Nicolas Grimaldi, grand professeur d’université ayant terminé sa carrière à la Sorbonne, a produit dans l’ombre, à l’abri des médias si habiles à nous fabriquer de fausses gloires, une remarquable oeuvre philosophique.
Au soir de sa vie, il se livre dans son dernier ouvrage à une sorte d’autobiographie intellectuelle très touchante en revenant sur un évènement vécu par lui au premier plan : Mai 68. L’occasion pour Nicolas Grimaldi d’analyser ce qu’il estime être un séisme culturel et un véritable changement de civilisation. Alternant épisodes vécus et réflexion brillante l’auteur nous confesse , depuis lors, avoir vécu dans un monde qui n’était plus le sien, faisant de lui un être contemporain de rien ni de personne. Ses idées , ses repères sur la culture et la philosophie se trouvant déboulonnés .
Ce nouveau monde avide de chavirer la tradition, de renier tout héritage et dont les prémisses sont à chercher du côté de Marcel Duchamp puis du dadaïsme aura mis le culte du présent et de la nouveauté en première ligne. Alors qu’auparavant un artiste tel un artisan manifestait son originalité en s’écartant de la tradition qui l’avait formé, désormais l’originalité la plus débridée et la nouveauté seront les nouveaux repères. Tant et si bien que tout le monde pourra sérieusement se croire artiste.
L’analyse très fine étayée d’éléments autobiographiques fait de L’effervescence du vide un livre très singulier d’une belle et grave lucidité. Le drame de 68 aura été d’oublier la célèbre formule de Bernard de Chartres, philosophe du XII° siècle : « Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants », tant il est vrai qu’on ne peut s’opposer et dépasser la tradition qu’en l’ayant assimilée.
L’essai de Nicolas Grimaldi , sorte de joli requiem, a l’originalité de produire une pensée stimulante à partir d’éléments vécus douloureusement. D’un drame intime il parvient à tirer une leçon de sagesse. Evoquant sa vie d’aujourd’hui, installé à Saint Jean de Luz, il écrit : « Là, enfermé dans une cellule, suffisamment entouré de livres pour n’y manquer pas plus d’amis que de conversation, je pourrais enfin me livrer à ce que ma vie professionnelle m’avait fait ajourner depuis quarante ans. A cela je donnais un nom : c’était la philosophie. »
A noter la réédition en format poche du précédant livre de Nicolas Grimaldi Les métamorphoses de l’amour, superbes variations sur l’art d’aimer.
Olivier de Marc
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