Nos richesses de Kaouther ADIMI aux éditions du Seuil, 17 euros.
En 1935, Edmond Charlot ouvrit à Alger une librairie nommée Les vraies richesses. Il demanda l’autorisation d’utiliser ce titre à Jean Giono qui lui répondit positivement.
Nos richesses est un hommage à Edmond Charlot et reprend de vibrants passages des carnets que celui-ci rédigea jusqu’aux terribles années de la guerre d’indépendance algérienne.
Kaouther Adimi invente par ailleurs un autre personnage nommé Ryad qui arrive de nos jours à Alger, pour la première fois. Il est chargé de transformer la vieille librairie d’Edmond Charlot, de la délester des quelques livres restants puisque le lieu est voué à vendre désormais des beignets.
Edmond Charlot a lutté pour que son lieu réunisse à la fois de fervents lecteurs de littérature et des écrivains qu’il aida à se faire publier ou qu’il publia lui-même. Albert Camus, bien sûr, Jean Grenier, Jean Senac, Jean Amrouche, André Gide, Antoine de Saint-Exupéry, Jules Roy, Frédéric Jacques Temple, Armand Guibert, Max Pol Fouchet ont tous foulé le sol des Vraies richesses. Le succès aidant, Edmond Charlot se résolut à ouvrir une librairie à Paris et propulses les éditions Charlot aux côtés des Grasset, Julliard et Gallimard.
En marge des carnets d’Edmond Charlot, Kaouther Adimi délivre les moments cruciaux du grand écart effectué par son héros entre la France et l’Algérie. C’est aussi et surtout la triste chronique du désamour croissant entre les deux pays. Le style d’Adimi se déleste alors de tout effet de style, seuls quelques mots suffisent à dénoncer l’horreur.
Ryad, des années plus tard, ne se soucie absolument pas de ce qui a pu se produire ces années-là. D’ailleurs il ne lit pas. L’objet essentiel de sa préoccupation se nomme Claire, son amoureuse restée à Paris. Peu à peu, cependant, son indifférence aux livres et à la librairie cède au contact des voisins qui l’accueillent chaleureusement bien avertis de la mission qui l’amène.
Cet aspect du roman procure un bel équilibre aux années Charlot. L’Alger d’aujourd’hui, en pénurie constante, froide et pluvieuse, répond aux images du passé. Il y a une mémoire à Alger qui demeure insaisissable. Un match de foot, bien qu’amical, entre la France et l’Algérie soulève un émoi considérable à Alger. « Ça va chauffer » prévient-on.
En 1961, la librairie parisienne d’Edmond Charlot fut plastiquée par l’OAS. Suite à quoi Edmond Charlot prévint ceux qui ne connaissaient point Paris : « Attention, les français sont durs ».
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