Eric Chevillard n’a pas repris la chronique que le journal Le Monde lui avait proposée chaque semaine depuis quelques années. Ses humeurs parfois massacrantes avaient le don de le placer, en haut lieu, dans une détestation qui devait le réjouir.
Effectivement, Eric Chevillard milite pour une littérature un peu moins niaise, un peu moins attendue, capable de déclencher d’énormes fous rires et, en prime, d’enrichir son lecteur d’un vocabulaire insoupçonné. Mais il serait trop long de parler de l’œuvre de cet auteur coupable d’avoir publié aux éditions de Minuit une vingtaine de livres qui lui assurent une place pérenne dans les ouvrages d’histoire de la littérature française.
Défense de Prosper Brouillon est un petit florilège de ce qu'Eric Chevillard a rencontré le temps de ses lectures pour Le Monde. Cela ressemble à un essai mais il s’agit, en mémoire à Du Bellay, d’une défense de l’œuvre de Prosper Brouillon accommodée d'une illustration (par l'exemple) de cette œuvre. Prosper Brouillon ayant l’insigne avantage de cumuler la gloire et la beauté, c’est-à-dire la reconnaissance du public et celle de la critique.
Prosper Brouillon est donc l’archétype d’une littérature qui se vend, qui récolte des prix et qu’un prompt défenseur nous présente à l'encontre du petit cercle aigri des littérateurs de Saint-Germain-des-Prés dont une succulente description nous est servie comme hors-d’œuvre.
Cependant, le gros du livre se tient dans une analyse détaillée du dernier roman paru de Prosper Brouillon, Les gondoliers, citations à l’appui. Cet éloge quelque peu dévastateur pour celui qu'Eric Chevillard nous décrit comme un des plus reconnus de nos auteurs contemporains est aussi une réflexion cachée sur le commerce du roman aujourd’hui.
Chevillard lutte d'une manière infiniment habile contre les aberrations stylistiques qu’il rapporte - nous dit-il à la toute fin du livre - d’une somme de romans publiés récemment par des auteurs dont certains sont académiciens et d’autres couronnés par des prix..
De là lui est venue cette fiction d’une fiction nommée Les gondoliers. Une histoire construite à coups de ciseaux qui tourne en ridicule le sentiment amoureux en raison des perles ramenées par Chevillard et diaboliquement assemblées sous le nom de Prosper Brouillon.
"Ecrire et tricoter c’est pareil", telle est la recette imparable de Prosper Brouillon. Eric Chevillard reprend la formule au pied de la lettre et jette un vrai pavé dans la mare de la rentrée littéraire.
Enfin, il est fort dommage d'en parler après tout ce qui vient d'être écrit mais les dessins d'une rêverie douce et perplexe de Jean-François Martin apportent une réflexion exemplaire à ce vice impuni de la lecture. Une raison supplémentaire sinon essentielle pour se procurer ce livre.
Enfin, il est fort dommage d'en parler après tout ce qui vient d'être écrit mais les dessins d'une rêverie douce et perplexe de Jean-François Martin apportent une réflexion exemplaire à ce vice impuni de la lecture. Une raison supplémentaire sinon essentielle pour se procurer ce livre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire