vendredi 25 janvier 2019

Bacchantes de Céline Minard

Bacchantes de Céline Minard aux éditions Rivages, 13.50euros

C'est en quelques pages que le dernier livre de Céline Minard nous transporte dans un univers situé à la croisée d' un polar déjanté et d'un roman social.
Le décor est planté dès le début en quelques phrases, quelques mots pour nous ancrer dans un suspense et une ambiance qui ne nous quitteront plus: 

"Personne ne bouge devant le bunker alpha. La brume matinale se dissipe lentement, elle monte et s'accroche aux frondaisons avant de s'évanouir. Il est un peu moins de six heures du matin, le vent d'est fait bruire la végétation basse. Il n'y a plus un seul uniforme dans le paysage".

On imagine alors ce silence, celui de Jackie Thran, cheffe de brigade réquisitionnée pour intervenir face à une prise d'otage un peu particulière: un bunker, qui s'avère être une cave à vins fameux et rares, ultra sécurisée, dont le propriétaire, Ethan Coetzer s'arrache les cheveux en imaginant comment on a bien pu s'infiltrer à l'intérieur. Le vent est donc encore doux, mais un typhon est prêt à s'abattre sur la baie de Hong-Kong: la tension est donc à son paroxysme.

Les otages sont ainsi les plus grands vins du monde, et les preneurs d'otages sont trois individus pour le moins loufoques, dont les faits et gestes sont aussi imprévisibles que drôles. Et petit détail qui pimente le tout, ces trois personnes sont des femmes.

Jackie Thran aura pour acolyte un négociateur prénommée Marwann Cherry, qui en apparence a la situation en main, mais qui fait bouillir Thran par son incompétence. Alors que le contact avec les trois femmes est pris, il leur faudra tout deux user de self-control pour ne pas faire une crise de nerfs.

Elles sont en effet prêtes à tout, capables de tout et leur passé est assez dense pour faire de cette prise d'otage l'équivalent d'un bâton de dynamite que l'on allume en ouvrant le roman et qui explose aux dernières lignes.
Un très grand cru de Céline Minard!







Paris sous les eaux de Joann SFAR

Paris sous les eaux de Joann SFAR , aux éditions Gallimard, 22 euros.

Vous reconnaissez ce trait tremblotant, ces couleurs pastels,  ce chat précisément vous rappelle quelque chose tout comme cette jolie jeune femme à la chevelure longue et frisottante. Ces indices sont propres à Joann Sfar*.

L'album Paris sous les eaux imite (un petit peu) Sempé tout en se réclamant du regretté Reiser qui, nous dit Sfar, lui a donné le goût de l'aquarelle. Gallimard réunit ces dessins publiés pour le compte de Paris-Match sous un titre, certes, un brin apocalyptique.

L'humour de Sfar est cependant un poil différent de celui de Sempé. Chez lui, la représentation de l'ordinaire parisien  développe un spleen "connecté". A la différence du maître (Sempé), les animaux ont ici une place essentielle. Paris abonde de chats et de chiens...

Ce symptôme urbain est parfaitement traité. Il donne une réponse au climat solitaire qui habite nos amis parisiens. Les animaux domestiques sont souvent plus perspicaces que leur maître et un poil plus désabusés. L'humeur des personnages de Sfar oscille avec tendresse entre égocentrisme bourgeois et mauvaise foi bohème.

Doit-on se reconnaître au fil de ces images délicatement désuètes ? Tout est, encore une fois, fonction de son penchant pour les animaux familiers. Vous sentez-vous plutôt chien ou plutôt chat ?

* Il s'agit bien sûr du Chat du rabbin aux éditions Dargaud (8 tomes, série en cours).


Banquise Blues de Jory John et Lane Smith

Banquise Blues de Jory John, illustré par Lane Smith aux éditions Gallimard Jeunesse collection L'heure des Histoires, 4.90euros

Avoir le blues de la banquise, c'est en avoir assez de ce froid, cette routine qui consiste à marcher de travers, manger du poisson, vivre sur la glace...quel ennui!
Le petit héros râleur et boudeur va apprendre que c'est au cœur de ce train-train que se situe le plus précieux des cadeaux: la vie. Et que même pour un manchot comme lui, qui ressemble en effet comme deux gouttes d'eau à tous les manchots du monde, cette vie peut avoir un sens.

Banquise blues peut servir de première lecture au CP et être lue aux plus jeunes à partir de un an. Un excellent moment de sourires à partager avec des petits et grands râleurs!



vendredi 18 janvier 2019

La femme à part de Vivian GORNICK

La femme à part de Vivian GORNICK aux éditions Rivages, 17,80 euros.


Née en 1935, Vivian Gornick énonce son amour pour New-York et les new-yorkais après avoir rempli sa vie toute entière dans les lieux les plus insolites de la grosse pomme. 

Un ami, compagnon de longue date, homosexuel doté d’un esprit puissant, est régulièrement cité comme en renfort pour penser New-York, ville définitivement à part où un prédicateur noir près de Central Park vilipende les blancs au point de se demander de quelle planète viennent-ils puisqu’ils ne supportent pas le soleil. A part également ce mendiant qui, cette fois, se faisant proprement engueuler par notre auteur qui refuse de son point de vue communiste de donner quoi que ce soit qui encouragerait à ne pas travailler, accepte l'engueulade et du même coup avertit d’autres compagnons d’infortune que madame Gornick est aujourd’hui de méchante humeur...

Avec ses souvenirs d'amours par paquets, ses amitiés anciennes qui se délitent, Vivian Gornick nous épate toujours par son irréductible indépendance qui ne l’empêche cependant pas de régulièrement douter sur le sens de la vie. 
La remontée dans le temps de l'écrivain est organisée en chapitres souvent courts sauf lorsque l'envie la saisit de disserter sur plusieurs pages à propos de la psychanalyse (qu’elle méprise) ou d'écrire à propos d’un homme suffisamment côtoyé pour en relever l'incohérence de ses choix et la surprenante direction prise un jour dans sa vie. Vivian Gornick s’étend alors en un plaisant récit qui s’autorise des théories lumineuses et toujours drôles.

Festival de la Bande-Dessinée d'Angoulême: J-5!

A l'honneur dans notre vitrine, les titres sélectionnés pour le 46ème festival de la Bande-Dessinée d'Angoulême!
Voici toutes les informations sur cette manifestation que nous affectionnons tout particulièrement:











Le cuirassé Potemkine de Pablo AULADELL

Le cuirassé Potemkine de Pablo AULADELL, éditions Actes Sud, 21 euros.


Que l’on ait vu le film ou pas, Le cuirassé Potemkine s'est installé dans l’imaginaire collectif par des images fortes et essentielles à l’histoire du cinéma. Reproduire celles-ci dans le langage de la bande dessinée relève moins du défi que de l’hommage. 

Le Cuirassé Potemkine, pour ceux qui l’aurait oublié, est un symbole de la révolution russe de 1905. Elle est traitée de la plus fidèle des manières par cet auteur espagnol adepte des retranscriptions de classiques artistiques qu’ils soient picturaux, littéraires ou cinématographiques.

La mutinerie des matelots du cuirassé équivaut à une prise de conscience collective avec comme étincelle une injustice. De la nourriture abjecte est servie aux marins accompagnée d'un dédain pour ces derniers de la part des officiers qui les commandent. Une grève de la faim est décidée par les plus révoltés. Les sanctions disciplinaires ne tardent pas et le commandant du bateau annonce l’exécution des marins réfractaires. Leur salut advient de justesse grâce au troublant appel du marin Vakoulintchouk : « Camarades ! sur qui tirez-vous donc ? ».

La mutinerie des marins se transforme en une prise du pouvoir du cuirassé. Le bateau accoste à Odessa où il est accueilli en héros. La foule s'est ralliée aux rebelles mais cette liesse est stoppée par une fusillade qui s’enclenche sur les grands escaliers du haut desquels les cosaques au service du tsar se sont positionnés. Cette scène mémorable fut maintes fois reprise, notamment la course folle d’un berceau qui dévale seul les escaliers..

L’œuvre d’Eisenstein retravaillée par Auladell est sans parole. Les commentaires inscrits accentuent la tension dramatique. Les corps, âpres et contrariés, les machines rudes et lourdes comme étaient les premiers bateaux de guerre provoquent toute l'intensité exceptionnelle de la lecture. 


Nous savons l’importance du film dans l’histoire du cinéma, son adaptation dessinée ressemble à une expérience rêvée par l’auteur. Les images crayonnées nous (re)plongent dans l’univers filmique du cuirassé et s’avèrent pour le lecteur une réussite autant esthétique que scénaristique.


Salon de littérature jeunesse d'Arcachon:Le jardin de Tonio de Dorothée Piatek et Elodie Coudray

Le jardin de Tonio de Dorothée Piatek et Elodie Coudray aux éditions Petit à Petit, 14,90euros.

Tonio et Frida sont portugais et ont émigré en banlieue parisienne, dans un petit deux pièces. Leur lieu de vie respire leur pays, et leur jardin est l'endroit préféré de Tonio. C'est aussi l'objet de toutes les curiosités et découvertes des enfants de la cité. Ils ont régulièrement le droit d'y pénétrer, et peuvent assister aux changements de saisons qui accompagnent de nouvelles couleurs, de nouveaux fruits et légumes, de nouvelles saveurs...
Ce petit coin de paradis est pourtant fragile: il est le seul endroit ou Tonio trouve la paix, mais il est aussi un lieu convoité par les promoteurs immobiliers...
Retrouvez l'illustratrice Élodie Coudray sur le Salon de littérature jeunesse d'Arcachon, les 16 et 17 février.  Voici le pré-programme http://www.ville-arcachon.fr/wp-content/uploads/2019/01/SLJ2019.pdf




La proie de Philippe Arnaud

La proie de Philippe Arnaud aux éditions Sarbacane, 16euros
Roman ado

Théa a 9 ans,elle est camerounaise et vit une enfance heureuse dans son village. Elle aime chanter, raconter les contes de ses ancêtres. Et justement, Théa s'appelle en réalité Anthéa, comme sa grand-mère qu'elle n'a pas connue. Elle sait en revanche que celle-ci était une femme forte et courageuse, "engagée". Mais à neuf ans, ceci ne veut pas dire grand chose. C'est lorsqu'elle grandit, qu'elle sent les regards se tourner vers elle à mesure que son corps change, qu'elle comprend que le monde peut aussi être hostile. Et puis, il y a un autre obstacle de taille: l'école. Théa préfère être "utile", aider sa mère à vendre des fruits et légumes sur le marché, dessiner, sculpter, théâtraliser les histoires. S'installer derrière une table d'écolier n'a pas de sens pour elle.
C'est cela qui va pousser ses parents à accepter l'offre faite par un couple français, venu pour affaires au Cameroun, de prendre Théa avec eux en France, pour la conditionner davantage au savoir et à la vie dans un pays qui fait tant rêver ses parents.
C'est le début d'une nouvelle vie pour Théa, de nouveaux frères et sœurs, un rythme différent, et un cadre parental fragile. C'est aussi à partir de ce moment que les épreuves s'enchaînent, les remarques, les silences. Théa devient petit à petit une adolescente méconnaissable, en rupture totale avec sa vie d'avant. Stéphane et Christine, le père et la mère chez qui elle vit, vont instaurer autour d'elle un climat effrayant, dangereux et étouffant.
Viendra le moment de se sortir de là, de respirer l'air pur de la liberté. Mais pour l'heure, lisez ce roman à suspense, qui est une ode à la famille, à l'art, la création, et la fraternité.





vendredi 11 janvier 2019

Comme à la guerre de Julien Blanc-Gras

Comme à la guerre de Julien Blanc-Gras aux éditions Stock, 19.50euros.

On connait le côté globe trotter de Julien Blanc-Gras, auteur entre autres des excellents Touriste (Diable Vauvert, 2011) et Paradis avant liquidation (2013). On connait moins son côté casanier, même s'il commençait à se dessiner dans son ouvrage In utero paru en 2015, journal de la grossesse de sa femme.
Ici, un concentré d'humour, de bonne humeur et un regard très juste donnent le ton à Comme à la guerre. Lors de l'attaque terroriste de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, Julien Blanc-Gras expérimente la paternité depuis peu. Il subit alors l’électrochoc de la vie face à la mort, les premiers mois insouciants de son enfant face à la violence de Daesh. Le téléscopage de ces deux événements fait naître en lui des interrogations tout à fait remarquables, sur sa place de père, son rôle à jouer dans la protection de son enfant face à ces horreurs, et la dislocation de ce cocon familial parisien qu'ils s'étaient créé.
Il en résulte un formidable hymne à la vie. Récit en apparence intimiste, Comme à la guerre fait vibrer notre corde sensible, en nous questionnant sur notre attitude face à la menace terroriste, et en nous encourageant à nous concentrer sur l'essentiel et ce que nous pouvons contrôler, à savoir notre capacité à donner la vie, à nous amuser, et nous entendre.



Révolution tome 1: liberté de Grouazel et Locard

Révolution tome 1 de Florent Grouazel et Younn Locard aux éditions Actes Sud-l'an 2, 26 euros.

Voici bien la première grosse sensation de l'année en Bande-Dessinée. Alors que nous célébrons ce mois-ci le 8ème art avec le festival d'Angoulême, voici un album qui fera parler de lui tout au long de 2019.
Un dessin d'une incroyable précision sur plusieurs personnages de différentes strates de la société française de 1789, pour nous plonger avec fracas dans cette période tourmentée de l'Histoire. On suivra tour à tour une petite fille des rues, une jeune servante chassée par ses maîtres, mais aussi des hommes de la noblesse et du clergé. En faisant bien sûr référence aux personnages illustres de ces événements, le travail des deux dessinateurs est de se rapprocher de tous ces acteurs dont la vie a basculé.

Et pour bien s'immerger dans l' ambiance du festival d'Angoulême, voici quelques liens vers nos articles coups de cœur de 2018, qui font aujourd'hui partie de la sélection!

Sur Ailefroide de Jean-Marc Rochette et Olivier Bocquet, éditions Casterman
http://librairiegeneralearcachon.blogspot.com/2019/01/ailefroide-altitude-3-954-dolivier.html

Sur Les grands espaces de Catherine Meurisse, éditions Dargaud
http://librairiegeneralearcachon.blogspot.com/2018/10/les-grands-espaces-de-catherine-meurisse.html

Sur Moi ce que j'aime c'est les monstres d'Emil Ferris, éditions Monsieur Toussaint Louverture
https://librairiegeneralearcachon.blogspot.com/2018/10/moi-ce-que-jaime-cest-les-monstres.html

Sur Courtes distances de Joff Winterhart, éditions ça et là
https://librairiegeneralearcachon.blogspot.com/2018/07/courtes-distances-de-joff-winterhart.html

Sur La cantine de Minuit de Yaro Abe
https://librairiegeneralearcachon.blogspot.com/2018/05/la-cantine-de-minuit-de-yaro-abe.html






Milo à la neige de Anne Pym et Francesco Pittau

Milo à la neige de Anne Pym et Francesco Pittau aux éditions Ecole des Loisirs collection Pastel

L'hiver est la bonne saison pour rester au chaud, prendre un chocolat, manger de la galette et jouer aux petites voitures auprès de la cheminée. Mais pour certains, c'est le moment parfait pour partager d'inoubliables moments dehors avec son meilleur copain. Milo et Boris sont voisins et lorsque Milo veut sagement réaliser un bonhomme de neige, Boris préfère braver les dangers! La neige est une formidable occasion de se dépasser, de prendre des risques, quitte à se perdre en forêt... 
A lire aux enfants à partir de 2 ans, les aventures de ce petit cochon et de son ami Ours leur donneront le goût de l'hiver et du partage.



Et voici notre jolie vitrine qui célèbre les joies de cette saison!







vendredi 4 janvier 2019

SEROTONINE de Michel HOUELLEBECQ

SEROTONINE de Michel HOUELLEBECQ aux éditions Flammarion, 22 euros.

L'année commencera donc avec Michel Houellebecq fraîchement nommé chevalier de la Légion d'Honneur. A chaque livre, l'écrivain semble prendre une importance toujours plus considérable. Sérotonine, tel un médicament miraculeux, se réclame depuis de nombreux jours, avant sa sortie, dans les librairies. Nous apprendrons le rôle de cet agent suspect qui fait titre au livre et subséquemment agit à notre insu dans nos corps.

Mais pour commencer, un dénommé Florent-Claude se présente à son lecteur qu'il croit sans doute son semblable. Cet homme de quarante-six ans vit aujourd'hui seul avec son passé plutôt lourd à l'évocation de sa vie sentimentale. Son errance qui a débuté en Espagne aux côtés d'une jeune Japonaise qu'il va quitter d'une manière inédite le transporte depuis Paris vers la Normandie où il enchaîne les résidences provoquant un intéressant itinéraire touristique.

C'est là, dans cette belle région normande que les considérations de Florent-Claude prennent leur essor. Au demeurant médiocre mais nanti d'une coquette somme, il pourrait s'assurer une confortable existence s'il n'y avait en lui une dépression profonde que n'arrangent pas ses quelques fréquentations qui apparaissent au personnage plus tragiques encore que lui-même.

Une interrogation, que tout lecteur est en droit de se poser, est la connaissance hautement littéraire de l'individu. Peut-on citer Theodor Fontane d'un air nonchalant ? Faire semblant d'ignorer tel "barde communiste" ?  Exagérer une confusion entre un Zadig et Voltaire et un Blaise et Pascal ? Faire en quelque sorte le malin avec une culture qui détonne beaucoup au vu du comportement de notre homme qui ne fait jamais trop état de ses lectures sauf à la toute fin lorsqu'il se lance dans une lecture crépusculaire de La montagne magique de Thomas Mann. Son approche dédaigneuse de la littérature qui est mise au même niveau que les services d'un hôtel ou d'un fromage (notre héros a travaillé pour l'agriculture) est ennuyeuse même si l'humour houellebecquien demeure l'un des attraits principaux du livre avec le sexe évidemment. Sur le sexe justement, mieux vaut laisser juges ceux qui d'expérience savent ô combien Michel Houellebecq écrit au plus près de certaines mœurs sexuelles occidentales. Cette fois, peut-on dire, le catalogue est complet.

AILEFROIDE ALTITUDE 3 954 d’Olivier BOCQUET et Jean-Marc ROCHETTE

AILEFROIDE ALTITUDE 3 954 d’Olivier BOCQUET et Jean-Marc ROCHETTE aux éditions Casterman, 28 euros.

Il est difficile de parler de montagne lorsqu’on se trouve au niveau de la mer. Le vocabulaire n’est pas le même, l’altitude engendre des attitudes auxquelles l’homme qui voit des bateaux au loin à l’horizon n’a pas accès. 

Jean-Marc Rochette, lui, a été du genre à lever la tête très jeune vers les cimes enneigées des Alpes. Sa vie à Grenoble l’a bien aidé. Cependant, il était de prime abord très attiré par les musées et le début d’Ailefroide le montre suspendu (par le regard) à une toile de Soutine, celle du Boeuf écorché

Adolescent au fort caractère, Jean-Marc Rochette, orphelin de père, est devenu un véritable montagnard, un grimpeur, un alpiniste. Son ami Sempé (qui n’est pas le dessinateur) l’a accompagné lors de ses premières escalades dans le massif des Ecrins. 

La montagne lui est ainsi devenue indispensable. Ses ennuis disciplinaires durant sa scolarité l’ont privé de certains mercredis (des années soixante-dix) quant il dessinait (avec talent) quelques figures plutôt osées. 
La montagne donc, les sommets, les couloirs de glace, la fameuse Ailefroide qu’il se promet de gravir un jour avec Sempé sont les priorités du jeune Rochette. « Faire ses courses » comme disent les alpinistes, accumuler les ascensions, suivre les voies des glorieux aînés Bonatti, Terraz, Gaspard, Chaud, Rebuffat (dont les exploits sont retracés avec admiration) mais aussi apprendre la technique, s’équiper, rester prudent, savourer tous les moments produits par une ascension, « regarder les fleurs », jouir du panorama, de la sensation enivrante d’atteindre un sommet telles sont les motivations de Rochette et de ses camarades avec qui successivement il va affronter l’épreuve d’une montée celle de l’aiguille de Dibona, 3130 M, du Râteau, 3 809 M, de la barre des Ecrins 4 101 M, du pavé 3824 M, de la pointe Maximin 3 303 M et de l’Ailefroide, glacier long, brèche des frères chamois 3 545 M…

Jean-Marc Rochette n’élude pas non plus les risques encourus, son récit est saisissant lorsqu'il amorce les destins tragiques, y compris le sien. Son dessin « vertical » vif et précis transcende ses épopées vécues dans les hauteurs alpestres. 

Retenu dans la sélection officielle du 45eme festival de Bandes Dessinées d'Angoulême (24 au 27 janvier), Ailefroide est un album fort que l'on souhaite voir récompensé.

Deux albums pour passer du rire aux larmes

Attention au départ d'Elisabeth Corblin aux éditions Biscoto, 14 euros.

Une bonne tranche de rire pour commencer 2019! Si vous prévoyez cette année de voyager en train, ou si vous l'empruntez tous les jours pour aller au travail/école/lycée, lisez ces quelques planches qui font voir le trajet sur les rails autrement: si vous croyez savoir pourquoi il y a des gouttes sur les fenêtres même quand il ne pleut pas, ou pourquoi le contrôleur siffle de telle façon et pas d'une autre, ou encore pourquoi les trains s'arrêtent parfois au milieu des voies, voici dans cet album de quoi remettre en question toutes vos idées préconçues. Une façon de voir notre quotidien différemment, et de nous plonger dans un univers de fantaisie rempli de poésie.

Un excellent moment de lecture à passer avec des enfants à partir de 5 ans.


Le cimetière des mots doux d'Agnès Ledig et Frédéric Pillot, éditions Albin Michel Jeunesse, 13.50 euros


Attention, voici un album fort pour ne pas dire percutant. Ce n'est pas un album à offrir ou du moins pas sans y avoir réfléchi longuement. Mais c'est un album nécessaire, sur un sujet rare en littérature jeunesse mais ô combien malheureusement réel: la mort d'un camarade de classe.
Ici il s'agit de leucémie. Simon était l'amoureux secret d'Annabelle, son "Annamabelle" à lui. Tous deux avaient l'innocence des enfants, tous deux voyaient la vie avec leurs yeux doux et rêveurs, empreints de la magnifique poésie qu' adultes nous aurions aimé garder. 
Mais un jour Simon ne vient plus et commence la longue absence, puis le cœur se fissure jusqu'au jour il se déchire entièrement. 
Les mots d'Agnès Ledig sont d'une parfaite justesse et sont accompagnés par le très bel univers de Frédéric Pillot dont le talent est tout autant reconnu que celui de l'illustre auteur.

Un album qui sera à coup sûr un livre référence.