La cavale de Billy Micklehurst de Tim Willocks, éditions Allia, 3.10 euros
Cette édition comporte le texte original et sa traduction, suivis d'une interview de l'auteur.
On connaissait de Tim Willocks ses romans noirs puissants et bien étranges. Il faudra aussi compter, désormais, avec ce récit de quelques pages.
Cette nouvelle fend la glace de notre perception commune du monde, permettant l'accès à un univers dont les seuls repères sont ceux ouverts par son guide, Billy Micklehurst. Ce que cette grande carcasse de Billy, vagabond habillé de somptueuses guenilles, fait apercevoir au jeune narrateur (le futur romancier, lequel raconte dans la postface la génèse de la narration et en fait des commentaires tels qu'on peut s'abstenir de lire les miens), c'est un antre de la folie, la sienne, en même temps qu'une visite particulière dans les strates enfouies de sa ville, Manchester.
J'ai pensé à Austerlitz, le roman de W.G. Sebald: là-bas quasiment toute la mémoire de l'Europe contemporaine, ici, dans cette histoire courte, seulement quelques pans de celle d'une ville. Et au-delà, la perception de la commune humanité des vivants et des morts, avec comme seul repère la sensibilité exacerbée de Billy. C'est elle qui fascine l'écrivain et le lecteur à sa suite, et qui lui fait percevoir (ou imaginer, c'est au lecteur de décider) la souffrance des âmes mortes, ces "fantômes", ainsi qualifiés dans le récit.
Et pour dire cette émotion, un style épique bien particulier, lourd des cahots de la misère et de la souffrance, mais loin de toute grandiloquence, et avec toute l'empathie facile à partager avec les nobles coeurs.
Bernard Daguerre
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