vendredi 13 décembre 2019

Prins de César Aira

Prins de Cesar Aira, éditions Christian Bourgois, 15 euros




Il ne fait pas bon être un auteur à succès. Pas dans ce roman là. En effet, le personnage principal de César Aira décide du jour au lendemain d'arrêter d'écrire sous prétexte qu'il est arrivé au bout de ce qu'il pouvait créer, avec une sensation d'avoir suffisamment "manipulé" ses lecteurs par des romans trop codés et formatés pour le succès et la renommée.

Cesser d'écrire, pour toujours, liquider la dette pérenne de l'écriture, voilà qui me laissait la liberté de m'organiser, dans un seul but: me sentir bien. Il ne me restait qu'à trouver la bonne occupation de substitution; probablement était-elle à portée de main, cachée dans la grande encyclopédie du monde.

Sa nouvelle attraction se situe rue Hong Kong, au bout d'une ligne de bus, dans un quartier malfamé de Buenos Aires, au cœur d'une curieuse boutique nommée l'Antiquité, tenue par un homme se faisant appeler "L'Huissier". Elle se matérialise en un bloc très volumineux qui a pour vocation d'être consommé afin d'atteindre un état proche de l'extase, à l'instar d'écrivains comme Baudelaire, Cocteau, Artaud. Il s'agit bien sûr d'opium.
L'arrivée de l'opium dans le roman de César Aira procure autant de divagations chez nous lecteur que dans la vie de son personnage. La drogue projette alors un faisceau biaisé, telle une séance de cinéma dans laquelle se superposent plusieurs événements de sa vie, une vie qui a réellement eu lieu et quelques hypothèses qui apportent leur lot de folie. Libre au lecteur de s'y retrouver, sachant que dans les romans de César Aira, personne ne se perd. Ou alors, on l'a choisi.
Ici on fait le choix de ne pas vouloir comprendre pourquoi la clé de l'"Antiquité" se situe à l'intérieur du bloc d'opium, et qu'il faut impérativement fumer le bloc entier pour libérer la clé et dénouer la relation étrange qui relie le personnage central et l'Huissier.
On fait le choix encore plus fort de jubiler lorsque l'on découvre Alicia, rencontrée pour la première fois aussi bien dans le bus qui va rue Hong Kong que sur les bancs de l'université, dans la jeunesse de l'auteur gothique.

On fait enfin le choix de faire lire ce livre à tout notre entourage, tant il est plaisant, juste, hilarant. Parce qu'on a envie d'offrir ce moment de liberté procuré non pas par l'opium justement, mais par la littérature quand elle est bien à sa place, sans prétention aucune.






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire