vendredi 16 mars 2018

Les uns, les autres : Eric NAULLEAU

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Eric NAULLEAU
Ozu à Tokyo

Mon nom importe peu. Et ma date de naissance guère plus. Trêve de coquetterie, si vous tenez vraiment à le savoir, j'ai quarante-trois ans. Le milieu du gué. Trop tôt pour relire Les hommes de bonne volonté ou A la recherche du temps perdu. Trop tard pour comprendre les lois de la relativité ou les règles du base-ball. Et date de fraîcheur intellectuelle depuis longtemps expirée pour espérer apprendre le japonais. Je me contente donc trois fois par heure de désigner du doigt mon flacon de saké à l'attention de la barmaid. Qui pige à tous les coups. Les lampes à suspension balancent si près du comptoir que la presque totalité du café demeure dans l'obscurité - je ne distingue du petit ballet qu'un reflet mouvant dans le verre de ses lunettes et des mains soudain sculptées par la lumière qui escamotent à intervalles réguliers la porcelaine refroidie. S'il arrive que je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule, les veilleuses disposées sur chaque table m'évoquent des feux de camp piqués dans une vaste plaine par quelques tribus nomade. Chaque homme dans sa nuit.

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