vendredi 27 décembre 2019

Par les routes de Sylvain PRUDHOMME

Par les routes de Sylvain PRUDHOMME (Prix Fémina 2019) aux éditions L'Arbalète Gallimard, 19 euros.


Indéniablement Sylvain Prudhomme possède un talent narratif qui justifie son attribution d’un des prix littéraires les plus convoités de la rentrée. Sous des abords simples - naturalistes* aurait-on dit à une autre époque - une clarté de la langue prédomine sur un propos que d’aucuns pourraient traiter de convenu s’il ne détenait une part réellement originale. 

Commençons par le début avec l’arrivée en ville du narrateur, dénommé Sacha, écrivain en recherche d’une retraite calme et inspirante. Cette ville du sud de la France - indéterminée mais que l’on peut situer entre Lyon et Marseille - est une occasion de retrouver pour Sacha, un vieil ami perdu de vue depuis une dizaine d’années. 
Celui-ci est un être doté d’un charisme hors-norme, comme s’il n’avait jamais renié ses élans de jeunesse à savoir une vie libre et vagabonde qu’il a un temps partagée avec Sacha. Ce dernier l’appelle l’Autostoppeur puisqu’il ne cesse, dix ans après, de partir comme bon lui semble et silonner les routes à bord des voitures qui daignent le prendre en autostop. 

Est-ce difficile ? Pas du tout rétorque t-il, il est l'un des derniers à pratiquer ce mode de transport et en fait un style de vie qui lui procure les surprises qu’il recherche à partir des rencontres qu’il provoque. Mais la faille chez l’Autostoppeur se situe dans sa vie familiale car il est père d’un enfant et compagnon d’une femme qui doivent se soumettre à ses départs précipités et ses absences prolongées sur les routes (de France exclusivement). 

Sacha n’en revient pas. Comment Marie et son fils Agustin peuvent-ils supporter ce qui apparaît de l’extérieur comme une forme d’égoïsme absolu. Quel mystère pousse l’Autostoppeur à partir sans cesse et comment Marie parvient-elle à entretenir son amour avec ce voyageur inouï ? 

Cette lente approche du coeur humain est par endroit tout à fait admirable, on reste suspendu au dénouement que l’on pressent mais qui s’avère toujours insaisissable, reporté à plus tard à l’instar d’une résolution que l’Autostoppeur tarde à divulguer. 

Sacha, Marie et Agustin forment un trio toujours en attente des nouvelles de l’Autostoppeur qui allonge toujours plus ses voyages avec, comme nouveauté, l’envoi régulier de cartes postales le situant dans son périple hexagonal. Les lieux les plus insolites convergent vers la boite aux lettres de Marie jusqu’où jour où celle-ci décide d’aller rejoindre son amour, de le rechercher et tomber miraculeusement sur lui, bien sûr au bord d’une route.

Sylvain Prudhomme avec une force d’empathie terriblement efficace décrit les différents chemins de l’âme de ses personnages. L’énigme de l’Autostoppeur est totale et nous embarrasse autant que les trois êtres qui vivent à ses dépends, à son indéfinissable fantaisie, à moins que sa démarche ne détienne une profondeur insondable, une clé essentielle de la vie telle qu’elle doit être vécue. 

Quelque chose d’indécidable se profile à la fin du livre. Quel parti prendre ? La fin ouverte du roman laisse songeur, sommes nous pris au piège de l’informulée question laissée par l’Autostoppeur ? La prouesse est belle et suscite réflexion.

* Naturalisme : terme utilisé par Zola pour désigner sa conception du discours romanesque et du contenu de ce discours, chargé de transmettre une réalité "expérimentale" sur le modèle des sciences de la nature. Dictionnaire des littératures de langue française, éditions Bordas.

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