Passé le premier quart d'heure de stupeur comme le disait à peu-près Jean-Patrick Manchette (mais que fait-il là ?), Arno Schmidt se révèle, disons-le franchement, génial !
Bien sûr, encore faut-il se rallier à ceux qui prônent la supériorité du non-narratif au narratif.
Arno Schmidt, outre le fait d'avoir mis en place une technique littéraire absolument révolutionnaire, traversa la période nazie dont il rend compte ici avec une acuité politique prodigieuse car lui, au contraire de nos faiseurs d'histoires contemporains, a bel et bien eu à souffrir de l'aberration la plus sinistre de son pays, gouverné alors par des dingues.
Oeuvre obsessionnelle s'il en est, les Scènes de la vie d'un faune déroule le traumatisme d'un dénommé Heinrich During dont les tranches de vie s'éparpillent tout au long de l'année 1939 puis ressurgissent dans le désastre accompli de l'année 1944.
Brave mais impuissant, Heinrich During éprouve la technique de la brasse coulée notamment auprès de sa femme qui ne voit pas du tout où il veut en venir lorsqu'il s'approvisionne en masse en produits de première nécessité, puis lorsqu'il louvoie tant bien que mal à l'approche du sarcastique sous-préfet qui vient le recruter en tant qu'archiviste (de génie…).
Seule, la Louve (son amour clandestin pour lequel il déplacera des montagnes), soutient favorablement les pensées en ébullition de ce brave et pourtant retors Heinrich.
On peut, et pour longtemps, se référer à cette très belle nouvelle traduction de Nicole Taubes dont les notes de fin amplifient tout le contexte du roman ainsi que les passages souterrains utilisés par l'auteur.
Enfin, l'article de Stéphane Zékian continue avec brio d'éclairer la voie tracée par ce génie allemand qu'il raccroche sans sourciller aux wagons avant-gardistes Mallarméens, Faulknériens, Poundiens, Joyciens et Céliniens qui sont, eux, déjà bien en place!
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