samedi 23 juillet 2016

Minuit au Pera Palace de Charles KING

Minuit au Pera Palace de Charles KING aux éditions Payot, 25 euros

Le saviez-vous ? Ce n’est qu’en 1925 que la Turquie se mit à l’heure européenne et fêta le nouvel an à minuit. La photo un peu loufoque, qui orne la couverture du livre, témoigne des fêtes qui se déroulèrent au coeur des années folles notamment au Pera Palace, un de ses hôtels les plus symboliques. 

Au-delà de l’histoire de cet édifice mondain et luxueux que permit l’extension du chemin de fer qui entraina de ce fait l’arrivée des wagons Pullman et de l’Orient Express, Charles King  nous instruit des évènements considérables qui débouchèrent sur la naissance de la Turquie moderne. Le virage décisif pris à la fin de la Première Guerre Mondiale amorça la chute du dernier des sultans ottomans. La république turque s’instaura et le premier président de l’état turc advint: Mustapha kemal dit Ataturk.  

Cependant, ce n’est pas un cours magistral que nous administre Charles King mais une succession voire une accumulation de portraits d’hommes et de femmes plus ou moins  illustres qui participèrent à l’édification de ce bouleversement radical qui s’opéra en Turquie en ces années où le Pera Palace brillait de mille feux. 


Le cosmopolitisme qui s’invita au coeur d’Istanbul joua alors une partition fascinante composée d’acteurs souvent méconnus et dont la part romanesque et aventureuse se révéla bien plus palpitante que celle de personnages plus familiers convoqués malgré tout car ils marquèrent eux aussi Istanbul de leur empreinte. Ainsi Nazim Hikmet, Ernest Hemingway, John Dos Passos, Agatha Christie ou encore Léon Trotski sont supplantés par Halide Edip la première féministe turque qui avec son mari Adnan accéda aux plus hautes instances du pouvoir politique derrière Mustapha Kemal, bien entendu. Mais encore, l’élection de l'une des premières Miss Turquie, Kerman Halis, est un délectable épisode que Charles King nous conte avec un sens romanesque épatant. 

Enfin et surtout, c’est la vie et l’oeuvre de l’américain Thomas Whittemore qui, patriotisme oblige, offre le plus beau et le plus légitimes des portraits dès lors que Charles King, écrivant-là ses plus belles pages,  évoque les travaux de restauration opérés en 1931 sur les mosaïques byzantines d’Hagia Sophia, le chef d’oeuvre chrétien transmué en lieu saint musulman avant d’être reconverti en musée. 

Ce chapitre essentiel est un superbe éclairage sur la complexité stambouliote. Bien plus que son positionnement stratégique à l’entrée du Bosphore, son revirement religieux nous renvoie aux premiers siècles de notre civilisation et octroie à cette capitale du monde qu’elle partage avec quelques autres, une importance fondamentale que le moindre soubresaut alerte car il s’agit d’un lieu comparable à nul autre.

Ce livre reconnu aux Etats-Unis comme l'un des meilleurs livres de l'année en 2014 a obtenu le prix du voyage urbain 2016 crée par le Figaro magazine et The Peninsula Paris.

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