vendredi 26 janvier 2018

L'homme craie, C.J Tudor, éditions Pygmalion.

L'homme craie, C.J Tudor, éditions Pygmalion, 20.90 euros

En 1986, Eddy a douze ans et partage tout avec sa bande de copains. Ils sont quatre: Hopoo, Mickey Metal, Gros Gav, et Nicky. Ces cinq gamins jouent les gros bras et cherchent de quoi s'occuper dans une ville où pas grand chose ne se passe. 

La fête foraine de cette année 1986 marque cependant le début de ce qui les amène, en 2016, à être toujours liés par des secrets qu'ils n'ont jamais osé s'avouer. Durant cette fête foraine, Eddy assiste à un accident: une partie de manège se décroche, et défigure le beau visage d'une jeune fille, juste devant ses yeux. Il lui porte assistance aux côtés d'un certain M.Halloran, qui, tel un fantôme, ira et viendra nous hanter tout au long de la lecture de ce roman noir.

M.Halloran est d'ailleurs le coupable idéal lorsque la jeune fille du manège est retrouvée, quelques jours plus tard, démembrée au cœur de la forêt... et sans sa tête.
Cela occupe et pimente le quotidien de cette bande de gamins, qui va cependant de moins en moins rigoler lorsqu'ils se rendent compte de l'impact que le meurtre et le sang peuvent avoir sur leur vie.

En 2016, Mickey Metal débarque chez Eddy pour lui proposer d'écrire un livre sur ce qu'ils ont vécu en 1986. En 2016, ce n'est plus Mickey Metal car il a perdu son appareil dentaire.  On l'appelle simplement Mike. Eddy, surnommé à l'époque Eddy Munster, est devenu Ed, du haut de ses 42 ans.
Quelques jours plus tôt, Ed avait reçu dans sa boîte aux lettre un dessin de ce genre:


A partir de là, les pièces du puzzle sont si éparpillées que l'on peine à les assembler seul. On aura besoin de l'aide d'Eddy, ses égarements entre réalité et fantasmes, ses zones d'ombre et surtout ses faiblesses.
Les personnages qui gravitent autour de lui auront tous un rôle pour résoudre l'énigme du tueur à la fille du manège. Le tour de force de CJ Tudor, est d'avoir réussi à leur donner le rôle auquel le lecteur n'était pas préparé.



Les uns , les autres : Emmanuelle DELACOMPTEE

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.

Cette semaine : Emmanuelle DELACOMPTEE

Eric Rohmer à Saint-Lunaire

Comme je commence à me sentir indiscrète, enjoignant secrètement le garçon de laisser filer cette pimbêche, un rire délicat surgit à côté de moi. Je me retourne, découvre Margot. D’où sort-elle ? Depuis Pauline à la plage, elle a bien grandi. Mais elle a toujours ses yeux brillants, ses joues pleines. Tout en elle inspire la fraîcheur. Elle porte un béret de marin qui cache sa coupe au carré de petite fille. « Je me demande bien ce qu’il lui trouve… Ce que les garçons peuvent être bêtes ! » Le rire de Margot sautille tandis que son regard coule vers moi. « Gaspard a promis de m’emmener à Ouessant moi aussi… Mais il rêve d’y aller avec elle… Pourtant elle est antipathique, cette Léna… » Assise sur la pelouse, Margot équeute une marguerite. Elle paraît déçue. « Moi je ne m’emballerais pas comme ça, pour quelqu’un, sans d ‘abord le connaître… Il faut d’abord connaître les gens pour les aimer… L’amour et l’amitié… C’est pareil… » Elle prend son temps quand elle parle, réfléchit entre chaque phrase comme si elle mettait un point d’honneur à être le plus juste possible. « Pour ma tante… Vous connaissez ma tante ? » s’interrompt-elle. J’ai une vision d’Arielle Dombasle dans un salon, l’été, les cheveux vaporeux, la main devant un sourire gêné, un collier de corail sur la poitrine. Margot qui semble lire dans mes pensées acquiesce. « Pour elle, il n’y a pas d’amour sans la croyance qu’il est éternel… L’amour est une chose brûlante… Elle veut brûler d’amour ! » Elle a dit cela la main sur le coeur, les yeux vers le ciel, pour se moquer gentiment. Elle rit encore une fois. « Chacun sa définition .» Puis elle se dresse d’un bond. « Ah, ça va être mon tour ! »
Jamais de Bruno DUHAMEL aux éditions Grand Angle, 15,90 euros.

La scène se passe sur une falaise sur la côte normande, Madeleine Proust s'est munie de son arrosoir et se trouve dans son jardin direction le rosier. Quelque chose de très ordinaire direz-vous sauf que Madeleine court un danger imminent qu'elle ignore ostensiblement. 
Madeleine est aveugle, ce qui n'arrange rien et vit au bord d'une falaise qui s'effrite chaque jour un peu plus. D'ailleurs le rosier va un jour disparaître, emporté dans le vide et faire plouf dans l'eau quelques centaines de mètres plus bas. Madeleine reste imperturbable, tout comme elle reste intransigeante face aux menaces du maire de Troumesnil qui redoute la chute définitive de la maison et Madeleine avec. Heureusement le lieutenant Ouedraogo de la brigade des sapeurs pompiers veille. Troumesnil est en émoi. Une tempête est annoncée. Madeleine Proust n'est pas dupe mais elle a ses raisons et s'oppose à tout déménagement.

Si les ciels changeants de Normandie vous inspirent, les panoramas grandioses et les tribulations d'un village digne de celui d'Astérix, cet album est pour vous !


Festival international de bandes dessinées d'Angoulême


Vous le savez, les libraires de la Librairie Générale aiment la bande dessinée. Chaque semaine nous nous réjouissons d'une parution récente ou ancienne, que nous partageons avec vous sur ce blog.
Autant vous dire que les quatre jours du festival international de la bande dessinée d'Angoulême, qui se tient ce week-end, sont l'occasion de suivre de près les pépites du 8ème art. Alors n'hésitez pas à venir découvrir la jolie place qui lui est réservée dans nos rayons!

lundi 22 janvier 2018

Thé, café, tisanes






Pour les amatrices et les amateurs, 

Le Vendredi 26 Janvier 2018 La Librairie Générale inaugure  un cycle de dégustations avec la Torréfaction d'Arcachon.

Dès 10 heures venez découvrir la boisson (chaude) offerte à toute personne effectuant un achat à la librairie.

Une invitation pensée sous le signe de l'amitié qui nous lie aux bienveillants officiants de cette institution  de qualité.





vendredi 19 janvier 2018

Bye Bye Bird de François GARCIA

Bye Bye Bird de François GARCIA aux éditions Verdier, 14 euros.

Qui était Bird ? Un drôle d’oiseau nommé Lorca que son collège a expédié en Angleterre en 1965 ? 

Bye Bye Bird, un brin définitif, retourne à une époque lointaine d’où émerge François Garcia lui-même. Son écriture syncopée, bousculée par une langue en apprentissage (l’anglais) est réactivée aux besoins d’une  adolescence inhibée et maladroite.
Le jeune Paco Lorca se sent pris en otage dans cette famille anglaise qui, le temps d'un séjour linguistique dans la ville de Bristol, le place dans une posture d’observation. L'éveil de la jeunesse des années soixante de l’autre côté de la Manche ne lui est pas immédiatement compréhensible.  

John Lennon ne disait-il pas que le rock français est comparable au vin anglais ? Paco Lorca est dans cette situation-là avec ses pantalons bleus pâles qu’il regrette d'avoir acheté à Bordeaux quand, à Bristol, il passe pour un pied tendre lorsqu'il se balade aux côtés de son correspondant Malcolm. Ce dernier  penche encore du coté des rockers, du cuir et des motos mais va bien vite s’amouracher des Vespa Lambretta et des mods, les ennemis intimes des rockers. 

Quelle vie d'ailleurs que d’accompagner ce curieux Malcolm, d’être le frenchie de service en toutes occasions. Mais Paco Lorca entame une fantastique odyssée musicale qui voit déferler à ses oreilles novices les sons électriques et outranciers pour l'époque des Kinks, des Who, des Rolling Stones et autres Small Faces. 
Sentimentalement aussi Paco se sent novice. La petite Cynthia  puis la grande Jane entrouvrent en son cœur de puissantes réactions qu'à l'âge de 14 ans et des poussières on ne maîtrise pas encore. Bristol, prise dans le tumulte de sa jeunesse, dépayse et Paco dans son désordre émotionnel avec pour seul repère la lampe torche de François Garcia, éprouve la violence et l'exaltation  de ses journées anglaises qui secouent encore son éclaireur.

Les uns , les autres : Arnaud CATHRINE

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.

Cette semaine : Arnaud CATHRINE

Jean Cocteau et Raymond Radiguet Au Piquey

"Il faut s’y résoudre : ce garçon est sadique. Il me tient.
Je ne devrais pas réagir mais - est-ce ainsi que mon rôle est écrit ? - je tourne les talons et sors de la chambre en claquant la porte.
« Fermez à clef pendant que vous y êtes ! »
Je réapparais dans l’embrasure. Une folle pathétique.
« Vous sauteriez par la fenêtre !
- Je veux rentrer ! gémit-il. Vous m’avez fabriqué une prison ! Il pleut un jour sur deux et Bertin m’emmerde. Toujours à grimacer en beuglant… Il serait capable de se noyer rien que pour attirer l’attention sur lui.
- Vous voulez l’écrire, ce roman, oui ou non ?
- J’ai trouver un titre. Je m’en tiendrais bien là. C’est le plus amusant à chercher.
Quel est ce titre ?
Les yeux secs.
- Ce titre mérite un roman, Ecrivez-le.
- Bien, maître, ricane-t-il.
- Autant de morgue dans un corps si jeune…
- Vous faites bien d’en parler, soupire t-il. J’ai hâte d’être vieux : je ne vous aurai plus dans les pattes. »
 Dire qu’à cet instant j’ai le cœur serré serait un euphémisme. Raymond finira par m’en faire une noix rassie.
« Faites-moi monter un verre, ordonne t-il. 
- Ce soir. Vous buvez déraisonnablement.
- C’est l’internat ici !
- Vous êtes pire qu’une vieille comédienne. Hop, hop, hop : votre roman !
- Ne comptez pas sur moi pour vous le dédier. »
  Raymond trouve une jouissance particulière à foncer vers le moment fatidique où il aura été trop loin.
  « Mon cher élève, vous avez eu dix-huit ans en juin, vous êtes un grand garçon, l’embarcadère est à deux pas. Alors si vous le souhaitez, vous prenez le vapeur et vous disparaissez ! »
  Je déteste quand ma voix part dans les aigus : elle ruinerait le meilleur avocat.
  Je claque la porte une seconde fois et m’enfuis pour de bon.

  Oublier cet infâme marmot pour le moment. Et aller m’enquérir du facteur. Je dois lui confier la lettre à maman."

Dans la combi de Thomas Pesquet de Marion Montaigne

Dans  la combi de Thomas Pesquet de Marion MONTAIGNE aux éditions Dargaud, 22,50 euros.

Thomas Pesquet a bien été la star des fêtes de fin d'année, son livre de photographie de l'espace : Terre(s) publié chez Michel Lafon a séduit son monde mais il a manqué longtemps (chez les libraires) la Bande Dessinée réalisée par Marion Montaigne : Dans la combi de Thomas Pesquet

A nouveau disponible, sélectionnée pour les fauves d'or d'Angoulême, la performance de Marion Montaigne a été également plébiscitée. 

Oui, il s'agit vraiment d'un tour de force que de montrer l’irrésistible ascension de Thomas Pesquet par le menu. Son enfance, ses rêves, ses études, son parcours du combattant pour atteindre l'objectif de sa vie : être astronaute !

La méthode de Marion Montaigne pour ne pas larguer son lecteur est d'autorité hilarante : une exagération de principe comme le fit Tex Avery en son temps pour débusquer la personnalité de Thomas Pesquet, surdoué qui a su malgré tout rester proche du commun des mortels. Pire, il s'est prêté à une ébouriffante narration de sa destinée. Thomas Pesquet parle aussi de la motivation requise pour subir les outrages qu'un humain dans l'espace doit se résigner à vivre. Il s'entraîne pour ça, des années durant, voyage d'une base américaine (Houston) vers une base russe (la cité des étoiles) et Marion Montaigne semble toujours là, à ses côtés, recueillant les impression de son héros ainsi que quelques explications pour les ignares que nous sommes quant aux contraintes d'un voyage dans l'espace.

Le croirez-vous ? tout est absolument à la hauteur de nos interrogations. Nous rêvons comme Thomas, avec Thomas, dans Thomas, en riant ! Au final, nous avons voyagé tout comme lui, vécu sa célébrité, son EVA, son ISS et tout le quotidien d'un astronaute expédié dans une station spatiale. C'est inoubliable..


Sur la colline de Kota Taniushi

Sur la colline de Kota Taniushi, éditions MeMo, 15 euros. 

La lecture de Sur la colline s'apparente à une rêverie, une parenthèse de douceur et de méditation.

On y découvre un petit bout d'homme qui se promène sur son vélo rouge au cœur des collines verdoyantes s'étendant jusqu'à l'horizon. Une petite brise lui caresse son visage, que l'on ne voit pas mais que l'on devine souriant derrière son petit chapeau de paille.

Où va t-il? Il faut qu'il se dépêche, car, là haut, tout en haut de la colline, il n'y a pas seulement une vue imprenable: il y a une petit musique qui vient tous les jours à la même heure. Un refrain que lui seul connaît, qui le fascine et le berce. Il a coutume de la suivre cette petite musique, mais jusqu'où va t-elle le mener?


Les illustrations de Kota Tanushi apaisent autant que le texte de Cocagnac:  une pureté qui sera autant appréciée dès les premiers âges de la vie, que par les grands, très grands enfants. Une belle découverte!

vendredi 12 janvier 2018

Événement: les libraires de La Librairie générale ont besoin de vous!

Participez à l’événement des "Pépites en stock"!



Chers lecteurs, grâce à vous nous parlons de nos coups de cœur, nous vous conseillons le meilleur livre selon votre humeur, vos envies du moment, vos auteurs préférés... Mais durant ces conseils il vous arrive de nous faire part également de vos propres coups de cœur.
Grâce à l’événement Pépites en stock, organisé par le réseau des Librairies indépendantes en Nouvelle Aquitaine, nous vous lançons un appel: choisissez votre dernier coup de cœur, et venez nous en parler à la librairie! Votre ouvrage sera exposé en vitrine la semaine du 26 février au 4 Mars 2018.
C'est l'occasion pour nous de valoriser vos choix de lecteurs, vos pépites que vous offrez chaque année à Noël, ou encore votre dernière découverte de la rentrée littéraire.
Le livre sera exposé en vitrine avec votre prénom, et si vous avez envie d' aller plus loin et vous mettre dans la peau d'un libraire, vous pouvez même écrire quelques lignes sur le livre que vous aurez choisi.
Vous pouvez nous adresser votre choix jusqu'au samedi 10 février directement en librairie, ou par mail à l'adresse arcalib@wanadoo.fr.


La belle n'a pas sommeil d'Eric HOLDER

La belle n'a pas sommeil d'Eric HOLDER aux éditions Seuil, 18 euros.

Pour aller à la bouquinerie d'Antoine? Prenez cette route, tournez la première à droite, puis prenez la troisième à gauche, ensuite c'est tout droit...euh non, tournez encore à gauche... bon, vous savez quoi? Je vous emmène.
Si je connais Antoine? Oui, un peu... Il m'a beaucoup émue. C'est un homme cultivé, drôle, intelligent. Ce que j'aime chez lui, c'est que les quatre murs de sa bouquinerie ne l'empêchent pas d'apprécier ce qui se passe au dehors. Il vit au rythme des saisons, la nature et les paysages médocains l'inspirent et l'amènent à une réflexion singulière sur les hommes (malgré le peu de clients qui viennent jusqu'à lui!). Mais lisez plutôt:


 

 

 " Des millions et des millions nous sommes à nous croire solitaires, en retrait, marginaux – à craindre au même moment le manque de chauffage l'hiver prochain, à songer au pot de géranium qu'il convient de rentrer...

Des millions à bouger le moins possible, à nous taire, afin de ne pas déranger le feuilleton de nos microfictions, en ne réclamant qu'une seule chose : la paix, la paix épaisse, confortable, soporifique. Les meilleurs jours, je me persuade que ce sont notre nombre, notre poids, notre silence qui pèsent sur la terre, freinant sa vitesse, la retenant par les cheveux, l'empêchant de tourner follement."


Un jour, on lui a volé un de ses livres, un livre de Frédéric Berthet. Quelques jours plus tard, un autre livre est volé, du même auteur. Ce n'est qu'un avant goût des soubresauts qu'il va vivre: il rencontre alors Lorraine, jeune conteuse professionnelle, venue s'installer dans la maison d'en face pour s'occuper de sa mère. Entre les deux naît un amour instantané, qu'Antoine malgré sa maturité va vivre avec ardeur.
Mais quel est le lien entre ces livres volés, et cet amour naissant? Tout ce que je peux vous dire, c'est que cette relation va faire jaser les habitants du village. Mais laissons les parler, Antoine a d'excellentes raisons de trouver chez Lorraine un vent de fraîcheur qui panse ses vieilles blessures.

Le nouveau roman d'Eric Holder est une vraie réussite, il entre au cœur de l'intimité d'un homme que l'on a envie d'apprécier davantage au fil des pages, sans toutefois jamais tromper sa pudeur qui est trop belle pour se l'approprier. Cet amoureux des livres saura autant vous charmer que nous, libraires!

Les uns , les autres : Patrick BESSON

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.

Cette semaine : Patrick BESSON


Joseph Roth à Paris  

J’entre dans le café : il y a une belle femme brune derrière le comptoir. C’est la patronne, Mme Alazard. J’ai lu sa fiche à l’Abwehr. Elle ne couche pas avec Roth mais elle le met souvent au lit. Elle lui sert une vingtaine de pernods par jour. C’est elle, son assassin. Comme le dit souvent Grudel : « l’apéro nous aidera beaucoup dans la conquête de la France. C’est notre arme secrète. En boxe, le coup au foie n’est-il pas décisif ? »
Il est assis à gauche de l’entrée, sur la banquette. Par la fenêtre, il voit sa chambre éventrée. Une pile de soucoupes à côté de son verre vide : tous ceux qu’il a vidé avant celui-là. Il est tassé sur lui-même comme une pile de vieux livres. Ses livres, il m’a fallu les lire avant de prendre mon train pour Paris. Ils m’ont été fournis par l’Abwehr car on ne les trouve plus en librairie. Von Grudel m’a dit : « C’est du sous-Dostoïevski, ou plutôt du Dostoïevski soûl. » C’est ça que j’aime chez le colonel, en dehors de ses moustaches à la Bismark qui me rappellent mon grand-père : son sens de la formule qui détend l’atmosphère nazie.
« Herr Roth ? »
Il tourne vers moi ses gros yeux bleus plein de larmes. Qu’y a-t-il en effet de plus triste que de voir, un jour de novembre, son logement parisien en train d’être démoli ?
« J’arrive tout juste de Berlin : j’ai fui le nazisme
- Pourquoi ne l’avoir pas fui le 30 janvier 1933 comme moi ?
- J’avais seize ans.
- Asseyez-vous. Vous êtes majeur ? 
- A l’évidence, non.
- Germaine, un pernod pour le mineur allemand antinazi. Et un autre pour moi, cela va sans dire. »
Il parle français, moi aussi : ma mère est alsacienne. Elle a quitté l’Alsace en 1919 quand le département est redevenu français : elle préférait les allemands. Du reste, elle en avait épousé un : papa.
« Vous êtes juif ? me demande encore Roth.
- Oui.

- Prouvez-le.

Le chat du rabbin 7. La tour de Bab-el-oued de Joann SFAR

Le chat du rabbin 7. La tour de Bab-el-oued de Joann SFAR aux éditions Dargaud, 14,99 euros.

De son dessin tremblant ou tremblotant (comme on veut), on trouve chez Le chat du rabbin une mixture  chatoyante, un voyage prolifique dans un temps distendu situé dans une Algérie ensoleillée et propice à l’émerveillement. 

C’est ainsi que Joann Sfar n’ordonne surtout pas son histoire. Le déséquilibre y est constant, une histoire en entraîne une autre. Un personnage entre puis sort. Le débat s'éternise. Joann Sfar et son chat doué de parole sont aux prises avec l’univers ou plutôt l’universel. Bien sûr être chat du rabbin implique une présence religieuse qui déborde de toutes parts au point  que synagogue et mosquée d'Alger sont inondées par des eaux souterraines… 

Le questionnement insatiable qui surgit chez chaque personnage ressemble au questionnement intérieur de l’auteur sur l’origine de l’humanité et l'aspect irréconciliable de ses religions.
Cependant le propos alterne et mélange à tout va les grands principes de la religion juive, musulmane et catholique. Une fuite en avant qui sert de fil conducteur à cette histoire fougueusement débridée que Joann Sfar  restreint à son propre champ d’investigation : La paix. 

Mais force est de constater que l'on y voit goutte. La confusion qui émane de ces inondations impromptues oblige à s’exiler chez autrui pour continuer de prier et cela résonne fort à propos dans nos têtes au moment où le flux migratoire et le décalage entre les actes et les paroles parsèment une situation déjà fort complexe. 

Le verbiage des autorités religieuses en prend pour son grade mais n’est pas pour non plus dûment condamné. Sfar se repaît d’histoires et de légendes qu’il truque à loisir. Il y a beaucoup de blagues au final et de source d’amusement. Le chat qui parle ne semble au demeurant pas vraiment inquiet de la situation cacophonique qui plonge l’humanité (celle qui prie) dans un imbroglio surgit de la nuit des temps. Tout va très mal et depuis très longtemps mais l’homme est toujours là avec son flot de paroles et d’histoires, juives évidemment.



Verte Forêt d'Eric BATTUT

 Verte Forêt d'Eric BATTUT aux éditions Elan vert, 13,50 euros.

Deux aventuriers osent braver la forêt amazonienne pour trouver un trésor caché. Et quel trésor! Un petit animal que les plus petits découvriront après avoir suivi le périple des deux compères.

En quelques pages, Eric Battut nous montre qu'à partir d'un simple dessin, des éléments inattendus peuvent s'ajouter : au départ de leur voyage, les explorateurs partent de la grande ville dont les buildings sont fait à partir de coupure de journaux et de livres; des arbres nous cachent une partie du fleuve, un serpent que l'on avait pas vu d'abord, a été ajouté sur un de ces arbres. Les collages de chaque page inciteront les petits curieux à bien observer chaque détail, pour découvrir, en même temps que les personnages, le fameux trésor!



On connait Eric Battut pour ses dessins épurés qui ont l'air d'être "en cours de fabrication". Dans cet album - qui fait écho à Rouge Volcan chez le même éditeur- que l'on peut lire aux plus petits (à partir de 2 ans), les collages à partir de matière naturelle (papier, tissu) sont là pour mettre à l'honneur les dangers de la déforestation amazonienne, de façon simple et ludique.

vendredi 5 janvier 2018

Les uns , les autres aux éditions Robert LAFFONT.

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT, 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 
Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.
Cette semaine : Nathalie AZOULAI


Albert Marquet au Pyla

"Vermeer avait vingt-neuf ans quand il a peint sa ville natale. Lui en a presque le double. Il ne dit rien à personne et retourne à Arcachon. Il loue les services d’un pêcheur à qui, plusieurs jours d’affilée, il demande d’ancrer son bateau entre les deux rives pour peintre la dune pendant de longues heures. Sous le soleil, dans la grisaille, de toutes les façons possibles, il traque ses nuances, capte ses reflets, les entoure différemment, tantôt insiste sur le vert profond des forêts tout autour, tantôt sur le bleu de la mer devant. Sur l’aplat jaune, il incline son pinceau comme un faisceau de lumière, plus ou moins vif, plus ou moins blanc. Il demande même au pêcheur de faire la sortie de nuit qu’avec sa mère ils n’ont jamais faite. Devant tant d’obstination, le pêcheur conclut que peindre et pêcher se ressemblent, que, dans les deux cas, c’est une question de vie ou de mort. Sur la toile, la dune apparaît, plus laiteuse qu’en plein jour, tel un grand cachalot, échoué sous la lune.  A tous ses tableaux, il donne le même titre, Dune, ne les distingue que par des numéros, Dune I, Dune II… Plus il peint la dune, plus il est seul à la reconnaître. Dans son dos, le pêcheur fronce le nez, songe que les artistes voient de drôles de choses, qu’au début, c’était ressemblant mais qu’avec les jours, c’est devenu un tas de matière, tantôt du blanc d’œuf, tantôt du jaune ou de l’or, que ce peintre calme est tout de même dérangé, un enfant du pays qui a mal tourné , ce Marquet."
BUG Livre 1 d’Enki BILAL aux éditions Casterman, 18 euros.

Bilal revient, plus inquiet encore. 
Son univers, sa vision que transcende un dessin reconnaissable d’entre mille, est servi cette fois par un troublant cataclysme où l’Internet aurait complètement disparu de la planète. 
Spectacle, donc, en mondovision où les capitales jouent leur partition géopolitique sur le mode d’urgence extrême. 
Cependant, un homme en mission sur Mars - nous sommes autour de 2050 - s’avère être le seul survivant de son équipage mais il est nanti d’une inquiétante tâche bleue sur le visage. Il détient également des facultés qui lui valent d’être un homme qui soudainement est devenu très attendu sur terre.
La grisaille du dessin et du scénario de Bilal n’empêche pas d’apprécier la précision du trait surtout lorsqu’il s’agit de montrer le futur de quelques villes telles que Paris, Londres, Istanbul ou New York. 
Autant polar que SF, la vision d’un monde privé de connexion est très riche. Une réflexion sur notre société où les curseurs technologiques et numériques sont astucieusement poussés vers des extrêmes qui nous font sentir le vent palpable d’une catastrophe humaine. 
Ludique d’un certain point de vue, cette vision est dotée d’un réel entrain fictionnel, une curiosité qui incite à jouer au jeu proposé par Bilal. 

L’intrusion sentimentale n’est pas le point fort de BUG, en revanche les multiples visages  piochés dans la diversité planétaire sont réjouissants, ils garantissent un réalisme stupéfiant à l’histoire qui nous est contée.  



Les trois petits casse-pieds

Les trois petits casse-pieds de Jean Leroy et Matthieu Maudet, éditions Ecole des Loisirs, 12.20 euros:

Voilà qu'un après-midi où Papy était bien tranquille à faire sa sieste dans son canapé, trois petits casse-pieds viennent le déloger pour regarder la télé. Hors de question que cela se passe comme ça! Les dessins animés?! Il y a bien mieux à faire pour Papy comme raconter une histoire! Alors oui, mais laquelle? Le petit Chaperon rouge? Les trois petits cochons? Non déjà connues... Mais Papy n'a pas dit son dernier mot: voici l'histoire de trois petits casse-pieds qui partent dans la forêt avec leur papy.... La forêt, mais pourquoi la forêt, l'espace serait mieux, dit l'un de nos petits casse-pieds. Mais bien sûr et c'est justement là où ils vont grâce à la fusée trouvée dans la forêt. Mais l'espace sans monstre intergalactique à combattre ne serait pas digne d'une belle histoire. Alors va pour le monstre aux 100 bras à découper en rondelles grâce aux sabres lasers!
Monstre vaincu, fin de la belle histoire, alors retour aux dessins animés?! Non parce qu'il y a toujours bien mieux que les dessins animés: un bon goûter à partager!

Une belle histoire pleine d'humour où plus d'un se reconnaîtra à coup sûr!