Dans la gueule de l’ours de James A. McLaughlin aux éditions Rue de l’échiquier
Il faut remonter au mois de février lors d’une soirée organisée à Bordeaux dans un restaurant des Chartrons. Le fondateur des éditions Rue de l’échiquier est présent entouré d' autres éditeurs. Ils sont venus présenter leur production récente, ils sont jeunes, enthousiastes, généreux. Les libraires venus à leur rencontre sont repartis chargés de quelques uns de leurs livres. Parmi ceux-là, un premier roman américain : Dans la gueule de l’ours.
Une citation de Jim Harrison ouvre le roman :
« La beauté du serpent à sonnette, c’est sa menace. »
En effet, le personnage principal du livre évoque la crainte, le plus souvent infondée, de l’homme pour cet animal. Les animaux tiennent d’ailleurs une place prépondérante dans cette histoire, ils en sont les acteurs indispensables. Des oiseaux, des mammifères, l’ours bien sûr dont la présence dans le parc de Turk mountain est protégée. Turk mountain est un espace naturel en Virginie, une forêt primaire y est préservée grâce à une lointaine acquisition du domaine par une famille richissime. Le dénommé Rice y a été recruté comme gardien car il y a beaucoup à protéger et à surveiller. Les hommes ne sont pas tolérés, le projet du parc est de laisser la nature à elle-même et pour cela le parc a été entouré d’une gigantesque clôture qui en interdit l’accès. Turk mountain fait office de laboratoire où l’on observe sans intervenir d’une manière scientifique. Rice n’est donc pas qu’un simple gardien, il procède à des relevés réguliers de l’évolution de la faune et de la flore dont il est le seul responsable.
Dans la gueule de l’ours est une ode merveilleuse à la nature qui tend la main à Walden ou la vie dans les bois de Thoreau.
Mais il faut bien revenir à l’homme dont Rice est un représentant malgré lui. Bien souvent l'homme doit braver les interdits. Une clôture est faite pour être franchie car de l’autre côté il y a de la rareté et donc de l’argent. Dans la gueule de l’ours prend alors sans prévenir des allures de polar, le personnage de Rice s’épaissit, il fut autre chose qu’un Robinson noyé dans la nature, son passé refait surface et s’apprête même à le rattraper. Du moins, Rice s’attend chaque jour à le voir revenir, c’est la raison pour laquelle il est à Turk mountain : pour se cacher.
Mais Turk mountain vaut également une belle cascade d’ennuis. Une fois la clôture franchie, les intrus braconnent. L’ours précisément.
Dans la gueule de l’ours s’inscrit dans la grande tradition des romans américains qui n’oublient aucun détail ou plutôt qui puisent dans les détails la profondeur romanesque. Rice n’aura de cesse d’observer, il est un élément étranger à la nature (mais il s’attellera à se fondre au plus près en elle) et à la Virginie dont il n’est pas natif (il vient d’Arizona). Ses incursions dans les villes alentours lui valent un rejet immédiat car il est d’une part le gardien de Turk mountain, celui qui empêche d’entrée dans une réserve que beaucoup pensent leur appartenir et quelqu'un qui n’adhère pas au mode de vie local qui est, soit dit en passant, quelque peu arriéré. On chasse, on boit et l’on devient vite violent.
Une succession de personnages vont alimenter la chronique de Turk mountain, une chronique de plus en plus dangereuse, complexe, aux enjeux multiples que le talent de l’auteur assemble crescendo pour un final savamment construit qui ménage un suspense captivant.
Les éditions Rue de l’échiquier n’ont pas publié ce livre tout à fait par hasard. Si l’on regarde leur production, on comprend que son intérêt pour l’écologie n’est pas mineur. Dans la gueule de l’ours est une brève mais pas unique apparition dans la fiction.
Les plus observateurs d’entre vous auront remarqué que nous avions beaucoup aimé Moi, Mikko et Anniki de Tiitu Takalo, une bande dessinée chroniquée et publiée sur le blog le 14 février 2020…
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