Philippe Sollers est un écrivain bordelais, il est toujours bon de le rappeler. Et d'ailleurs Sollers lui-même se charge de nous dire la fierté de ses années bordelaises, de la beauté de Bordeaux, quitte à convoquer Stendhal qui hissa la ville très haut dans son appréciation des villes françaises. Sollers donc aborde L'éclaircie par un vif retour sur lui-même, sur son enfance à l'ombre d'un cèdre régnant dans le parc de sa maison talençaise. Dans ce parc, la soeur de Philippe Sollers, dénommée Anne, jouait avec lui. Une soeur plus grande dont la vie se révèle peu à peu dans les souvenirs de son frère mais aussi dans l'amour qu'il lui portait, un amour quasi charnel. Cela, Sollers l'écrit désormais car sa soeur est morte. En une page pudique et sombre il écrit ce départ qui va lancer son livre car le noyau central qu'est l'évocation d'Anne, soeur et amante manquée, est placé entre deux lignes qui sont directrices. L'une s'appellent Manet, l'autre Picasso. Lignes droites et parallèles mais non continues. Les deux génies picturaux vont être travaillés par Philippe Sollers dans la prépondérance de l'univers féminin qui les constitue. Des muses, des maîtresses et des soeurs...
Enfin, cette architecture imaginaire est traversée, "transversée", par une ligne ferme et maintenue contenant Casanova, marotte absolue de l'écrivain, Lucy, femme de mystères et Sollers lui-même, l'heureux homme de la rue du Bac qui dans un studio de circonstance attend régulièrement les quelques heures d'amour et de conversation passées avec Lucy.
Le décor et les personnages bien fixés, le théâtre sollersien s'anime. Il peut-être déroutant par la rapidité d'éxécution des scènes mais demeure précis, sûr et déterminé. L'écriture de Philippe Sollers est, depuis longtemps, une forme mouvante, adaptée et adaptable au flux contemporain. Ainsi peut-on en apprendre beaucoup sur le microcosme parisien que Sollers, souterrainement, visite en observateur privilégié. Le roman, lui, est ailleurs puisqu'il s'agit d'un roman. Manet et Picasso en sont les protagonistes. L'art en est le sujet et l'amour, la quête ultime. A l'arrière, devant, partout, Sollers tire les ficelles: il ordonne, distribue, administre, couve ses personnages tel un Gepetto fasciné par sa marionnette. Ainsi nous avons droit à une représentation qui, bien mieux qu'un spectacle, nous instruit de ce que le maître des lieux veux bien nous apprendre.
Excellente analyse en un condensé de mots que me suis permis de reprendre sur
RépondreSupprimerwww.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=1241
"Sur et autour de Philippe Sollers. La littérature et l'art comme divertissement, Sollers comme passeur."
Cordialement,