Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B de Jacques TARDI aux éditions Casterman 25 euros.
Voilà, l'hommage est fait, du fils à son père, et cela ne semble pas avoir été une chose facile que d'établir ou de rétablir la légende de ce père emprisonné dès 1940, sans gloire, au nom de l'armée française, dans un camp de Poméranie suite à la bataille menée dans un char vite défait face aux allemands.
Le fils en avait fait la demande au père et le père avait consigné ses souvenirs dans des carnets où le détail l'emportait toujours car tel était ce père engagé dans l'armée en 1935, lucide quant à l'avenir prochain de son pays après la prise de pouvoir en Allemagne par Hitler.
Ce père, vu par son fils à partir de ces carnets, est aussi engagé dans un dialogue avec ce dernier pour lequel il apporte maints éclairages sur les déboires militaires de ses chefs, la désorganisation et l'isolement des troupes et la faillite tactique qui l'amena dans une pittoresque épopée au coeur de la campagne française.
Tardi, le dessinateur, s'invite à cet enlisement pathétique et, délicieusement, nourrit l'histoire de ses propres interrogations, tantôt naïves, tantôt dérisoires, tel l'enfant qu'il a voulu rester auprès de son père, se dessinant en culottes courtes comme un doux fantôme observateur.
Mais l'enchaînement des faits noircissent le dessin dès l'arrivée au Stalag II B. Le vocabulaire allemand se mêle allègrement au discours du père qui véhicule l'image piteuse des prisonniers et de la morgue des soldats allemands. Peu à peu, le scénario gigantesque s'ébroue. L'organisation des camps révèle un manque continuel de toutes choses et la préoccupation première de chacun demeure la faim. Se nourrir provoque toutes sortes de trafics, améliorer l'ordinaire conditionne chaque rapport humain avant que ne s'insinue la volonté de résistance par la perturbation de la discipline instaurée par les nazis.
Tardi ne s'épargne pas la fastidieuse reconstitution de ces troupes errantes, des gueules défaites, de la monotonie des jours et des rassemblements ainsi que de la violence inhérente au statut de prisonnier. Les années lentes défilent sous la dictée du père. L'enfermement au Stalag devient une accoutumance pour le père comme pour le fils, comme pour le lecteur. Une évasion opèrerait une radicalisation du récit mais celle-ci, après la demande insistante du fils, s'évanouit tragiquement. Seules les nouvelles clandestines de Londres donnent de l'espoir mais l'avancée effective des alliés, la défaite de Stalingrad, durcissent les allemands.
On connaît la fin mais la sortie du Stalag ne clôt pas les souvenirs de René Tardi, il faudra attendre une deuxième partie que l'on souhaite aussi convaincante et enrichissante que celle-ci. La paire René et Jacques Tardi nous le promet.
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