vendredi 28 décembre 2018

L'homme semence de Violette Ailhaud

 L'homme semence de Violette Ailhaud aux éditions Parole, 
8 euros

Avant le grand flot de nouveautés de janvier 2019, nous vous proposons de finir cette année 2018 sur un texte plus ancien édité par les éditions Parole en 2006.
Un petit témoignage édifiant écrit en 1919 par Violette Ailhaud qui, constatant que son village est une nouvelle fois vidé de tous ses hommes au crépuscule de la première guerre mondiale, revit encore le traumatisme de se retrouver dépourvue de leur présence:

"J'avais 16 ans en 1851, 35 ans en 1870 et 84 aujourd'hui. A chaque fois la République nous a fauché nos hommes comme on fauche les blés. Mais nos ventres, notre terre à nous les femmes, n'ont plus donné de récolte. A tant faucher les hommes, c'est la semence qui a manqué".

C'est dans les Alpes de Haute-Provence que vivent les femmes décrites par Violette en 1852. Leurs moitiés sont parties, et ce manque laisse place, après les larmes, à une colère grandissante face à cette injustice. Les femmes du village décident alors de prêter serment. Une promesse, un accord tacite qui les lie, et qui consiste à définir leur attitude et leur mission si un homme revient parmi elle. Ces règles visent à les discipliner, elles qui baignent tant dans le regret, l'attente et la rancœur qu'elles pourraient perdre le contrôle si jamais la silhouette d'un être humain de sexe masculin venait à se dessiner à l'horizon. Et surtout, le serment répond à une inquiétude profonde: et s'il n'y avait plus d'hommes du tout?

Le bruit des pas d'un inconnu survient alors qu'elles ne l'attendaient plus. Le moment de mettre en pratique leur accord est arrivé, et c'est à Violette que revient la lourde tâche d'accueillir et recevoir cet individu...
En quelques pages la force des mots à la fois spontanés et chantants de Violette Ailhaud fait de ce texte un beau témoignage sur les femmes restées dans l'ombre à chaque appel et enrôlement dans un conflit. 
La richesse de ce récit repose aussi sur l'histoire même de cette parution: en 1925, à la mort de l'auteur, celle-ci laisse une lettre qui ne doit être ouverte qu'en 1952, soit un siècle après les événements. Elle doit être ouverte impérativement par une jeune femme de sa lignée, ayant entre 15 et 30 ans. C'est Yveline qui se trouvera en possession du texte, à 24 ans, en 1952, portant avec elle ainsi l'héritage féminin et féministe instauré par Violette Ailhaud.






Les carnets de guerre de Louis Barthas 1914-1918 illustrés par Fredman

Les carnets de guerre de Louis Barthas, 1914-1918, adaptation graphique de Fredman, aux éditions La Découverte, 24.90 euros.

L'année 2018 a été marquée par la célébration du centenaire de la fin de la première guerre mondiale. Parmi les récits de guerre les plus poignants sur cette période se situe celui du caporal Louis Barthas, envoyé au front en 1914. L'excellente adaptation que Fredman en a faite valorise la grande qualité littéraire de ces carnets rédigés tout au long du conflit.
Artisan tonnelier dans l'Aude,  Louis Barthas nous livre un récit au cœur des tranchées, sans lésiner sur les horreurs dont il a été le témoin. Mais il va au delà en nous livrant un regard sur l'absurdité des ordres venus d'en haut et la façon dont lui et ses compagnons de guerre font face aux imprévus et tensions permanentes, tout cela avec un certain sens de l'humour et un recul remarquable pour un homme qui vit la guerre "de l'intérieur".
Grâce à un dessin qui plonge le lecteur dans un univers sombre et boueux, les mots de Louis Barthas prennent une nouvelle dimension.

Les grandes personnes d'Elisabeth Brami et Zelda Zonk

Les grandes personnes d'Elisabeth Brami et Zelda Zonk aux éditions Talents Hauts, 14 euros.
Grandes personnes s'abstenir! Si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, en voici quelques unes qui remettent les adultes à leur place. Mais rassurez-vous, ceci est dans le but de laisser plus de place aux enfants, à leurs questionnement sur l'existence, à leurs émotions et leurs rêves.
Illustrées par Zelda Zonk, certaines vérités sont très parlantes:

"Les Grandes Personnes n'arrivent plus à dessiner, peindre, sculpter, chanter, inventer des poèmes aussi bien que les Petites Personnes. On dirait qu'en grandissant, elles ont perdu leurs pouvoirs".

Ou encore, dans l'actualité:

"Les Grandes Personnes dépensent plein d'argent pour acheter des cadeaux aux Petits Personnes, et puis s'étonnent de les voir jouer avec l'emballage qui est bien plus marrant".

C'est donc avec humour (grinçant!) que ce petit ouvrage s'adresse aux "PP"(Petites Personnes) autour de 8 ans désireuses de s'émanciper et de comprendre davantage le monde tordu et parfois absurde des plus grands. Un bon cadeau à offrir à ses enfants lorsque l'on veut trouver les bons mots pour expliquer ce vaste sujet qu'est la vie, et leur rendre un grand service!



vendredi 21 décembre 2018

Dédicace des Visions Japonaises de Jean-Paul Alaux


Lune pâle de William R. BURNETT

Lune pâle de William Riley BURNETT aux éditions Actes Sud, 22 euros.

Une histoire de Cow-boy pense-t-on à l’entame de Lune pâle
D’une rencontre entre deux individus au milieu d’un paysage immense et rocheux où le soleil tape fort. L’un des deux d’ailleurs est à l’agonie. On le croirait mort, allongé de tout son long au bord d’un puits d’eau. 
Découvert par son futur acolyte qui lui porte secours avant de chercher ensuite à devenir son ami. 
Le premier s’appelle Doan Packer et le deuxième est surnommé Crip. Ils vont faire route ensemble jusqu’à San Miguel que Crip a hâte de rejoindre car il en connaît bien l’histoire tout comme celle des Starr qui dirigent sans partage cette ville. Jake Starr surtout, maire bienfaiteur qui peut se révéler tyrannique. 

Mais d’abord, Doan et Crip font une halte dans un pueblo. Nous sommes tout près de la frontière mexicaine et de nombreux mexicains vivent à cet endroit. Il y a aussi des ânes qui attendent d’être montés par ceux qui souhaitent rejoindre le nid d’aigle de Santa Agua, village d’une ancienne mine qui appartient à la famille Starr. Voici qu’une petite troupe de cavaliers vient justement changer de monture pour grimper vers les hauteurs de Santa Agua. Parmi eux, Opal, la fille de Jake Starr. Cette métisse mi-indienne, mi-mexicaine détecte la présence de Doan qui, sous ses yeux, est parvenu à calmer des chevaux que personne n’avait réussit à faire avant lui. Alors qu’elle passe devant Doan, Opal lui glisse son cigarillo dans la bouche. Doan va le conserver comme un talisman. 

Ce premier épisode de Lune pâle se savoure comme un western « à l’ancienne ». Si William Riley Burnett a notamment contribué à inscrire la légende de l’ouest au cinéma (Terreur Apache en tant que scénariste), il était également attiré par le polar. Lune pâle en prend d’ailleurs très vite le chemin. 
Publié en 1956, ce roman contient la panoplie complète du genre et si les coups de feu sont comptés ils n’en sont pas moins déterminants.

Doan Packer est un personnage à l’épaisseur tragique. Lorsqu’il arrive à San Miguel, son histoire a débuté ailleurs bien avant et le fait de le trouver au bord de la mort dans le désert de l’Arizona n’est pas un hasard. Sa deuxième vie à San Miguel emprunte les mêmes sillons que celles qu’il a mené dans le nord des États-Unis au temps où il était avocat et impliqué dans la vie politique. 

Cette affaire qui s’active à San Miguel où l’amour s’avère fatal est une description de l’Amérique à un tournant de son existence. L’Ouest n’est bientôt plus, on en a fini avec les indiens et l’arrivée du chemin de fer attisera la venue de nouveaux colons, de la démocratie et des idées progressistes. 

Les vieux fourneaux T.5 Bons pour l’asile de Lupano & Cauet

Les vieux fourneaux T.5 Bons pour l’asile de Lupano & Cauet aux éditions Dargaud, 12,00 euros.

Le succès des Vieux fourneaux ne se dément pas pour la très bonne raison que la série demeure excellente, bien installée dans le ton de la contestation anarchique et menée par une horde hilarante de retraités sans foi ni loi.  

Tout débute cette fois par un happening devant l’ambassade de Suisse à Paris où Pierrot, l’un des trois Pieds Nickelés nouvelle génération imaginée par Lupano et Cauet, contribue à une farce dantesque qui met en scène de pseudos ultra-capitalistes réclamant l’asile politique au pays des banques.

Dans le même temps Mimile et Antoine débarquent à Paris pour assister au match de rugby France-Australie. Antoine doit auparavant se rendre, avec son arrière-petite-fille Juliette qui l’accompagne, à un rendez-vous que lui a donné sa petite-fille Sophie. Dans le bar où lui et Juliette se rendent, son fils, à qui il ne parle plus, se présente. Ils auraient, tous deux, la charge de Juliette le temps d’un week-end, les prévient par texto Sophie, mère de l’enfant. 

Pendant ce temps-là Pierrot et ses amis sont embarqués par la police pour une garde à vue qui s’annonce longue mais que des retrouvailles incongrues avec une ancienne disciple de Pierrot vont soudainement modifier. 

Quant à Emile, dès lors livré à lui-même dans un Paris qui lui est étranger, il se désespère d'aller au match sans ami, non sans avoir auparavant fait la rencontre de Fanfan mère de tous les combats contre l’injustice faite aux migrants.

Ce carambolage d’aventures tient cependant parfaitement la route. Cauet et Lupano œuvrent avec une stupéfiante et exaltante concordance. C'est une horlogerie de haute précision que l’on découvre avec un plaisir intense, les yeux éblouis et le sourire aux lèvres. Chapeau bas !



Norman n'a pas de super-pouvoir

Norman n'a pas de super-pouvoir de Kamel Benaouda aux éditions Gallimard jeunesse, 14.50euros.

Ce roman est lauréat du concours du premier roman jeunesse, organisé par Gallimard jeunesse, Télérama et RTL.

Le problème de Norman, c'est qu'il n'est pas comme les autres.
Depuis que la fièvre bleue a contaminé l'humanité, chaque être humain est doté d'un pouvoir, une compétence particulière, un don ou une marque distinctive. Cela peut aller de la télépathie à la capacité à détecter le sentiment amoureux chez quelqu'un. Chacun vit avec son pouvoir, ce qui rend chaque être unique et original. 
Cependant, Norman est persuadé de ne pas en avoir. Il met ses amis Agathe, Franck et Jibril dans la confidence, et alors qu'il doit passer le test pour détecter et définir ses pouvoirs, il se fait porter pâle, puis doit inventer un plan machiavélique pour éviter l'épreuve, et cacher au monde entier qu'il n'a rien pour les impressionner.
La vie au collège et chez lui devient très compliquée, tout le monde l'attend au tournant... 

Dans ce roman drôle, intelligent et passionnant, l'auteur Kamel Benaouda nous plonge au cœur de l'univers des super-héros pour mieux montrer leurs limites. Dans un monde où nous avons besoin de modèles, Norman est là pour nous rappeler avec humour que la véritable originalité se situe en nous et non à travers nos actes, nos performances et notre esprit de compétition. 

Un roman à mettre entre toutes les mains des jeunes et grands ados, pour qu'ils acquièrent très vite le pouvoir d' être eux-mêmes.






vendredi 14 décembre 2018

Tea time de Noël 2

 

Pour continuer de profiter en douceur des fêtes de fin d'année,

La Librairie Générale 

 poursuit son cycle de dégustations

avec la Torréfaction d'Arcachon

Mercredi 19 Décembre

Dès 10 heures venez déguster un thé de Noël pour tout achat à la librairie.

Une invitation pensée sous le signe de l'amitié qui nous lie aux bienveillants officiants de cette institution de qualité.

Le dernier roi soleil de Sophie DES DESERTS

 Le dernier roi soleil de Sophie DES DESERTS, aux éditions Fayard, 20 euros.

Voici un an nous apprenions la mort de Johnny Halliday et - hélas pour lui car il trouvait de mauvais goût de mourir avant un chanteur - Jean d’Ormesson aussi nous quittait quasiment en même temps que celui qu’on appela jusqu’au bout « l’idole des jeunes ». 

Idole, Jean d’O, l’était lui aussi devenu. Jean d’O oui car c’est ainsi qu’il est nommé durant tout le livre de Sophie Des Deserts, une  ancienne journaliste du Nouvel Obs désormais officiante pour Vanity Fair. 
Idole sur le tard parce que sa vieillesse l’avait embelli et que ses ventes de livres, qui dépassaient allègrement les centaines de mille, réjouissaient les éditions Gallimard au point de l’avoir mis, de son vivant, dans la prestigieuse collection de la Pléiade. 

Plus intéressante probablement est la lecture de cette relation entre la journaliste et l’illustre écrivain, une relation de près de quatre ans qui permit à Sophie Des Deserts d’approcher son sujet d’étude chez lui dans sa maison parisienne de Neuilly et d’entendre des confidences que Jean d’Ormesson lui réservait ou plutôt finit par lui concéder à mesure qu’il acceptait de considérer cette femme comme une biographe potentielle.

Mais que réserve donc au final ce livre ? Il peut se résumer comme le parcours plutôt chaotique d’un homme bien né qui joua de sa séduction au point qu’un jour elle faillit et le fit bannir d’une partie de sa famille. Mais la vie de Jean d’Ormesson fut toujours placée au cœur d’une société que l’on peut estimer extrêmement riche. Jean d’Ormesson n’épousa-t-il pas une héritière du fortuné Beghin roi de l’industrie sucrière ?

Très jeune Jean d’Ormesson se considéra comme un écrivain en dépit du jugement moqueur qu’il reçut à ses débuts, y compris par ses amis les plus proches. Son entrée au journal Le Figaro avec l’appui de son nouveau patron Robert Hersant, qui le propulsa au poste de directeur, activa sa passion pour la politique avec une haine  prononcée contre les « socialos-communistes » hardiment contrebalançée par une entente cordiale avec François Mitterrand. 

Le récit de Sophie Des Desert, que l’on perçoit discrète dans la façon dont elle progresse au cœur de la famille de l’écrivain, est une succession de voyages ou de résidences à Venise, en Corse ou en Suisse sur les pentes neigeuses où Jean d’Ormesson skiait sans relâche. Le livre serait un peu vain si la journaliste ne touchait au but quant elle s’efforce de comprendre la complexité sentimentale de Jean d’Ormesson.
Telle est sans doute la grande vérité de cet homme qui se sachant séducteur en usa jusqu’à la corde. 
De là, fourmillent les anecdotes car l’homme était connu et se montrait beaucoup. 


Sophie des Deserts a saisi avec justesse les éclaircissements voulus par un homme qui se savait aussi bien double qu’obscur. La vie de Jean d’Ormesson fut certainement très agréable mais ce grand propagateur du bonheur ne fut lui-même pas aussi bien nanti de cet état si enviable qu’il s’évertuait à décrire. Sophie des Deserts l’a, semble t-il, parfaitement lu entre en les lignes.

Visions japonaises de Jean-Paul Alaux

Visions japonaises de Jean-Paul Alaux du Bassin d'Arcachon au Pacifique de Christel Haffner Lance, éditions La Librairie Générale 38 euros:


Au début du XXe siècle, le Bordelais Jean-Paul Alaux crée l'une des œuvres les plus originales exécutées  autour du Bassin d'Arcachon. Sous l'influence du japonisme, qui a complètement bouleversé les canons esthétiques occidentaux, il compose un album rassemblant douze estampes d'une exquise délicatesse et d'une belle harmonie chromatique. Ses Visions japonaises érigent le Bassin en véritable paradis, coloré et lumineux, intact et poétique. Lui-même reconnaît avoir été "hanté" par les estampes d'Hokusai et Hiroshige. En résonance avec l'âme du Japon, son interprétation "exotique" et intemporelle nous invite à partager son enthousiasme inconditionnel: "Arcachon résume tous les pays du monde!".
Quelques années plus tard, ayant cédé à la tentation de parcourir les îles polynésiennes, il conçoit un second album de douze estmapes japonisantes, toutes reproduites ici pour la première fois. Ses rêves d'un ailleurs lointain pénétré de calme et de volupté sont soutenus par l'exaltation de la couleur et de l'ambiance tropicale. Authentique humaniste, Jean-Paul Alaux exprime ses émotions à travers ses visions, fruits de l'observation et de l'imagination, qui ne prétendent délivrer d'autre message que la célébration de la nature, "loin des bruits de notre monde tourmenté"...
Ce livre abondamment illustré déroule une parenthèse de quiétude entre Atlantique et Pacifique.