Bandoneon de Jorge GONZALEZ aux éditions Aire Libre, 24 euros.
Bandoneon est une affaire de dessins et de caricatures fatalement
associée à la dictature, celle que connut l’Argentine tout au long du
20ème siècle. C’est au départ de Gênes que Jorge Gonzalez inaugure son
histoire en 1919. On y voit une foule ramassée sur un quai comme on en
voyait quant un bateau s’en allait vers l’autre continent, l’Amérique.
Ces visages, nez levés, vus de dos et de profil sont repris le dessin
d’après, cette fois vus d’en haut et de face, le regard de
l’illustrateur s’étant déplacé du quai au bateau, embarqué. C’est
monumental, le dessin s’apparentant à une esquisse, à la fois précis et
inachevé. La traversée, le bateau, l’Italie, l’enfance recomposée dans
une couleur de papier jaunie en peu de mots sinon des dialogues confus
comme le souvenir et l’exil.
C’est l’histoire d’Horacio qui nous est contée, de son arrivée en
Argentine, enfant à Buenos Aires dans l’univers musical, interlope et
fatal du Tango.
Horacio apprenti pianiste mais talentueux est détecté par le
bandoneiste Vicente, gros homme remplissant les cases de Jorge Gonzalez
jusqu’à les déborder, gros homme d'où suinte une expression tragique
uniquement lorsqu’il joue de son instrument dans des bouges de la
capitale parmi les prostituées et d’autres musiciens, compagnons
d’infortune. Horacio l’accompagne un soir, il n’a pas dix ans et la mère
du garçon disgracie Vicente, ce voisin à qui elle avait donné sa
confiance. Mais il est trop tard, Horacio devient un pianiste magistral
que l’on réclame jusqu’à New-York et qui choisi par amour et ambition
une toute autre voie, visant la fortune et l’élévation sociale plutôt que
le talent et la passion de son art.
A l’arrière de ce destin, Jorge Gimenez a bâti l’histoire de
Buenos-Aires jusqu’aux années soixante, ville nocturne, brutale et
sexuelle et a donné à sa BD un air de chef-d’oeuvre.
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