Castelmaure de Lewis Trondheim et Alfred aux éditions Delcourt, 18,95 Euros.
Un conte, tout naturellement, fidèle à ceux que l’on se transmettait au Moyen-age. Quels étaient ceux qui ramenaient les histoires et comment se les procuraient t-ils ?
Tel est à peu près le raisonnement des deux auteurs dont le prolifique Lewis Trondheim grand contributeur de la série Donjon (1) qui ravit encore les fans de la première comme de la dernière heure.
L’esprit Donjon n’est d’ailleurs pas très loin de Castelmaure, il se tient en embuscade garant de tout excès de sérieux que pourrait prendre l’histoire où pourtant une dramaturgie est à l’œuvre, ne serait-ce que dans la malédiction qui peu à peu se révèle autour de la figure du roi Eric et de son royaume.
Notons la beauté du dessin qu’a inspiré Alfred, une ligne claire que l’on apprécia déjà avec le « primé » Come Prima (2) et plus récemment avec Senso, déclaration finale de son amour pour l’Italie.
Castelmaure suscite d'ailleurs quelques paysages d’allure méditerranéenne mais l’enceinte du château situé sur une île rocheuse à l’écart de la ville nous expédie plus sûrement vers des contrées bien plus houleuses, à l'image de la destinée de ce roi dont l’histoire relève bien d'un conte à ranger aux côtés de Cendrillon ou de la Belle au bois dormant, une place de choix étant réservée à la sorcellerie et aux sorcières que l’on sait très à la mode.
Mais le propos de Castelmaure tient bien dans cette narration fuyante où les secrets se succèdent, les paroles s’échangent et s’accommodent pour en construire une épopée ou une légende. Ce sont ainsi les ficelles du conteur qui s’exposent, l’arrangement que nécessite une bonne histoire au mépris d’une morale ou d’une fin que le lecteur jugerait fade. C’est donc bien au lecteur que l’on parle, qu’il faut surprendre, choquer, distraire en lui envoyant des messages terribles en accord avec ses attentes.
Castelmaure joue ainsi avec les codes narratifs attendus dont se repait Lewis Trondheim. Tout semble surjoué et l’expressivité du dessin d’Alfred en corrobore le propos. Les contes et les légendes ont nourri le théâtre, la poésie, les romans, le cinéma… ils nous ensorcèlent et nous fascinent mais ils ne sont pas reliés au réel. Il faut des conteurs pour les mettre en scène, des fabricants d’histoires car tout cela est un spectacle, une distraction pour les longues soirées d’été ou d’hiver, peu importe.
(1) Crée par Lewis Trondheim et Johan Sfar en 1998, Donjon s'inspire - en le parodiant - du jeu de rôle Donjon et Dragons. 42 albums ont été publié à ce jour aux éditions Delcourt avec de multiples contributions dont Alfred.
(2) Fauve d’or 2014 du festival international de BD d’Angoulême
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire