Après Gerda de Pierre-François MOREAU aux éditions du Sonneur, 16 euros.
Pierre-François Moreau reprend ici, dans l’un des moments les plus tragiques de sa vie, l'état psychologique d'une figure majeure de la photographie.
Robert Capa, puisqu’il s’agit de lui, vient de perdre la femme de sa vie : Gerda Taro. Celle-ci est morte au cours d’un reportage sur le front de la guerre d’Espagne. Un bombardement des forces franquistes ayant mis le désordre dans des manœuvres de chars républicains, l‘un deux a percuté le camion sur lequel Gerda se tenait debout sur un marche-pied.
A la suite de ce drame Robert Capa embarque pour New-York mais son âme continue d’errer sur les lieux de la guerre d’Espagne qu’il photographiait pour un magazine français.
Robert Capa revient notamment sur une séance de photos avec des soldats républicains où l’un deux, confesse t-il, joua la mort. Cette photo, donc, mise en scène, consacra le photographe et devint, à la une des journaux, le symbole de cette guerre.
Mais parmi les souvenirs qui affluent en masse dans le cerveau du jeune hongrois (il n’a pas vingt-cinq ans), beaucoup, sinon tous, sont reliés à Gerda, cette allemande d’origine juive et bourgeoise, plus âgée que lui de quelques années, qui orienta et encouragea la carrière de celui qu’elle aima par intermittence. Elle aussi fut photographe de guerre - la seule femme photographe à s’être rendue en Espagne - et fut une influence absolue pour Robert Capa.
Pierre-François Moreau procède par aller-retour dans le jeu de mémoire de Capa. Le style est propre au baroudeur touché en son cœur. Plus rien ne compte vraiment, les êtres qui l’entourent ont une présence qui ne le touche plus. Seuls les clichés de Gerda importent et sa présence à New-York est une chance de publier un livre où le nom des deux amants seraient, pour la postérité, réunis.
Nous accédons alors à l’univers de la presse new-yorkaise. Les premiers numéros de Life sont parus. L’ère du sensationnalisme est en marche, photos à l’appui.
Plane aussi la figure d’Ernest Hemingway non loin de celle de John Dos Passos. C’est une génération qui passe, des témoins de première main dont Hemingway demeure aujourd’hui encore le héraut. Mais son quart d’heure effectué, à proprement dit, sur le front ne lui aura pas suffit à lui dicter Pour qui sonne le glas. Les photos de Robert Capa auront, en revanche, largement contribué à combler son manque d’information. La confidence venant, à ce moment-là du livre, d’Hemingway lui-même.
Après Gerda est la tentative réussie de ressusciter une ambiance et un état d’esprit qui se dégage derrière l’hommage bien réel à une femme exceptionnelle.
De New-York à Madrid, de Madrid à Paris, Pierre-François Moreau utilise la mémoire désœuvrée de Robert Capa pour restituer quelques moments clés d’un conflit précurseur et perdu notamment par le désengagement de nations amies (la France et l’Angleterre).
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