Ce
livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le
fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie
Générale et les éditions Robert Laffont.
Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture.
Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture.
Chaque
semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles
censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement
répondre au jeu auquel on les conviait.
Cette semaine : Yves HARTECarlos Gardel à Bordeaux
Carlos avisa un porteur, lui confia sa valise et se fit conduire vers un taxi.
"Où allons-nous ?"
Carlos hésita.
"Posez le bagage à l'hôtel Splendid. Ensuite on verra. Je voudrais voir le port.
Le chauffeur jeta un œil dans son rétroviseur. La figure de cet homme ne lui était pas inconnue. Un acteur peut-être. Mais son accent... espagnol ou brésilien. Riche à n'en pas douter. Le port ? Il n'y avait pas de port ici, mais des quais, tant le fleuve régnait dans la ville, sur des kilomètres. Le taxi longeait les grilles derrière lesquelles les grues balançaient leur cou de girafe. Il s'arrêta quelques minutes devant la façade blanche du Splendid, sur les allées d'Orléans. Un groom s'empressa, et le concierge, pétri de sa fonction, fit le nécessaire, en échange d'un billet. Carlos remonta dans la voiture.
"Et maintenant ?
- Conduisez doucement. Jusqu'au bout du port. Et attendez-moi.
Le taxi s'arrêta devant le pont tournant qui permettait aux bateaux d'accéder aux bassins à flot et au radoub où on repeignait leur coque. Carlos descendit. Il respira l'air des quais, chercha des yeux un endroit pour s'asseoir. Un bar avait posé deux chaises et une table sur des pavés disjoints. Des dockers espagnols en espadrilles, les cheveux poudrés de farine qu'ils venaient de décharger d'un vraquier, entraient dans le café. Le taxi regardait cet homme en costume, le chapeau incliné sur l'oreille. Il ne faudrait pas qu'il lui arrive un mauvais coup. Etrangement il devinait que ce client était à son affaire. Il devait connaître les ports et les docks.
Carlos commanda un café au patron, chemise ouverte sur un tricot de peau, mâchouillant un mégot, une serviette sur l'épaule. Il regardait les derniers bateaux qui se vidaient, et les grues qui fouillaient leur ventre, déposant dans un lent mouvement leurs fardeaux sur les quais, une montagne de sacs que les dockers chargeaient ensuite sur le dos. Le soleil se couchait sur l'estuaire, traçant un long trait rouge sur l'eau. On entendait des jurons dans toutes les langues. Peu à peu des enseignes s'allumaient, clignotant un instant, comme un appel à la nuit.
Des marins par deux venaient à la découverte de la ville. Des filles sortaient sur le pas des portes, une main sur la hanche, murmurant une invitation dans la langue universelle des amours tarifées. Peu à peu les immeubles se bordaient de mauve dans le jour qui baissait.
Il était donc parti d'ici.
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