Le livre de poche nous donne régulièrement l’occasion de nous replonger dans l’univers de Sagan en rééditant ses titres. Avec La femme fardée, nous embarquons à bord du « Narcissus » pour une croisière sur la méditerranée. Là, dans un huis clos savoureux qui exacerbe les passions, on assiste à des histoires de couples instables faites d’infidélités et de jalousies. Toute la panoplie des sentiments humains défile sous l’oeil lucide et acéré de Sagan. La cruauté du regard n’est pas sans humour : « Pour la première fois depuis le départ de Cannes, Charley se trouvait en tête à tête avec Andreas. Il avait fait ses classes en pédérastie avec des maîtres fort renseignés et donc l’unique et définitive devise était ce « on ne sait jamais »qui avait déjà fait ses preuves, disait-on. Cette obstination, cette fixité dans le désir, cette croyance aveugle qu’il suffisait d’un rien pour que chaque individu de chaque sexe puisse oublier une heure que la normalité lui interdisait d’aimer le sien, avait été la bible et le réconfort de notre malheureux commissaire de bord ».Comme souvent chez Sagan, ses personnages sont riches et ont apparemment tout pour être heureux, sauf qu’ils ne le sont pas. La petite musique marche à plein. Atypique par son épaisseur, plus de 500 pages, La femme fardée , roman d’une remarquable finesse psychologique possède ce gout doux amer inimitable.
On a beaucoup écrit sur Sagan, sa vie et son oeuvre tant les deux sont liés. C’est la rançon des mythes. Phénomène rare dans la littérature, elle aura aussi été une icône. La principale hantise de Sagan était l’ennui qu’elle s’efforcera de fuir par tous les moyens. En s’entourant d’amis par exemple. L’un des piliers de sa bande, le brillant Bernard Franck déclarait à propos d’elle : « Françoise Sagan, c’est un peu la mademoiselle Chanel de notre littérature. On aime ou on n’aime pas ses petits tailleurs tout simples, ses pulls, cette élégance négligée ». Nous, on aime, on adore !
L’ immense générosité , la liberté et l’intelligence de ce « gentil petit monstre » comme l’avait qualifiée Mauriac nous manquent. Elle reste aussi le témoin d’une époque où régnait une insouciante joie de vivre, celle des trente glorieuses où la vie était plus pétillante que le champagne alors qu’aujourd’hui tout cela s’est quelque peu éventé.
A noter la parution aux éditions Stock de Sagan et fils de Denis Westhoff (19,00€),témoignage du propre fils de Sagan et pour les fans surtout ne pas oublier le superbe portrait de Marie-Dominique Lelièvre Sagan à toute allure (Folio 7,50€).
Olivier de Marc
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