samedi 20 décembre 2014

Première neige sur le mont Fuji de Yanusari KAWABATA

Première neige sur le mont Fuji de Yasunari KAWABATA aux éditions Albin Michel, 16 euros.

Six nouvelles inédites, jamais traduites, de l'immense auteur des Belles endormies. On pourrait croire qu'elles sont mineures mais non, elles appartiennent pleinement au grand œuvre du prix Nobel de littérature1968.

Pour la plupart, elles sont tirées par un même élan vers le passé, il suffit que l'on détricote la vie d'un personnage ou d'un couple et, à partir d'une situation simple et banale -le constat de la première neige sur le mont Fuji par exemple-, des existences entières se recomposent avec une grande tendresse.
 
Cela peut être aussi puisé dans un quotidien plus banal  mais les éléments naturels demeurent à chaque fois présents. Des gouttes de pluie, la chute des feuilles, le soleil couchant sur un lac, des observations immédiates qui procurent une palette de sentiments ouverte sur le passé. Untel revient en rêve (par hélicoptère !) dans le village de son enfance, il y retrouve une amie telle qu'il l'a connue enfant, puis surgit sa grand-mère et un secret qu'il ne pensait jamais pouvoir être révélé a été découvert, il y a déjà bien longtemps. 

C'est peut-être avec la nouvelle En silence que le grand art de Kawabata se révèle le plus. La jeune femme, qui interprète les silences du grand écrivain muet pour celui qui est venu lui rendre hommage, transforme l'exercice en un subtil jeu de séduction dont aucun des protagonistes ne semble être dupe.
L'humour fait son nid mais il n'est jamais séparé d'une douce et secrète mélancolie que l'on retrouve intacte dans Une rangée d'arbres qui rappelle à toute une famille l'éloignement d'un fils par le truchement de la chute des feuilles d'un Ginko Biloba.

Enfin, La jeune fille et son odeur qui clôt le recueil emprunte son inspiration encore au souvenir et à la commémoration. Le comique côtoie le tragique avec d'infinies précautions tout au long du récit d'un homme irrésistiblement attiré par l'odeur d'une jeune femme qui lui répond ainsi :
Chaque fois que tu me parles de ça, je suis à la fois terriblement gênée et tellement contente ! Mais si d'autres hommes captaient mon odeur, alors je préférerais mourir !
La jeune femme de dix-sept ans exige cependant que leurs rendez-vous aient lieu en un endroit discret proche de là où sa mère est enterrée. Et voilà qu'à partir d'une situation particulière, une vie entière est confessée.

Écrites tout au long des années 50, les nouvelles de Kawabata décrivent une société japonaise encore mortifiée par la guerre mais gagnée aussi par une volonté farouche de modernité. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire