Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie OTSUKA aux éditions Phébus, 15,00 euros.
Écoutez-les ! aurait pu dire Nathalie Sarraute car elles sont multiples, elles grouillent…
Il s’agit des paroles de celles qui, en vrai, n’ont certainement
pas pu la prendre, de celles qui, arrivées par bateau depuis leur Japon
natal, …n’avaient jamais vu la mer.
C’étaient des adolescentes qui rejoignaient leur mari qu’elles
n’avaient jamais vu sinon par photos à condition que celles-ci
correspondent bien à celui qui les attendait.
Leurs interrogations, leurs secrets, leurs espoirs, leurs
désillusions… sont consciencieusement rapportés par la grâce de
l’écriture de Julie Otsuka, elle-même aiguillée par une masse de
documents répertoriés à la fin du livre.
On imagine aisément les liens unissant l’auteur à cette communauté
qui s’expatria aux États-Unis au début du XXème siècle et qui s’implanta
sur la côte de l’océan Pacifique avant que le conflit avec le Japon ne
la rende suspecte et la déplace mystérieusement dans des camps.
Au dernier chapitre, Julie Otsuka donne voix aux américains pour exprimer la perte et le vide social laissés par les japonnais.
Ce roman aurait pu être moralisateur, ce sujet méconnu de
la Seconde Guerre mondiale s’y prêtait grandement mais, bien au
contraire, il se révèle vivifiant, parsemé d’instantanés souvent
jubilatoires et compose avec le mode de vie des immigrés vu par leur femmes. Certes la dureté de l’existence transparait comme une
évidence mais au même titre que la ténacité et la valeur du travail des
japonais confrontés au modèle américain dont le racisme à cette
époque est une nouvelle fois manifeste.
Tout paraît vrai dans ces vies anonymes perturbées par les
mouvements de l’Histoire. Julie Otsuka a réussi à la perfection son
travail de broderie. Son tableau, riche et varié, représente l’esprit
toujours vivant d’une communauté qui eut le tort d’être au mauvais
endroit au mauvais moment.
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