samedi 30 juin 2018

Herzl, une histoire européenne de Camille de TOLEDO et Alexander PAVLENKO

Herzl, une histoire européenne de Camille de TOLEDO et Alexander PAVLENKO aux éditions Denoël Graphic, 25,90 euros.

Herzl débute par le récit d’un garçon nommé Ilia Brodsky.  
Vers la fin du XIXe siècle s’est produit une radicalisation de la Russie envers le peuple juif après l’assassinat du tsar Alexandre II. On nomma cela des pogroms. Ilia fut une victime de cet exil forcé qu’il vécut en compagnie de sa sœur Olga. Le voyage commença depuis une ville qui appartenait au vaste territoire qui allait de la mer Baltique jusqu'à Odessa et que l’on appelait la « zone de résidence ». Olga et Ilia, orphelins, ont parcouru par le train une distance qui les mena via la Hongrie jusqu'à Vienne. C’est là que se produisit la furtive rencontre avec la famille Herzl. Ce croisement inopiné des deux personnages principaux du livre est sans conséquence, il restera malgré tout un curseur capital dans la vie d’Ilia. 

Theodor Herzl et Ilia sont séparés par deux ou trois générations. Le premier pour qui nous commençons à nous intéresser, nous éloigne d’Ilia Brodsky dont le destin court cette fois jusqu'à Londres. Herzl, lui, est un viennois issu d’une famille aisée qui va soudainement compatir au sort de tous les juifs chassés de la Russie. Pour lui, il manque une terre, un état, une nation au peuple juif. Son idée sera peu à peu partagée par des intellectuels comme son ami et futur porte parole Max Nordau. L’idée d’un état juif progressera après l’affaire Dreyfus. Elle gagnera du terrain auprès de différentes associations qui se créeront dans le but de parvenir à cet état juif auquel il faut trouver une terre. Theodor Herzl obtiendra des soutiens venus d’Occident comme celui d’Edmond de Rotschild. Mais l’espoir le plus fort sera justement en l’Europe de l’Est là où les pogroms s’intensifient. 

Ilia qui ne rencontrera plus jamais Herzl va cependant s’éprendre de sa pensée et de sa vie. Il aura l’opportunité de questionner son plus proche ami Max Nordau. Ilia comprendra alors l’importance de la vie familiale de Theodor Herzl et du rôle joué par sa soeur défunte, Pauline. Ce point de comparaison avec son propre isolement depuis le départ d’Olga pour l’Amérique est un ressort essentiel au processus d’identification engagé par Ilia.
Le choix de la Palestine comme terre d’accueil pour les juifs sera à maints égards problématique et pourtant évident. Le sionisme est né. 

Cette approche intellectuelle d’un mouvement majeur et pourtant peu connu de l’Histoire est porté par une ambition et une rigueur sans faille. Le choix d’en avoir fait un roman graphique n’affaiblit en rien le projet. Bien au contraire, il enrichit le propos, lui confère une authenticité et un esthétisme qui allège un propos, au demeurant austère, à partir d’une pensée complexe et non dépourvue d’éléments contraires. Herzl aura lutté sa vie durant au mépris de sa santé, de sa femme et aussi de ses enfants pour atteindre un objectif qui ne se réalisera pas de son vivant. 


Ilia, de la même manière, plonge dans un océan de perplexité. L’identité juive, le mythe du juif errant, est ainsi exploitée par le chemin sans but et parsemé de questions qu'Ilia entreprend son parapluie ouvert dans les rues de Londres. L’image finale d’un exil sans fin.





vendredi 29 juin 2018

Après Gerda de Pierre-François Moreau

Après Gerda de Pierre-François MOREAU aux éditions du Sonneur, 16 euros.

Pierre-François Moreau reprend ici, dans l’un des moments les plus tragiques de sa vie, l'état psychologique d'une figure majeure de la photographie. 

Robert Capa, puisqu’il s’agit de lui, vient de perdre la femme de sa vie : Gerda Taro. Celle-ci est morte au cours d’un reportage sur le front de la guerre d’Espagne. Un bombardement des forces franquistes ayant mis le désordre dans des manœuvres de chars républicains, l‘un deux a percuté le camion sur lequel Gerda se tenait debout sur un marche-pied. 

A la suite de ce drame Robert Capa embarque pour New-York mais son âme continue d’errer sur les lieux de la guerre d’Espagne qu’il photographiait pour un magazine français. 
Robert Capa revient notamment sur une séance de photos avec des soldats républicains où l’un deux, confesse t-il, joua la mort. Cette photo, donc, mise en scène, consacra le photographe et devint, à la une des journaux, le symbole de cette guerre. 

Mais parmi les souvenirs qui affluent en masse dans le cerveau du jeune hongrois (il n’a pas vingt-cinq ans), beaucoup, sinon tous, sont reliés à Gerda, cette allemande d’origine juive et bourgeoise, plus âgée que lui de quelques années, qui orienta et encouragea la carrière de celui qu’elle aima par intermittence. Elle aussi fut photographe de guerre - la seule femme photographe à s’être rendue en Espagne - et fut une influence absolue pour Robert Capa. 

Pierre-François Moreau procède par aller-retour dans le jeu de mémoire de Capa. Le style est propre au baroudeur touché en son cœur. Plus rien ne compte vraiment, les êtres qui l’entourent ont une présence qui ne le touche plus. Seuls les clichés de Gerda importent et sa présence à New-York est une chance de publier un livre où le nom des deux amants seraient, pour la postérité, réunis. 

Nous accédons alors à l’univers de la presse new-yorkaise. Les premiers numéros de Life sont parus. L’ère du sensationnalisme est en marche, photos à l’appui. 
Plane aussi la figure d’Ernest Hemingway non loin de celle de John Dos Passos. C’est une génération qui passe, des témoins de première main dont Hemingway demeure aujourd’hui encore le héraut. Mais son quart d’heure effectué, à proprement dit, sur le front ne lui aura pas suffit à lui dicter Pour qui sonne le glas. Les photos de Robert Capa auront, en revanche, largement contribué à combler son manque d’information. La confidence venant, à ce moment-là du livre, d’Hemingway lui-même.

Après Gerda est la tentative réussie de ressusciter une ambiance et un état d’esprit qui se dégage derrière l’hommage bien réel à une femme exceptionnelle.

De New-York à Madrid, de Madrid à Paris, Pierre-François Moreau utilise la mémoire désœuvrée de Robert Capa pour restituer quelques moments clés d’un conflit précurseur et perdu notamment par le désengagement de nations amies (la France et l’Angleterre). 

vendredi 22 juin 2018

Songe à la douceur de Clémentine Beauvais

Songe à la douceur de Clémentine Beauvais aux éditions Points Seuil, 7.40 euros.

Il est impossible de définir la lecture de Songe à la douceur tant elle est riche et déroutante. Réécriture de la pièce de théâtre Eugène Onéguine de Pouchkine, le roman de Clémentine Beauvais met en scène Eugène et Tatiana, deux adolescents réservés et rêveurs, qui se rencontrent dans un jardin. Le meilleur ami d'Eugène, Lensky, sort avec la sœur de Tatiana, Olga. Lensky et Olga vivent un amour fou, sans aucune retenue, comme s'il allait s'éteindre le lendemain. Eugène et Tatiana voient cet amour inconditionnel entre méfiance et jalousie. 
Si Tatiana s'accroche instantanément à Eugène, de trois ans de plus qu'elle, celui-ci se réfugie derrière ce spleen qui le caractérise. A la fois triste et solitaire, Eugène ne sait que faire de ces longues discussions avec Tatiana.
Dix ans plus tard, les voilà face à face dans le métro parisien, ligne 14, direction la bibliothèque François Mitterrand. Tatiana porte un tee-shirt de femme enceinte pour être sûre d' avoir une place assise, et Eugène va à l'enterrement d'un proche.
Enfin, se dit le lecteur, ces deux là vont vivre une histoire enflammée, refoulée des années auparavant. Mais rien n'est si simple. Ces deux-là hésitent, sont à la fois euphoriques de cette heureuse rencontre et mélancoliques d'une époque révolue, celle de l'âge d'or de l'adolescence. D'autant plus que plane sur ces années l'ombre d'un fantôme...

N'ayons pas peur des mots, l'écriture de Clémentine Beauvais est simplement géniale. Le style de l'auteur restitue à merveille les faux-pas, les envolées lyriques et les aléas de la vie. Retours à la ligne, alexandrins, phrases saccadées comme le souffle ou longues comme les pleurs, la lecture de ce texte prend le lecteur aux tripes pour le fracasser dans un nouveau monde, ou du moins dans une nouvelle manière de voir la littérature, un peu plus forte et proche de nos vies. 

Ce roman est la version poche de l'ouvrage sorti en 2016 chez Sarbacane dans la collection Exprim.




La tribu de Vasco d' Anne-Laure Bondoux

La tribu de Vasco d' Anne-Laure Bondoux aux éditions Gallimard Jeunesse, 12

A tous ceux qui ont aimé le film Ratatouille (Disney Pixar) , retrouvez les aventures d'un rat très attachant, celui-ci prénommé Vasco. Le roman s'ouvre sur un drame: Vasco revient de la chasse et s’aperçoit que toute sa tribu a disparu. Ne reste que la vieille rate Memona qui, avant de mourir, le met en garde: tous les rats ont été capturés et sont morts dans d'atroces souffrances. Vasco, livré à lui-même, se lance dans la quête d'une nouvelle famille, dans le monde hostile qu'est celui des humains. Mais cette recherche d'une nouvelle tribu où se réfugier ne sera pas sans embûches, car au sein même de la communauté des rats, existent des êtres capables du pire, comme la mise en place d'un régime très autoritaire qui favorise les plus vaillants et instaure la loi du plus fort et du mérite. Les rats les plus faibles se verront voler leur ration au profit de ceux qui font "marcher" la colonie. 
Semée d'obstacles, de jeux d'influences, de lourdes responsabilités et de liens d' amitié forts, l'aventure de Vasco va de rebondissements en rebondissements jusqu'à la dernière page. Rassurez-vous, les tome 2 et 3 sont sortis également dans la foulée, de quoi s'immerger dans les égouts et lieux malfamés encore un long moment. Anne-Laure Bondoux signe une bonne trilogie prenante, à lire entre 8 et 12 ans.



Les enquêtes d'Emily Evans de Patricia Elliott

Les enquêtes d'Emily Evans de Patricia Elliott aux éditions Albin Michel Jeunesse, 14.50euros.

Texte rédigé par Anouk Calas

Emily, une jeune orpheline recueillie par ses tantes, est invitée sur un bateau de croisière par sa cousine, devenue récemment riche. Le voyage qui devait être tranquille devient un enfer pour presque tous les voyageurs...sauf pour Emily qui pourra montrer son talent de détective. La jeune fille découvre qu'une vie est en jeu !!! Mauvaise plaisanterie ou vengeance ? 

vendredi 15 juin 2018

Histoire d’Arcachon de Michel BOYE

Histoire d’Arcachon de Michel BOYE aux éditions de La Geste, 29,90 euros.

Histoire d’Arcachon tel qu’on le considère de prime abord est un beau livre, à la couverture soignée qui annonce que l’ouvrage est richement illustré. 

Son auteur, Michel Boyé, est rompu à l’exercice, nombre de ses écrits ont fait de lui un historien reconnu de la ville. Son éditeur, fort du succès de Villas d’Arcachon un siècle d'histoires,  lui a confié cette fois la mission d’écrire et d’illustrer l’histoire complète de la ville. Tâche qui impressionne car la ville d’Arcachon est sujette à une considérable accumulation de péripéties que l’auteur a ordonnées scrupuleusement en s’attelant à consigner les événements politiques qui ont agité la ville de sa naissance à aujourd’hui,  en prenant soin de signaler les apports des uns et des autres à l’édification des demeures remarquables et de saluer les réalisations artistiques qui se sont échelonnées tout au long de moult événements culturels. 
Mais encore lui a-t-il fallu répertorier et chroniquer la somme des bâtiments publics nécessaires à l’expansion de la ville. Bref, le lecteur possédant Histoire d’Arcachon dispose d’un catalogue quasi complet qui restitue par le menu toutes les volontés et tous les actes  de celles et ceux qui ont œuvré pour Arcachon.  Cela concrétise au final une liste de personnalités locales, nationales et internationales ébouriffante.

La lecture de ce véritable roman qui constitue l’histoire d’une ville croisant la grande histoire à celle plus petite mais non moins étonnante d’une région (que l’auteur prend soin de ne trop encenser), expose et explique que les tribulations des acteurs impliqués ont soumis ce territoire arcachonnais à d’intenses tractations liées au potentiel du lieu tantôt touristique, tantôt médical.

Ce que l’on retient encore est la vocation d’Arcachon à vivre aux dépens de ceux qui ne la fréquentent que par à coups. Arcachon se vide éternellement l’hiver pour se remplir à ras bord l’été. Arcachon n’est pas plus Biarritz que Royan comme l’on souhaité ou craint certains de ses élus. Michel Boyé s’est d’ailleurs attaché à n’oublier aucun de ces maires qui ont dirigé la ville, orientant celle-ci avec leur vision plus ou moins lucide et plus ou moins utile. 

Cette saga municipale occupe la ligne conductrice de l’ouvrage, ce qui est légitime. La voix de l’auteur, parfois malicieuse, conserve le ton de la neutralité jusqu'aux abords des années vécues. Là surgissent quelques propos plus engagés. Cependant, tout le mérite de Michel Boyé consiste à avoir tenu une position la plus objective possible, la plus équitable quant aux résultats obtenus par tous les maires qui ont voué à leur ville, indéniablement, un amour considérable.

Histoire d’Arcachon comble une absence bibliographique majeure que Michel Boyé a remplie impeccablement.



Le guide du mauvais père (4) de Guy DELISLE

Le guide du mauvais père (4) de Guy DELISLE aux éditions Shampooing, 9,90 euros.

Les sketches à répétition du guide du mauvais père donnent une idée moderne de la paternité. Guy Delisle est un père plus enfant que  ses propres enfants. Ses dialogues sont soumis à une égalité parfaite avec les enfants eux-mêmes.
Une mauvaise appréciation à l’école engendre pour papa Delisle des souvenirs qui désamorcent tout reproche possible. Une préparation pour un test de musique au conservatoire s’avère bien plus stressant pour celui qui accompagne que celle qui est accompagnée. Un cours de natation à la piscine soulève l'inquiétant problème de la reconnaissance de sa progéniture parmi tous les nageurs qui s’ébrouent comme lui avec un bonnet de bain sur la tête. Une blague que Guy Delisle se refuse dans un premier temps à raconter à ses enfants parce qu'elle est destinée au tome 4 du guide du mauvais père. Elle s'avère être un bide absolu.
Le guide du mauvais père n’est pas la description d’un père ne sachant pas éduquer mais plutôt la révélation d’un casting déficient. Un bon père ne donne pas la réponse de six fois sept avant son fils, il ne court-circuite pas le cours d’une maîtresse en balade avec sa classe sur un chantier en répondant encore une fois à toutes les questions posées avant tout le monde. Enfin il ne détourne pas son fils de ses devoirs en lui demandant des conseils pour améliorer son score sur une game boy.
Le tunnel de la vie qu’emprunte à la fin de ce volume Guy Delisle et ses deux enfants est une dernière et cruelle blague où les enfants sortis de l’attraction nautique apparaissent plus vieux qu’ils ne l’étaient en y entrant. Le temps est passé vite, si vite, que le père, dépité, aimerait, lui, que les jeux se poursuivent.
Hélas, il est seul à vouloir retourner se baigner, seul à y prendre du plaisir.  Ne le plaignons pas trop tout de même, ce papa est capable des pires blagues à l’encontre de sa fille et peut éhontément mentir à son fils.  

Peur bleue à l'hôtel rouge

Peur bleue à l'hôtel rouge de Anouk Filippini aux éditions Auzou, 12,95 euros.

Texte rédigé par Anouk Calas


Nina habite à Saint -Malo depuis les grandes vacances, avant elle habitait à Paris. Ses parents tiennent un grand hôtel de luxe . Mais malheureusement une tempête, avec des vents à plus de 120 kilomètres à l'heure, va changer leur vie un peu paisible. Leurs clients vont rester coincés pendant un week-end à l'hôtel et des faits mystérieux se produisent ...Nina et ses amis, Malo et Yvon, vont mener l'enquête. La vieille Lady (une cliente) donne à ses fils (d'autres clients) une énigme bien mystérieuse...

vendredi 8 juin 2018

Un mariage anglais de Claire Fuller

Un mariage anglais de Claire Fuller aux éditions Stock, 22

Si l'on devait s'arrêter sur un roman en cette veille d'été, c'est bien sur celui de Claire Fuller. Le genre d'ouvrage que l'on ouvre avec ferveur et que l'on referme avec regret, celui de ne pas vivre de telles émotions plus souvent. Les personnages de Claire Fuller nous suivent pendant que nous nous baladons sur la plage, pendant que nous pensons à nos proches, lorsque nous envisageons l'avenir et nos projets. Il y a tout d'abord Ingrid, personnage central, dont la disparition en juin 1992 a laissé son mari Gil et ses deux filles sans aucun repère, livrés à eux-mêmes.

Ici le mot "disparition" est à prendre au sens propre comme au figuré: elle a disparu un jour venteux - la scène se passe au large des côtes anglaises- alors qu'elle allait se baigner dans l'océan, comme à l'accoutumée. Ne la voyant pas revenir, ses proches en ont conclu qu'elle s'était noyée. Mais toute la tension de ce roman magnifique repose sur ce "peut-être". Peut-être est-elle là, quelque part, toujours en vie. Dans ce cas, pourquoi aurait-elle pris la fuite? Ces réponses, le lecteur les trouvera dans les lettres qu'elle a glissées dans les livres - trop nombreux- de son mari écrivain. Ces lettres, posées, réfléchies, qu'Ingrid adresse à son mari, reviennent sur leur première rencontre, l'ambiance du campus universitaire où elle était son élève, leurs premiers émois, et les (mauvais) choix qu'ils ont fait. 

Parallèlement, vingt ans plus tard, leurs deux filles, Nan et Flora, reviennent dans la maison de leur enfance pour prendre soin de leur père dont la santé s'est dégradée. Avec humour et tendresse, elles affrontent leur passé, les questions sans réponse que la relation de leurs parents ont laissées. Des sensations d'enfant que Flora revit totalement différemment maintenant qu'elle est adulte. 

Le lecteur tisse lui-même la toile entre ces deux temps, celui des lettres sensibles et percutantes qu'Ingrid a laissées à Gil avant de disparaître, et celui du présent, où l'on voit les deux jeunes femmes défaire petit à petit tous les nœuds familiaux,  jusqu'à la dernière page. Avec pour fil conducteur la mer, à la fois apaisante et dangereuse, le vent, libérateur et fou, le feu, salvateur et destructeur. Un roman sur la famille, sans jamais être pesant, et une merveilleuse lecture d'été!

Je vais rester de Lewis TRONDHEIM et Hubert CHEVILLARD

Je vais rester de Lewis TRONDHEIM et Hubert CHEVILLARD aux éditions Rue de Sèvres, 18 euros.

« Fabienne et Roland débarquent à Palavas pour passer la semaine. Roland a tout payé, tout organisé et scrupuleusement consigné chaque étape du séjour dans un carnet. Ils s’apprêtent à déposer leurs bagages à l’appartement.
Soudain, elle se retrouve seule.
Stupeur, déni…
Contre toute attente, elle décide de rester. »

Rarement le moment des vacances où la foule déroule son insatiable besoin de vivre, jour après jour, des jours heureux, n’aura été montré avec une telle pertinence que renforce  un scénario qui donne véritablement le vertige. 

Fabienne, donc, va poursuivre ses vacances un peu comme Annie Girardot le faisait il y a une quarantaine d’années*. Certes, les conditions ne sont pas les mêmes mais la bulle dans laquelle Fabienne évolue, son somnambulisme, ressemble au célibat d’Annie Girardot qui sera bousculé par un certain Philippe Noiret. 

Durant cette semaine de vacances où tant de choses ont subitement changé, Fabienne observe  la vie qui s’ébroue autour d’elle tandis qu’en son for intérieur tout s’est figé pour un temps indéfini. Il n’empêche, Fabienne joue le jeu, y compris avec Paco, son Philippe Noiret à elle, qui lui tourne autour et avec qui elle décide de former un drôle de couple, ambigu, funambule. Paco est-il la bouée qu’elle se refuse de saisir ?

Je vais rester affronte le sentiment de la perte avec de nombreuses cases visuelles et silencieuses. Ces cases ne perdent jamais de vue Fabienne dans son malheur. Elles la soutiennent en lui faisant passer un temps de vacances au mois d’août. Elles lui (nous) montrent que la vie, quoiqu’il arrive, reste en elle (nous).  


* La vieille fille de Jean-Pierre Leblanc (1971)


La mer de Piotr Karski

La mer aux éditions La Martinière Jeunesse, 16.90



La mer...qu'on voit danser... Si cette chanson de Charles Trenet vous est inconnue, écoutez-la dès à présent car elle vous servira de bande-son lors de votre plongée dans ce superbe cahier d'activité conçu pour toute la famille. Richement illustré, ludique et simplement beau à regarder, il peut se pratiquer de 4/5 ans jusqu'à pas d'âge!
Vous y trouverez de quoi alimenter vos après-midi d'été: coloriages, activités de plein air, (vous apprendrez entre autres comment réaliser un sablier), toutes les pages de ce bloc sont dédiées à l'apprentissage du monde marin, son écosystème, et toute la biodiversité qui s'y rattache.
Et si vous souhaitez voir les choses en plus grand, les éditions Reliefs ont édité un coloriage sous forme de poster géant, de quoi être un fin connaisseur des animaux marins pour épater tout le monde! 


vendredi 1 juin 2018

Raymond Mauriac, frère de l’autre de Patrick RÖDEL

Raymond Mauriac, frère de l’autre de Patrick RÖDEL aux éditions Le Festin, 19,50 euros.


Nous sommes à la fin du XIXème siècle, un jeune homme, résolument, se destine à l’écriture. Il a 15 ans, guère plus. Cela est consigné dans le journal intime qu’il entame avec cette déclaration joyeuse d’adolescent bravache. Comment les choses finiront-elles ? 

Ce journal tenu toute une vie est fictif. Il est sorti de l’imagination de Patrick Rödel. On se surprend à écouter une voix venue de loin, d’un autre temps alors que celle-ci, certes travaillée en ce sens (et qui tend à nous le fait croire), est bien d’aujourd’hui. Le projet de Patrick Rödel est donc habilement réussi. Mais qui était ce Raymond, ainé d’une famille Mauriac dont l’ultime rejeton deviendrait l’un des trois M de Bordeaux ?

Raymond vient des Landes, de Saint-Symphorien. Il vit au chalet avec sa mère, ses frères et sa sœur. Son penchant poétique lui est venu de son père, mort précocement,  dont il a déniché les carnets mais aussi de ses rêveries propres qu’il rapporte de la forêt, des expéditions solitaires qui lui furent toujours chères. Il n’était pas un élève brillant et n’eut pas non plus la force de caractère pour s’opposer à Claire Mauriac qui lui força la main dans ses études de droit. Raymond devint un avoué, succédant à un oncle assurant ainsi la pérennité du cabinet d’études familial. 

Marié, père de deux filles, enfoncé dans la vie bourgeoise bordelaise, il tint néanmoins sa promesse de jeunesse et devint un néo-romancier à plus de cinquante ans, encombrant au passage son frère François, l'élégant parisien, alors au firmament des lettres françaises. 


Le journal tenu par Raymond alias Patrick Rödel ouvre les portes de la création littéraire, des affres de l’auteur qui, une fois publié, s’attache à surveiller le moindre éloge paru dans la presse. Pour les amateurs de l’époque, Patrick Rödel est confondant de justesse. Pour les lecteurs moins concernés, ils découvrent une pierre d’angle décisive à l’édifice Mauriac. Pour l’histoire de la littérature française, une injustice est réparée.

L'enfant et la rivière de Henri Bosco et Xavier Coste

L'enfant et la rivière d'Henri Bosco illustré par Xavier Coste aux éditions Sarbacane, 19.50euros


L'enfant et la rivière fait partie de ces textes très forts que l'on a lu enfant et qui nous ont laissé une sensation de liberté et de communion avec la nature. Adapter ce texte en Bande Dessinée comprend donc un défi de taille: entre aventure et mystère, le dessin de Xavier Coste répond totalement à nos attentes. Au plus près du héros Pascalet, jeune garçon fasciné par une rivière le long de laquelle il est défendu d'aller, le dessin s'empare de tous les sentiments qu'il éprouve et les sublime.
Pascalet est le symbole de l'émancipation grâce aux éléments naturels: la rivière l'attire, et lorsqu'il franchit le cap de la fugue, il expérimente les plus beaux moments de sa jeune vie, vivant au rythme des bruits et des lois de la nature.
Entre peur et courage, ce périple l'amène à rencontrer le jeune Gatzo, retenu prisonnier sur une île et qu'il va aider à s'enfuir. Les deux jeunes gens vivent alors des jours étranges, perdus au milieu de la forêt, sans attaches et vulnérables. Ensemble mais seuls, leurs regards et leurs peurs se passent de toutes conversations: leur rencontre est le fruit du hasard mais eux deux savent que ces quelques jours forgent tout leur être en devenir. 
La puissance du trait de crayon et du choix des couleurs de Xavier Coste (notamment pour les scènes se passant dans l'obscurité) laisse une émotion transparaître tout au long de la lecture, ce qui nous fait passer un excellent moment en lien avec notre âme d'enfant.





Captain Mexico de Guillaume Guéraud

Captain Mexico de Guillaume Guéraud aux éditions du Rouergue, 8.80 euros.

Imaginez trouver un chapeau magique, qui, dès que vous le portez, exhausse tous vos souhaits! Tant de choses à redire, à reconstruire, du moins à améliorer... Verriez-vous cela au bout de votre nez ou au contraire, comme Paco, verriez-vous les choses en Grand? Paco vit au Mexique de nos jours, à la frontière avec les Etats-Unis, dans le petit village de Matamoros. Ses parents n'ont pas la vie facile et travaillent dur. Son père prévoit d'ailleurs, pour subvenir aux besoins de sa tribu, de franchir le Rio Grande pour trouver un travail aux Etats-Unis. 
Mais bizarrement, le jour de son départ, un petit bonhomme -qui n'est autre que son fils- qui se fait appeler "Captain Mexico", fait se déchainer le fleuve pour que son père ne parte pas.
D'ailleurs le petit super-héros ne s'arrête pas là: il use de tous les pouvoirs possibles et imaginables (et l'imagination de Guillaume Guéraud est là pour nous amener de surprises en surprises) pour se défaire des contraintes et malheurs qui arrivent à sa famille, et à tout le peuple mexicain. Il aura à faire à un curieux personnage, dont le nom nous est quelque peu familier: Donald Trumpette...
Entre sourire, rire et réflexion sur la question mexicaine, ce petit roman plaira à tous les lecteurs à partir de 10 ans.