vendredi 29 janvier 2021

L'avantage de Thomas ANDRE


 L'avantage de Thomas ANDRE aux éditions Tristram, 17 euros.

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L'action : une course où l'on court sans relâche après une balle de tennis. Le temps : quelques heures en été sous une grande chaleur. Le lieu : un court de tennis en terre battue.

Vous voilà de plain-pied dans le premier roman surprenant et jubilatoire de Thomas André dont on apprend seulement qu'il a pratiqué le tennis en compétition. Le roman s'arrête-il à cela ? Oui si l'on s'attache à une histoire qui contient tous les codes de ce sport de gentlemen où l'on s'étripe gaillardement autour d'une petite balle. Mais Thomas André raconte aussi une odyssée, celle de Marius, jeune garçon pas tout à fait sorti de l'adolescence. Talentueux mais peu assuré de sa valeur, Marius joue avec son meilleur ami a priori plus fort que lui. Il est hébergé par les parents de ce dernier dans une belle maison dotée d'une piscine sur la côte d'azur. La défection d'un joueur le fait entrer dans un tournoi où chaque année quelques habitués se retrouvent et qui, chaque année encore, est remporté par un des joueurs argentins venus rafler la somme allouée au vainqueur.

Marius est loin d'ambitionner cette récompense. Venu du nord de la France, il reste dans le sillage de Cédric à qui il sert de sparring-partner. Plus indécise est sa relation avec Alice, la sœur de Cédric qui l'engage dans une partie plus secrète de premiers émois adolescents. En alternance avec les matchs se dessinent des journées et surtout des nuits d'ivresse et de recherche de sensations, de rencontres guidées par l'intrépide Cédric.

Marius, personnage somnambulique,  ne semble prendre vie que sur la terre battue et avec une raquette à la main. Quelque chose pourtant va débuter, une nouvelle ère. Le fait que Marius annonce à son père au retour de ces vacances méditerranéennes qu'il n'a rien à lui raconter suppose que la gestation des événements de cet été-là n'aboutiraient que dans un livre. 

Non, il n'est pas rien arrivé dans la vie de Marius. Bien au contraire, quelque chose de crucial s'est déroulé que l'auteur Thomas André nous fait intimement partager. Marius a joué bien au-delà de son niveau, peut-être même est-il parvenu à sortir de son corps.

"Mon ombre est toujours là, sur le court, avec moi. Elle s'étire même davantage à mesure que le soir tombe. Chaque fois que je frappe la balle, je la vois accomplir exactement le même geste que moi. On pourrait presque croire que c'est elle qui joue, elle qui existe, que moi je ne suis personne, rien d'autre qu'un double sans texture."

Dédoublement ? État de grâce ? Le sentiment ne dure qu'un temps mais il a le mérite de faire percevoir ce qui transforme Marius pendant qu'il joue et qui le révèle à lui-même. Dans le jeu il atteint comme un sommet de lui-même. Quelque part dans la foule un homme a compris et vu son potentiel. Cédric a lui aussi éprouvé la dimension de Marius et l'avantage qu'il a pris sur lui.

De ce premier roman qu'on peut lire d'une traite, on ne se détache pas facilement. L'auteur à crée une dépendance qui le temps d'un tournoi nous maintient, à l'instar de Marius, en vie.




Sur un air de Fado de Barral

Sur un air de Fado de BARRAL, éditions Dargaud, 22.50 euros

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Fernando Pais se définit comme un "gentil samaritain". De ceux qui ne font de mal à personne. En 1968, il est médecin à Lisbonne, dans un quartier aisé. Des fragments de son passé nous reviennent, expliquant son absence d'engagement politique et son apparente frivolité, alors que tout flambe autour de lui. Le président Salazar vient en effet de mourir, et une révolution se met en marche depuis déjà quelques années. Dis ans plus tôt, en 1958, c'est une jeune femme communiste distribuant des tracts, prénommée Marise, qui le mènera, presque malgré lui, sur la voie politique. Pour Fernando, le sexe féminin est avant tout une affaire de séduction, une compétition où l'on joue des coudes pour exposer sa virilité et son sex-appeal. Et souvent, le charme de Fernando opère, Marise succombe et devient sa femme. Le frère de Fernando, policier, ne vient pas au mariage, désapprouvant l'opposition au régime affiché par la famille de Marise.

Fernando commence alors à sentir que cette position attentiste le rattrape. A Lisbonne, dans ces années là, il n'y a plus de place pour la légèreté et chaque mot prononcé peut se retourner contre vous. Peut-il continuer d'effectuer son travail de médecin, "doutor" comme on l'appelle, sans voir les effets ravageurs de la répression policière? Est-il à l'abri de retomber amoureux alors qu'il se remet difficilement du départ de sa femme dix ans auparavant? C'est ironiquement la rencontre avec un gamin des rues - alors qu'il ne peut avoir d'enfant- qui bouleverse définitivement sa vie. Une nouvelle fois il côtoie, à travers la famille du jeune garçon la rébellion, l'affirmation de la liberté d'expression et le soulèvement contre la surveillance, la censure et l’oppression opérées par la PIDE (police nationale de défense de l'état). 

Barral, plus connu pour son illustration du célèbre Nestor Burma, signe avec cette Bande-Dessinée une immersion fascinante dans la révolution portugaise. L'humour de Fernando, personnage flambeur, tranche avec le contexte pesant de la répression, montrant ainsi la puissance de l'engagement et les effets terribles de l'aveuglement.










Archives Détective


Archives Détective, enquête dans le mystère des archives de Nancy Guilbert et Anna Griot, éditions Courtes et Longues, 22 euros:

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Avec cet album-documentaire élaboré avec les Archives départementales de Haute-Savoie et aux illustrations hautes en couleurs, nous voici plongés dans le joli et mystérieux monde des archives ! 

Embarqué dans une quête effrénée, un jeune garçon nous emmène ainsi à la découverte de trésors cachés. De la salle de lecture au magasin, toutes les boîtes à archives sont l'occasion d'un merveilleux voyage dans le temps où l'esprit se prend à vagabonder d'époque en époque, toutes foisonnantes de formes et de couleurs qui se dessinent au fil des feuillets, sur lesquels veillent avec grand soin l'archiviste-restauratrice. Il serait alors facile de se perdre dans ce labyrinthe mais heureusement l'archiviste-magasinier n'est pas loin pour prodiguer ses conseils et mener notre jeune chercheur vers l'archive tant convoitée, celle qui lui fera découvrir son histoire, celle de ses ancêtres qui ont tous forgé peu à peu la sienne.




vendredi 22 janvier 2021

Fille de Camille LAURENS

 

Fille de Camille LAURENS aux éditions Gallimard, 19.50 Euros.

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Camille Laurens le découvre t-on (ou pas) dans Fille ne s’appelle pas Camille mais Laurence. Elle s’est adjoint un prénom épicène pour la raison que l’on comprend assez vite à la lecture de Fille - récit autobiographique - puisque chez les Barraqué (le vrai nom de Camille Laurens) elle était attendue en tant que garçon parce qu’une fille, ils en avaient déjà une les Barraqué. 

 

Laurence (prénom épicène lui aussi) a donc grandi avec cette sourde impression qu’on ne l’attendait pas, qu’on aurait plutôt préféré un garçon. Heureusement pour elle, Laurence (future Camille) est restée bonne fille, très facile à vivre jusque dans cette évocation attestée sans détour et qui se confirme plus que jamais  comme quoi il y a des adultes dans certaines familles qui s’en prennent aux enfants sous couvert de (fausses) câlineries. 

 

Fille le roman vrai de Camille relate cet épisode vécu par elle durant son enfance, cette dernière étant malgré tout montrée pourtant sous un versant joyeux et même drôle. C’est tout le paradoxe de Fille que d’être un récit plein d’humour, de jeux avec la langue. Un langage averti de ses ambivalences et de ses ambiguïtés. 

 

Fille vient de recevoir le prix Lire de meilleur livre de l’année 2020, une récompense qui fait écho à l’autre livre d’une autre Camille (1) sorti lui au tout début de l’année 2021. Il n’y a pas forcément malice dans ce choix, peut-être cela est-il même tout à fait inconscient mais ces deux livres ont forcément des passerelles communes car ils relatent tous deux ces drames imputables à la vie de famille. 

 

Une épreuve supplémentaire est survenue encore dans la vie de Camille Laurens mais il faut laisser au lecteur le soin de lire par lui-même cet exemplaire récit dont elle nous fait part une nouvelle fois (2). 

Mais encore Fille se fait fort d’être merveilleusement optimiste au moment où le livre touche à sa fin et résout ce problème ancien qui veut définir à tout prix la condition féminine.

« Il est merveilleux d’être une fille » termine Camille.

 

(1) Camille Kouchner auteure de Familia grande aux éditions du Seuil.

(2) Camille Laurens a écrit Philippe aux éditions POL et Cet absent-là aux éditions Léo Scheer 2004 à propos de ce drame personnel.

 

 

Ballade pour Sophie

Ballade pour Sophie de Filipe Melo et Juan Cavia, éditions Paquet, 27 euros:

 

Vous l'aurez compris au titre et à la couverture, il est ici question de musique. Mais cela va bien au-delà en réalité et la ballade musicale devient avant tout la partition de plusieurs vies.

Vieux bougon acariâtre, c'est d'abord sans vergogne que Julien Dubois refoule la jeune journaliste qui se présente à lui pour réaliser l'interview prévue depuis des mois sur sa grandiose carrière. Mais subjugué par la ténacité de celle-ci, le grand maître finit par se laisser prendre au jeu et accepte de lui répondre à l'unique condition qu'il ne soit pas question de lui mais de son plus grand rival à qui il voue finalement une admiration sans faille: Frédéric Simon.

De 1930 à 1970, ces deux pianistes n'ont cessé de se croiser et leurs destins se sont entremêlés entre respect, jalousie, amour et drame humain. D'un côté, le poids d'une famille fortunée prête à tout jusqu'à pactiser avec les ennemis les plus abominables. De l'autre, une condition modeste dont émergent avec force et virtuosité les valeurs d'un travail acharné et d'une résistance engagée.

Des personnages denses, complexes et attendrissants font de ce roman graphique une vraie réussite menée de mains de maîtres par Filipe Melo et Juan Cavia dont ce n'est pas ici la première collaboration. Tout sonne parfaitement juste, tant dans l'histoire que nous avons peine à laisser derrière nous tant nous souhaiterions que la partition continue, tant dans les dessins qui la portent.





Au fil du temps de Guillaume Olive et He Zhihong


Au fil du temps de Guillaume Olive et He Zhihong, éditions Les éléphants, 14 euros

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Que l'on soit une plante, un oiseau, un poisson, une marmotte, un insecte, un renne, le temps n'est pas vécu de la même façon. Et pour un jeune enfant? Lorsque le doux visage de l'héroïne de cet album s'éveille au matin, sa maman lui dit "Il est temps de se lever". Il est surtout temps de comprendre comment filent les moments, les saisons, les années. Et de demander à chaque espèce et chaque élément naturel comment ils perçoivent l'évolution du temps. Elle apprendra que le temps peut être une action, une attente, et que le bonheur, pour elle, résidera dans la permanence de l'amour.

On ne peut que vous recommander la lecture de cet album aussi poétique que sensible. L'émotion apparaît à chaque page, grâce au texte et à la finesse des échanges entre la jeune fille et la nature. 




vendredi 15 janvier 2021

Couvre-Feu : nouveaux horaires


 

L'historiographe du royaume de Maël Renouard

L'historiographe du royaume de Maël Renouard, éditions Grasset, 22euros

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Abderrahmane Eljarib, homme de lettres marocain, a la particularité d'être allé, à l'âge de quinze ans, au Collège Royal, et d'y avoir côtoyé Moulay Hassan, futur roi Hassan II.

Moulay et Abderrahmane font leurs études en France, ce dernier étudie l'Histoire à la Sorbonne et commence à écrire son recueil de poésies, les Elégies Barbaresques. Il s'éloigne peu à peu des possibilités d'intégrer le pouvoir marocain pour se tourner vers les arts et particulièrement la littérature. C'était sans compter sur la proclamation de l'indépendance du Maroc en 1955, qui marque le début de sa carrière diplomatique. De retour dans son pays natal, il est ainsi nommé conseiller technique au cabinet du ministre de l’Éducation Nationale, et participe à la grande réforme de 1957. Il est alors au service de Mohammed V, père de Hassan, et remarque l'empressement de ce dernier à succéder à son père. Lorsque Mohammed V meurt, Abderrahmane fait officiellement partie des personnes de confiance et proches du roi. Il devient aussi un sujet soumis aux bons vouloirs de Sa Majesté, dont le pouvoir de grâce et de disgrâce ne cessera jamais de torturer le héros de ce livre.

Envoyé à Tarfaya en qualité de "gouverneur académique", il confie: "Je feignais de recevoir avec le plus grand sérieux les directives que l'on me donnait, mais je sentais que l'on se jouait de moi."

Qui se joue de lui? En exil à Tarfaya depuis sept ans, il renonce aux bonnes grâces du roi, jusqu'au jour où on l'appelle enfin à Rabat pour obtenir un statut dont les attributs sont directement inspirés de l'époque de Louis XIV: il est nommé historiographe du royaume, à l'instar d' un certain Jean Racine. Sa mission consiste en apparence à décrire les décisions, les épreuves et les réformes vécues au cœur du pouvoir marocain. C'est aussi un statut dangereux, exposé à la disgrâce, et la moindre erreur peut être fatale.

A mesure que l'on apprend du contexte historique marocain, des relations diplomatiques avec la France, le personnage nous entraîne dans ses tourments, ses réflexions sur le pouvoir et les mises à l'épreuve de sa loyauté au roi. Un magnifique portrait d'un homme tantôt habile tantôt maladroit, en permanence dans la peau de son souverain pour ne pas lui causer de tort. Entre sens du sacrifice et grande lucidité, Abderrahmane Eliarib devra garder son sang-froid pour ne pas se laisser envahir par les rouages du pouvoir.



Vernon Subutex de Luz - Despentes

 

Vernon Subutex de LUZ - DESPENTES aux éditions Albin Michel, 29,90 euros.

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Il fallait enfoncer le clou et écrire la BD de Vernon Subutex. Luz s’en est admirablement chargé. Vernon Subutex, pour mémoire, est une création de Virginie Despentes dont le premier tome était paru en 2015. 

Œuvre exemplaire et crépusculaire, sa première partie dépeint avec une expressivité virtuose l’errance parisienne d’un homme déchu : Vernon Subutex

 

Deux mondes ont sombré à l’aube des années 2000, celui des disques à fortiori rock et celui du porno avec ses stars. Le croisement entre les deux est indissociable chez Virginie Despentes. Vernon Subutex réalise une immersion convaincante dans ces univers alternatifs. 

 

Reste la surprenante appropriation de Luz pour peu que l'on évacue la destinée de ce pensionnaire de Charlie Hebdo mais cela est résolument impossible. Les courbes alarmantes du voyage intérieur de Subutex sont chez Luz bien plus incarnées que ce qui en a été fait sous la forme d'une série télévisée en 2019. 

 

La saturation, l'oubli de soi, la dépression sont des états où le dessinateur s'est aventuré bien malgré lui. 

Mais il y a a encore une connivence avec le monde du rock et son étincelante épopée couvrant la deuxième partie du XXème siècle. À ce jeu, Luz propose un superbe éclairage dont Subutex est dépositaire. Virginie Despentes y a apposé sa marque et c'est bien-sûr à elle que l'on doit l’égrenage précieux des groupes qui traversent son livre. Cette culture, aussi générationnelle soit-elle, met à distance le mainstream. Elle retranscrit un état d'esprit, un son et une puissance qui, les années aidant, se bonifient et donnent raison à ceux qui l'ont défendue corps et âme.

 


 

Votez Leloup! De Davide Cali et Magali Clavelet

Votez Leloup! De Davide Cali et Magali Clavelet, éditions Casterman, 13.90 euros

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Pascal Leloup est beau. Pascal Leloup est gentil. Pascal Leloup est intelligent. Votez Pascal Leloup!

Il faut surtout être rusé pour séduire toute la basse cour et le petit monde de la ferme, afin d'être élu nouveau chef. Si d'habitude les candidats sont connus de tous (comme Pierre Cochon, Jeanne Poulette ou encore Les frères Souris), cette année un individu au sourire charmeur parvient à se frayer une place de marque jusque dans les urnes.

Mine de rien, dans cet excellent album à lire aux petits à partir de 3 ans, il est question de l'organisation et du déroulement d'une élection, de campagne présidentielle, de manipulation politique, et même de révolution! À voter!




samedi 9 janvier 2021

Patagonie route 203 d'Eduardo Fernando VARELA

Patagonie route 203 d'Eduardo Fernando VARELA aux éditions Métailié, 22.50 Euros.

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À bien regarder la droite ligne argentée qui file vers un point inconnu à l’horizon, on imagine avec peine que ce décor imprègne une région entière nommée Patagonie. 


On connaît mieux son extrémité morcelée de rochers finissant dans l’océan Pacifique ou  Atlantique et l’on ignore les vastes plaines bordées par la cordillère des Andes où de rares véhicules circulent dans ce néant de paysage.

C’est pourtant là que débute l’histoire contée par ce nouvel arrivant dans les librairies françaises, un dénommé Eduardo Fernando Varela, de nationalité argentine, qui nous transmet son envoûtement pour cette contrée magique. 


Il lui fallait pour cela quelques personnages hors-normes, à commencer par ce camionneur nommé Parker en raison de la marque d'un stylo qui lui fut un jour échu et non pas en écho à Birdy le musicien de jazz, alors qu'il joue - mais d’une façon que l’auteur nous décrit tout autre - du même instrument. 


C’est ainsi que le roman chemine. Les pistes sont brouillées. On croit partir dans une direction et une différente se présente. 

Parker donc conduit à sa manière un camion qui ne lui appartient pas mais qu’il habite à temps plein. Il convoie des marchandises d’un hangar vers un port, des fruits le plus souvent qu’il met des semaines à livrer surtout lorsque quelques pépins mécaniques l’entravent. 


C’est alors que son destin s’emmêle lui faisant découvrir un pueblo où tout semble se jouer de lui. 

Le mécanicien censé réparer son véhicule ne l’envoie t-il pas chercher à vélo une pièce de rechange dans un village voisin dont il ne sait s’il est à quelques heures ou à quelques jours de là ? 

Si le vent le pousse fort à l’aller lequel le ramènera à son point de départ et surtout quand ? 


Parker s’agace de ces villageois qui ne coopèrent jamais avec les étrangers. Il s’agace qu’on le prenne à chaque fois pour un portègne* qu’il assure en vain ne pas être. 

Définir Parker est un vrai problème, une énigme aussi insoluble que la région dans laquelle il a choisi de séjourner pour un temps indéterminé. 


C’est donc un coup du sort ou, pire, un coup de foudre qui va transformer sa vie lorsque, de retour au pueblo, le mécanicien lui conseille, pour patienter, d’aller se divertir à la fête locale où quelques manèges se sont installés sur la place centrale. 

Au comptoir de l’attraction principale qui s’avère être un train fantôme, une jeune femme délivre les tickets mais aussi son cœur. 

Parker sait qu’il vient de rencontrer la femme de sa vie. Elle est déjà mariée mais cela n’est qu’un détail..


* Ainsi nomme-t-on les habitants de Buenos Aires

 

La prophétie du tatou de Zerocalcare

 La prophétie du tatou de Zerocalcare, éditions Cambourakis, 20 euros.


 Il y a forcément un peu de nous dans Zerocalcare. Ce dessinateur de BD que   nous avions découvert avec "Kobane Calling", qui relatait son expérience en   Syrie et son immersion dans le conflit autour des kurdes, nous invite à   découvrir ici sous forme de chroniques sa vie personnelle d'il y a dix ans. Ce   titre reparaît aux éditions Cambourakis dans une version augmentée et une   nouvelle traduction de Brune Seban. Le dessinateur, qu'il nous parle de   l'actualité brûlante ou de ses aventures quotidiennes, nous transmet dans tous  les cas un plaisir immense et très certainement de nombreux éclats de rire. 

Le tatou est l'animal choisi par Zerocalcare pour incarner sa conscience, ses états d'âme, ses multiples prises de tête lorsqu'une épreuve se présente à lui, ou encore une bestiole qui le conseille ou le détourne du droit chemin. Précisément, lorsque Zero apprend que son amie -qu'il a rencontrée au collège et qui l'a suivi jusqu'à la fac- est décédée, sa compréhension du monde est ébranlée. Zero s'enferme dans ses pensées et questionnements, se roule en boule justement comme un tatou et se construit une carapace magnifique, constituée par son sens de l'humour.

Il nous fait alors partager les étendues vertigineuses de son imagination et la façon dont il trouve refuge dans un dessin qui colle à la perfection avec ses élucubrations. Nous trouvons dès lors toute notre place de lecteur, nous pourrions être celui qui hurle sur son voisin lorsque celui-ci nous agresse, celui qui est torturé à l'idée de manger de la junk food avec le spectre de Vandana Shiva au dessus de sa tête, ou encore celui qui n'ose pas avouer ses sentiments à un moment clé qui pourrait changer sa vie. 

Nous sommes donc aussi Zerocalcare, dans sa folie et sa fragilité. Nous ne pourrons en revanche jamais égaler son dessin, et surtout son ingéniosité humoristique!




Le plus petit Yack de Lu Fraser et Kate Hindley

 

Le plus petit Yack de Lu Fraser et Kate Hindley, éditions Little Urban, 13.90 euros

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Même chez les yacks les petits veulent grandir trop vite et faire comme les grands. C'est le cas de Gerdie, lassée d'être la plus petite de sa tribu. Coiffée de son bonnet péruvien, elle se dévalorise face aux immenses yacks qui l'entourent. Ils ressemblent à des vikings, avec des sabots costauds et des cornes imposantes.

Gertie a beau se motiver grâce à un programme spécial grandeur (dévorer cinq herbes et cinq fruits par jour, parcourir les montagnes et dévaler les collines, s'entraîner aux petits sauts et aux grands pas), elle devra triompher par sa grandeur d'âme. La lecture de Yack et le haricot magique lui sera alors très utile...

Une lecture rafraîchissante qui entre dans les incontournables des albums sur le grand froid.