Adalbert Stifter (1805-1868) est connu comme l’un des plus grands
descripteurs de la nature. Post-romantique, il appartient à la
génération qui occuppa le grand vide laissé par Goethe dans les lettres
allemandes, il fut aussi l’un des derniers écrivains issus de la Bohême
avant la dislocation de l’empire Austro-hongrois qu’il aide, fort à
propos, à situer dans Les Grands bois.
Pénétrer l’amas descriptif des Grands Bois est quelque peu
vertigineux mais de cet amoncellement de paysages l’on perçoit maints
éclats qui atteignent un profond désir d’harmonie que la seule nature
sait instaurer, touchant directement au coeur.
L’histoire des Grands bois est donc absorbée par les
éléments naturels et les acteurs humains du roman, notamment guerriers,
sont irrémédiablement rattrappés par leur pouvoir. L’histoire en soi
conte les malheurs d’un seigneur qui, bien logé dans son château, sent
les prémices d’une guerre et de l’envahissement de son pays (la Bohème)
par des hordes venues de Suède. Précautionneusement, il déplace ses deux
filles en un lieu inconnu de tous sinon d’un vieil ami qui, en ermite,
les accueille. Clarissa et Johanna, donc, effectuent le voyage à travers
les forêts jusqu’au refuge situé dans les montagnes, au bord d’un lac.
De là, elles peuvent apercevoir le château depuis un promontoire et à
l’aide d’une lunette qui a la vertu de les rassurer.
La nouvelle vie des demoiselles se confond avec les saisons,
l’automne puis l’hiver font une lente apparition. Or, le sort est jeté
quand un cavalier parvient au refuge et déclare son amour à Clarissa qui
l’accepte. Quelques semaines passent et le cavalier scelle le destin du
château par un fait confus qui provoque la catastrophe.
L’élan médiéval, perceptible chez Stifter, convoque des âmes qui,
aussi pures soient-elles, sont, envers et contre tout, vouées à la
déstruction à l’égal de la nature. Stifter ne fut jamais un grand
optimiste, sa mort elle-même conforte cette appréciation puisqu’il se
suicida en se coupant la gorge à l’aide d’un rasoir…
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