samedi 10 novembre 2012

Le prix FEMINA étranger 2012

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie OTSUKA aux éditions Phébus, 15,00 euros.


Écoutez-les ! aurait pu dire Nathalie Sarraute car elles sont multiples, elles grouillent…
Il s’agit des paroles de celles qui, en vrai, n’ont certainement pas pu la prendre, de celles qui, arrivées par bateau depuis leur Japon natal, …n’avaient jamais vu la mer.
C’étaient des adolescentes qui rejoignaient leur mari qu’elles n’avaient jamais vu sinon par photos à condition que celles-ci correspondent bien à celui qui les attendait.
Leurs interrogations, leurs secrets, leurs espoirs, leurs désillusions… sont consciencieusement rapportés par la grâce de l’écriture de Julie Otsuka, elle-même aiguillée par une masse de documents répertoriés à la fin du livre.
On imagine aisément les liens unissant l’auteur à cette communauté qui s’expatria aux États-Unis au début du XXème siècle et qui s’implanta sur la côte de l’océan Pacifique avant que le conflit avec le Japon ne la rende suspecte et la déplace mystérieusement dans des camps.
Au dernier chapitre, Julie Otsuka donne voix aux américains pour exprimer la perte et le vide social laissés par les japonnais.
Ce roman aurait pu être moralisateur, ce sujet méconnu de la Seconde Guerre mondiale s’y prêtait grandement mais, bien au contraire, il se révèle vivifiant, parsemé d’instantanés souvent jubilatoires et compose avec le mode de vie des immigrés vu par leur femmes. Certes la dureté de l’existence transparait comme une évidence mais au même titre que la ténacité et la valeur du travail des japonais confrontés au modèle américain dont le racisme à cette époque est une nouvelle fois manifeste.
Tout paraît vrai dans ces vies anonymes perturbées par les mouvements de l’Histoire. Julie Otsuka a réussi à la perfection son travail de broderie. Son tableau, riche et varié, représente l’esprit toujours vivant d’une communauté qui eut le tort d’être au mauvais endroit au mauvais moment.

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