délivrance que Chris a toujours souhaité suivre.
Une attitude qui cherche une fois encore les limites et nous abreuve de références. La grâce se serait nichée à cet endroit, dans cette part artistique où Chris aurait voulu vivre mais qui ne constitue pas pour autant un rempart aux ténèbres dans lesquelles il s'est immergé mais seulement un échappatoire.
Au final Chris renonce à ce pour quoi il ne se sent pas fait. Il se débarrasse de toute l'armada de documents qu'il a collectée sur la toile, considérant son combat comme vain et auto-destructeur. Le lecteur sort à son tour sort de ce livre étourdi d’informations dont il ne saura certainement quoi faire.
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