vendredi 28 février 2020

Mémoires d'une fleur de Jacques Pimpaneau

Mémoires d'une fleur de Jacques Pimpaneau, éditions Picquier, 7 euros


De nombreux mystères demeurent autour de l'auteur des Mémoires d'une fleur. Cette courtisane chinoise baptisée Saxifrage en référence à cette fleur " toute petite et modeste car elle a beaucoup à apprendre", aurait vécu au IXème siècle, sous la dynastie Tang (618-907).
Saxifrage écrit ses mémoires depuis un monastère taoïste, se décrivant comme une "chèvre perdue dans un troupeau de brebis". Cette dame a en effet un parcours atypique : élevée par son père dans l'aristocratie chinoise, elle reçoit dans ses jeunes années un enseignement savant, étudie Confucius puis les principes de la philosophie taoïste. La révélation que lui procure cette discipline l'amène à vouloir devenir nonne au grand désespoir de son père qui voulait assurer sa descendance. Se sentant incomprise, elle part de chez elle et décide de rester libre de toute emprise tout au long de sa vie. Les grands questionnements suscités par la philosophie l'amènent à réfléchir sur les plaisirs de la chair et la place du corps dans la société, sans jamais abandonner un esprit humble et discipliné. Les diverses expériences charnelles qu'elle éprouve sont autant de pistes de réflexions sur elle-même, ce qui en fait une dame très moderne pour son époque, dotée d'une grande lucidité sur ses propres émotions et la façon de les apprivoiser.

Ce texte a t-il été réellement écrit par Saxifrage, ou plus tard, par un auteur anonyme? La lecture passionnante et déconcertante de ces mémoires laisse même planer un doute sur la responsabilité de Jacques Pimpaneau lui-même se présentant comme simple traducteur. Où qu'il ait pris sa source, ce texte met en scène un beau portrait de femme libre.




Mary Jane de Frank Le Gall et Damien Cuvillier

Mary Jane de Frank Le Gall et Damien Cuvillier, éditions Futuropolis, 18 euros
Mary Jane Kelly est la dernière victime de Jack L'éventreur. Tout commence avec un mouchoir rouge, celui que lui laisse son mari un matin avant de partir à la mine. Jour maudit car une explosion fatale rend alors Mary Jane veuve à dix-neuf ans.
Après un passage par Cardiff, elle échoue à Londres, dans le quartier de l'East End, se mêlant aux vies de misère et à l'ambiance glauque des bas-fonds londoniens. Un certain "Snakesman" (l'homme serpent) la convainc de devenir prostituée dans la maison de Mistress Kate. Si son esprit était ravagé par la douleur causée par la perte de son mari, c'est désormais son corps qui devient, à ce moment là, un outil d'oubli de soi pour gagner le peu d'argent qui l'aidera à survivre.
Les amitiés qu'elle noue avec les autres dames de la maison l'apaiseront dans une certaine mesure.
L'ambiance décadente de cette fin de siècle est illustrée fidèlement par un dessin qui s'attarde sur les traits marqués des personnages, amaigris par la misère et l'alcool. Les planches représentant les bas-fonds rendent très justement compte de cette atmosphère qui verra, on le sait d'ors et déjà, Mary Jane petit à petit se fondre puis s'éteindre dans cette obscurité malsaine.
Frank Le Gall et Damien Cuvillier, grâce à une documentation très précise,  rendent hommage à cette femme oubliée.





L'ours très très câlin

L'ours très très câlin de Jee-Yeon Park, éditions l'Elan Vert, 13,50 euros, à partir de 3 ans :


Un ours très très câlin, ça existe ?! Et bien oui, dans le nouvel album de Jee-Yeon Park, notre ours est même non seulement très très câlin mais il a en plus une particularité peu commune pour un ursidé : il est très très friand de chocolat chaud au point de se délecter chaque soir de ce doux breuvage.
Quel effroi alors de s'apercevoir que la boîte de cacao est vide ! Heureusement le magasin est proche et il ne faudra pas beaucoup de temps pour y aller avant qu'il ne ferme. Du moins, c'était sans compter les nombreuses rencontres qu'il allait faire en chemin et qui nécessitaient toutes un gros gros câlin …

A vouloir trop aider les autres, on en vient parfois à s'oublier soi-même. Mais quel bonheur quand ces autres deviennent finalement de vrais amis !

Et pour que notre ours très très câlin ne se sente pas seul en vitrine, nous avons réuni tous ses congénères autour de lui !




vendredi 21 février 2020

Réservation de la rencontre avec Jean Echenoz
















Rencontre exceptionnelle avec Jean Echenoz

Mai 2018, l’écrivain Gérard Macé séjournait à l’Hôtel Ville d’Hiver. Vous étiez quelques uns venus écouter et découvrir l’œuvre multiforme de cet homme de lettres. Sa conversation riche, pétrie d’une érudition que d’aucuns retrouveront dans ses livres  (qui s’étendent sur l’histoire littéraire et autres réflexions de voyages) fut un moment heureux pour la Librairie Générale. Cet homme délicieux s'est fendu d’une  grande générosité en reconnaissance du plaisir pris lors de son passage à l’hôtel. Le voilà de retour avec un ami dont nous lui avions suggéré une invitation si l’occasion se présentait. L’occasion est là, Jean Echenoz, puisqu’il s’agit de lui, sera à son tour présent à l’Hôtel Ville d’Hiver jeudi 26 mars.

Pour ceux auxquels le nom de Jean Echenoz n’évoque rien, nous allons brièvement donner une indication de sa place dans la littérature contemporaine. Notons qu’il ne s’est pas imposé dans les lettres françaises comme peuvent l’avoir fait certains avant et après lui avec un livre qui aurait époustouflé la critique et le public qui l’accompagne. Jean Echenoz a bien obtenu le prix Goncourt en 1999 qu’avait précédé le Médicis en 1983. Il n’est donc pas resté inconnu mais nous pensons qu’il a construit son œuvre au cœur d'un groupe et d'une génération d’écrivains qui, à la suite de glorieux ainés (Becket, Sarraute, Simon, Duras), ont reformulé l’identité des éditions de Minuit. 

Nous ne croyons vexer personne en leur attribuant une comparaison avec un jazz-band dans lequel Jean Echenoz aurait été évidemment le pianiste. Cela nous permet aussi de rendre hommage à ce sextet imaginaire qu'auraient formé, à commencer par le plus regretté d’entre eux, Christian Gailly au saxophone, Yves Ravey à la contrebasse, Christian Oster au chant, Jean-Philippe Toussaint à la guitare et Jacques Serena à la batterie. Chacun posa à sa façon une pierre à cet édifice conçu dans les années quatre-vingt-dix dont Jean Echenoz fut historiquement le précurseur sinon le leader. Jean Echenoz, toujours, dans ce dix-huitième opus intitulé Vie de Gérard Fulmard confirme un retour aux affaires « echenoziennes » que l’on avait déjà ressenti à la lecture d’Envoyée spéciale  concomitamment sorti en poche. Cela signifie en d’autres termes que l’auteur - et pourrait-il être autre chose que cela ? - est un observateur du monde dont il décode les soubresauts selon ses moyens et à des degrés divers

Or, les moyens d’Echenoz loin d’être ostentatoires, sont peaufinés dans une direction d’une précision subtile voire extrême. Une phrase, parce qu’elle se doit de contenir des informations - quelle que soit l'histoire qu’elle raconte - est une quête qui va à l’encontre du bavardage. Une raison amplement suffisante pour amèner un (piètre) personnage nommé Fulmard Gérard (Gérard Macé appréciera) dans le monde  éternellement jouissif de la politique politicienne. Nous n’irons pas plus loin pour ne pas maintenir trop longtemps l’attention de nos lecteurs et surtout, nous souhaitons les inciter au plus vite à se procurer ce livre - et bien sûr tous les autres -  de cet « invité spécial », vainqueur haut la main de son combat contre des professionnels du langage.

Revenons à moi qui me nomme Fulmard, me prénomme Gérard et suis né le 13 mai 1974 à Gisors (Eure). Taille : 1,68 m. Poids 89 kg. Couleur des yeux : marron. Profession : steward. Domicilié rue Erlanger, Paris XVIe, où je vis seul. 

Gérard Fulmard, donc, et si j’ai quelques raisons de me plaindre, du moins ne-suis-je pas mécontent de ce patronyme assez peu courant, qui ne sonne pas mal, qui est presque le nom d’un bel oiseau marin auquel j’aimerais m’identifier sauf qu’il est grégaire et moi pas plus que ça. Sauf aussi que je n’ai pas le physique, ma surcharge pondérale s’opposant en toute hypothèse à ce que je prenne un jour mon vol. Même si des vols, vu mon métier j’en ai pris pas mal, mais d’abord ce n’est pas la même chose et ensuite cette profession de steward, je ne l’exerce plus. Mon vrai statut actuel est celui de demandeur d’emploi en passe de se reconvertir, mais je vais développer ce point.

A part ce nom, je ne suis pas sûr de provoquer l’envie : je ressemble à n’importe qui en moins bien. Taille au-dessous de la moyenne et poids bien au-dessus, physionomie sans grâce, études bornées à un brevet, vie sociale et revenus proches de rien, famille réduite à plus personne, je dispose de fort peu d’atouts, peu d’avantages ni de moyens. Encore heureux que j’aie pu reprendre ces deux pièces et demie après le décès de ma mère, elles étaient locativement les siennes et je n’ai pas changé de meubles. C’est là qu’à présent je me tiens, fenêtres entrouvertes sur une rue peu passante. Elle a beau être située dans le quartier d’Auteuil contenant principalement des gens à l’aise, il n’empêche qu’elle n’est pas bien gaie, la rue Erlanger. Sur elle aussi, je reviendrai.

 

 


Mauvaise herbe Tome 1 de Keigo SHINGO

Mauvaise herbe Tome 1 de Keigo SHINGO aux éditions Le Lézard noir, 13 euros.



Le manga d’errance existe t-il ? 
Mauvaise herbe pourrait l’avoir inventé. 
La jeune fille, ramassée par la police au cours d’une descente dans un lieu illégal destiné aux hommes, est mineure. 
Le flic qui l’a remarquée se charge de la raccompagner chez elle d'où elle va fuguer aussitôt. 
Entre eux, se glisse l’errance naturelle d’un chat. 
La jeune fille, le flic et le chat composent le ballet de Mauvaise herbe ponctué par de nombreux silences. 
Ils œuvrent quand les rues de la ville se sont vidées des gens qu’un foyer attend. 
Eux traînent leur spleen que l’auteur dessine plutôt qu'il ne l'écrit. 
Quand le danger menace la jeune fille, la loi entrave le flic et le chat cherche à se nourrir. 
Cet entrecroisement narratif subtil est une source d’intrigue qui s’associe à un polar. 
Ces états d’âmes procurent une empathie que l’on déroule telle une poésie. 



vendredi 14 février 2020

Là où chantent les écrevisses de Delia Owens

Là où chantent les écrevisses de Delia Owens, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville, éditions du Seuil, 21.50 euros.


Dans le marais de Barkley Cove, en Caroline du Nord, Kya vit seule depuis l'âge de dix ans. Les membres de sa famille ont tour à tour fui la maison, et ce sentiment d'abandon la pousse à se consacrer entièrement à la vie des oiseaux et de la nature, au regret des services sociaux qui frappent régulièrement à sa porte.
Si elle apprend à se cacher de toute civilisation, elle n'en crée pas moins de solides liens avec ceux qui vont la faire rester parmi les humains: un couple de noirs américains tenant un commerce non loin de chez elle et un enfant de quelques années plus âgé, Tate.
Rapidement surnommée "la fille des marais", Kya grandit en faisant l'objet de tous les regards, tantôt fascinés tantôt médisants. Les garçons ne tarderont pas à l'approcher pour relever le défi de côtoyer une sauvage. Seul Tate reste intègre, toute sa vie.
Quelques années plus tard, un homme est retrouvé mort dans le marais, toute trace d'assassinat ayant été ensevelie soigneusement par le coupable. On apprend qu'il s'agit de Chase un amant de Kya qu'elle a fréquenté en tant que jeune adulte.
Les mystères accompagnent chaque partie de ce roman d'apprentissage riche d'épreuves. Kya, passionnée de nature, analyse les rapports humains à la lumière de la vie animale qui l'entoure. Un parallèle déconcertant se dessine entre ces deux mondes, notamment en terme de rapport entre les dominants et les dominés. Sa force fait d'elle une héroïne que l'on a plaisir à suivre de ses six ans jusqu'au moment où elle devient une femme faisant de sa passion un combat.


Moi, Mikko et Annikki

Moi, Mikko et Annikki de Tiitu Takalo, éditions Rue de l'Echiquier BD, 21.90 euros

Réserver ce livre

L'histoire du quartier d'Annikki dans la ville de Tampere en Finlande est rythmée par de profonds bouleversements qui en font un lieu passionnant à étudier. Principalement ville ouvrière au XIXème siècle, elle connaît de multiples plans d'urbanisme qui se heurtent aux résistances de ses habitants. La guerre de 1917 et les bombardements des russes blancs la détruisent quasiment intégralement, et les projets de reconstruction durant le XXeme siècle ne correspondent pas au patrimoine architectural du quartier. 
L'histoire de Tiitu, la dessinatrice de cette Bande-Dessinée, s'inscrit dans ce souhait de considérer ce quartier comme un lieu qui doit conserver son Histoire et le lien entre ses habitants. Depuis la création de la ville, les habitants ont appris à maintenir un lien social de façon permanente, et ce malgré toutes les difficultés liées à l'Histoire. Les lieux communs et les espaces de vie en société font partie intégrante du quotidien de chacun, et les projets d'habitats jugés trop "individuels" sont contestés car ils nuisent à cet esprit de quartier solidaire. 

Tiitu et son compagnon Mikko entreprennent de nos jours de réhabiliter, rénover une maison de ce quartier, et se rendent très vite compte que l'histoire de la ville transpire à travers ces murs laissés à l'abandon, eux-mêmes ayant justement résisté à tous les projets de démolition. 
Cela fait de cet endroit un lieu de lutte, où se développe également petit à petit le souhait de ne pas céder à la consommation excessive de biens, mais plutôt de recycler, réparer et s'entraider pour ne pas gaspiller. 
Un tel témoignage imagé donne de l'inspiration pour préserver le lien social et notre environnement, en prenant le recul nécessaire pour analyser notre mode de fonctionnement.


Abécédaire des métiers imaginaires

Abécédaire des métiers imaginaires d'Anne Montel, éditions Little Urban, 14.50 euros



Quel merveilleux album empreint de douceur et de poésie ! Véritable madeleine de Proust, il nous replonge immédiatement dans l'enfance au milieu des cours d'école, dans les classes au parfum de craie blanche, dans cet instant magique où chacun imagine ce qu'il fera plus tard quand il sera grand.
Dans le monde imaginaire d'Anne Montel apparaissent ainsi des métiers qui font rêver, à la fois farfelus et tellement vrais. Des métiers d'une candeur enfantine qui nous donneraient presque envie de repartir en enfance pour clamer haut et fort "Moi, quand je serai grand, je serai... !". Mais le dilemme serait ensuite de.... choisir! Alors seriez-vous: Kinésithérapeute-consolateur de saule pleureur ? Barbier de barbe à papa ? Lanceur d'étoiles filantes ? ou encore :



vendredi 7 février 2020

Le ciel par-dessus le toit de Nathacha APPANAH

Le ciel par-dessus le toit de Nathacha APPANAH aux éditions Gallimard, 14 euros.

« Je me souviens que Paloma disait toujours bonjour mon p’tit loup mais ça c’était avant la forêt-noire mémoire espoir et je dis maman où est la chambre de Paloma et elle dit de qui ? je redemande où est la chambre de Paloma et elle dit qui ? de qui tu parles ? et ma tête tourne je dois aller au centre ou au garage je n’aime pas être en retard et ma mère répète c’est qui Paloma ? et je réponds mais c’est ma sœur et elle se met à rire dans mon oreille comme si c’était la meilleure de l'année et je comprends que je n’ai pas de sœur. Je fais le tour de la maison et il n’y a plus rien à elle pas une photo pas une odeur pas un son rien et je l’appelle fort comme ça très fort Paloma Paloma et je finis par me réveiller dans sa chambre et je ne sais plus ce qui est vrai ce qui est faux ce qui est un rêve ce qui est la réalité si j’ai une sœur douceur chaleur ou pas si de tout ça j’ai rêvé si tout ça je l’ai espéré. Vous comprenez alors j’ai pris la voiture de maman sans rien dire en pleine nuit parce que je n’en pouvait plus de ne pas savoir et je suis venu ici parce que parfois il faut savoir pour pouvoir continuer à vivre. »

On ne saurait dire pourquoi tel(le) auteur(e) vous en rapelle un autre, souvent plus connu et plus vieux ou disparu. Ici, la prose poétique de Natacha Appanah, sa musique, le registre brumeux d’une narration diluée dans la psychologie de ses personnages rappellent - c'est subjectif - l’écho de William Faulkner et l'atmosphère perçue dans ses romans (au choix)  : De bruit et de fureur, Tandis que j’agonise ou encore Satoris. 

Eliette (devenue Phénix), Paloma et Loup sont les trois fortes présences du roman de Natacha Appanah. L’arrestation de Loup, jeune garçon encore mineur, à bord d’une voiture empruntée à Phénix - sa mère - pour rejoindre Paloma - sa soeur et fille de Phénix (qui ne parle plus avec celle-ci depuis dix ans) font ressortir les troubles familiaux qui ont amené une situation si étrange. L'affaire se termine au tribunal et fait plonger Loup dans les angoisses de l’enfermement carcéral.

L’écriture de Natacha Appanah louvoie entre le certain et l’incertain, promet des pistes qui donneraient un sens rationnel aux évènements avant qu’un processus plus mystérieux nous enseigne une compréhension diffuse des personnages et de leurs blessures : « Loup regardait sa mère avec cette attention perçante qu’il a souvent, comme s’il regardait à l’intérieur de vous, comme s’il voyait votre cerveau travailler, les pensées aller et venir. »

Il en ressort de ce livre court, une tension rarement reproduite dans la prose contemporaine. 
Un thème s’inscrit  dans Le ciel par-dessus le toit : la beauté qui, lorsqu’elle devient trop apparente, exhibée malgré soi et inconsciente dans le corps de celle qui la transporte, favorise les sources du malheur et de la destinée brisée. 

« Elle se déshabille, oripeaux après oripeaux. Elle arrache son masque. Elle frotte sa peau nue pour se débarrasser des mots morts qui l’alourdissent. Elle vomit ce goût âcre dans sa bouche, cette odeur de sueur et de tabac, ses pensées, sa honte, la boule dans son ventre. Elle coupe ses cheveux, elle crache sur son prénom et dans cet endroit aux bords flous, elle donne raison à sa mère : oui, elle est toute neuve à présent. »

L’amant de Kan TAKAHAMA

L’amant de Kan TAKAHAMA d’après le roman de Marguerite Duras aux éditions Rue de Sèvres, 18 euros.

Stupéfaction ! L’amant de Duras n’était pas encore adapté en Bande Dessinée. 
Nous avions eu le film que Marguerite n’avait que moyennement aimé trouvant ses personnages un peu trop beaux. Cette fois l’argument durassien a été pris en compte et le chinois n’est pas trop beau. Il a le regard torve…

Pourtant, le dessin de Kan Takahama est splendide. Dès la couverture, la jeune fille qui nous accroche du regard est une perle du Tonkin que l’on retrouve aux premières pages sous les traits vieillis de Marguerite Duras. L’effet est troublant. Kan Takahama est une virtuose issue du manga où elle s’est peu à peu faite une place de choix. 


Elle aussi est entrée comme beaucoup dans l’univers de Duras avec L'amant (son prix Goncourt de 1984). Mais elle appartient à une génération qui ne l’a pas vraiment connue, ce qui prouve s’il le fallait encore, la pérennité de son œuvre. L’amant revient donc avec l’incertitude du souvenir de sa lecture. Cet amour contrarié est-il si brûlant comme le laisse voir les dessins de l’auteure ? Il faudrait d’urgence se replonger dans le roman pour s'assurer de la fidélité de la Bande Dessinée à l’histoire. 

Un parfum se dégage qui ressemble à du Duras. Est-ce de l’ambiguïté ? Des élans contradictoires dictés tantôt par l’argent, tantôt par les sentiments ? Pour ne pas trop entrer dans la comparaison, mieux vaut se laisser porter par la beauté du dessin qui donne à voir la Cochinchine, sa splendeur, et accepter l’hommage rendu au personnage dont nous lisons les peines et joies issues d’un amour qui l'a marquée pour la vie. 

La complexité du propos est retranscrite avec passion et c'est peut-être l'esthétisme du manga qui convenait au romantisme que L'amant propage encore et toujours dans les cœurs adolescents.



La lanterne de tonton de Wang Yage et Zhu Chengliang

La lanterne de tonton de Wang Yage et Zhu Chengliang, éditions Hongfei, 14.90 euros.

"Pour égayer une fête, notamment celle du nouvel an chinois à une période où il fait sombre et froid, qu'y a-t-il de mieux que les lanternes lumineuses et chaleureuses?"

Le premier jour du nouvel an chinois, l'oncle de Zaodi lui offre, selon la tradition, une jolie paire de lanternes multicolores. Elles symbolisent la joie et l'amour d'un oncle pour ses neveux. La fête des lanternes consiste en un beau défilé de toutes les générations dans les rues, le dernier jour du nouvel an chinois. A la fin de la fête, on brûle les lanternes en faisant un vœu, celui de bonne santé pour celui qui nous les a offertes.
Ses couleurs vives égayent chaque page de cet album qui célèbre l'enfance, ses souvenirs et le respect entre les différents membres d'une famille.